par RFI
Article publié le 26/07/2007 Dernière mise à jour le 26/07/2007 à 20:25 TU
Le groupe nucléaire Areva a confirmé, jeudi à Paris, l’expulsion de son directeur au Niger, tout en déplorant cette décision des autorités de Niamey. Dominique Pin aurait été expulsé pour ses liens présumés avec la rébellion du Mouvement des nigériens pour la justice (MNJ). Les autorités nigériennes avaient expulsé, fin juin, l’ancien colonel français Gilles de Namur, chargé de la sécurité d’Areva-Niger. Réagissant à une campagne menée dans la presse nigérienne et même dans des manifestations de rues, le groupe Areva, numéro un mondial du nucléaire civil, a démenti tout soutien aux rebelles touaregs du Niger, affirmant que « ces accusations sont sans fondement ». Le Niger est un des principaux producteurs d’uranium de la planète.
C’est un décret du ministre d’Etat à l’Intérieur et à la Sécurité publique, Albade Abouba, en date du 24 juillet, qui expulse définitivement du Niger le directeur-général d’Areva-Niger, Dominique Pin. Selon la note ministérielle, « Monsieur Pin est accusé d’atteinte aux intérêts supérieurs de l’Etat. L’intéressé est mis en demeure de quitter le territoire du Niger dans les 48 heures ». L’expulsion du représentant d’Areva intervient au moment même où l’intéressé est en vacances en France, mais aussi à quelques semaines de l’expulsion de l’expert en sécurité du groupe, le colonel à la retraite Gilles de Namur.
Depuis le début de l’insécurité dans le nord du pays, en février dernier, les spéculations sur la complicité d’Areva avec les rebelles du MNJ circulent dans les milieux officiels et la société civile. Lors des deux dernières manifestations de soutien au gouvernement pour le retour de la paix, les noms d’Areva, de la France et de la Libye ont été cités comme étant les principaux financiers de la rébellion.
Dans un point de presse animé la semaine dernière, le représentant d’Areva-Niger avait décliné toute responsabilité dans l’insécurité dans le nord du pays. Dominique Pin avait même annoncé un investissement de 700 milliards de francs CFA (un milliard d’euros) pour l’exploitation d’uranium sur ces sites. Cette deuxième expulsion d’une personnalité d’Areva semble indiquer qu’un conflit est ouvert entre le groupe industriel français et le gouvernement du Niger, décidé à diversifier ses partenaires dans l’exploitation des ses ressources minières.
Les prix de l'uranium s’envolent
Dans son communiqué publié jeudi à Paris, Areva souligne que « rien dans l’action de Dominique Pin ne peut justifier la mesure qui le frappe ». Le groupe avait été accusé par certains medias nigériens de soutenir les rebelles touaregs, lesquels ont démenti tout soutien extérieur. Les autorités de Niamey affirment que les rebelles touaregs ne sont que des « bandits armés ».
L'uranium nigérien est stratégique pour le groupe Areva. L'année dernière, ce sont quelques 3 000 tonnes d'uranium sous forme de concentrés qui sont sorties des mines situées dans la région d'Arlit à plus de 1 000 kilomètres de Niamey. 3 000 tonnes, c'est la moitié de la production totale d'uranium du groupe Areva. Au Niger, le groupe français gère ses mines et les usines sur place à travers deux filiales : la Somaïr, la Société des Mines de l'Aïr - où Areva est actionnaire majoritaire à plus de 63 %, le reste, plus de 36 % étant détenu par l'Etat nigérien - et la Cominak, Compagnie minière d'Akouta. Areva y détient 34 % du capital, l'Etat nigérien 31 %, une société japonaise 25 %, et des Espagnols 10%. Les deux filiales du groupe français sont présentes au Niger depuis les années 70, et emploient plus de 2 000 personnes, en grande majorité des Nigériens.
Areva dont les concessions sont en discussion avec le gouvernement nigérien entend défendre ses positions, mises à mal par la concurrence chinoise, mais aussi multinationale, avec le géant Rio Tinto. Le refus du groupe AREVA à remettre les données géologiques au Niger aurait quelque peu fâché à Niamey. Le gouvernement nigérien pourrait avoir choisi de faire monter les enchères. Le groupe français estime avoir multiplié les signes de bonne volonté, affirmant vouloir développer ses activités au Niger, avec l'énorme mine d'Imouraren, un investissement de plus d'un milliard d'Euros - 700 milliards de francs CFA -. L'exploitation de cette mine permettrait à Areva de doubler sa production d'uranium au Niger.
Les contrats à terme signés en ce moment sont en effet très intéressants financièrement. Depuis 2003, les prix de l'uranium ont été multipliés par dix. Le Niger a extrait, en 2006, près de 7,5 % de la production mondiale de ce minerai qui est notamment utilisé comme combustible dans les centrales nucléaires. Le cours actuel de la livre d’uranium est de 130 dollars, environ 100 euros.