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Cambodge

Khieu Samphan choisit Vergès comme avocat

par Nicolas Vescovacci

Article publié le 27/07/2007 Dernière mise à jour le 27/07/2007 à 16:05 TU

Khieu Samphan, l'un des anciens dirigeants Khmers rouges, a choisi ce vendredi l'avocat français Jacques Vergès pour assurer sa défense. L'ancien président du « Kampuchea démocratique », dirigé par Pol Pot entre 1975 et 1979, pourrait devoir comparaître dès l'année prochaine dans le procès des Khmers rouges. Cinq personnes, dont on ignore l'identité, ont été récemment accusées de crimes de guerre, de crime contre l'humanité et de génocide par le procureur du tribunal des Khmers rouges. Khieu Samphan pense être l'un des présumés coupables. Mais alors que près de deux millions de personnes ont été tuées sous le régime de Pol Pot, il affirme toujours, trente ans après, « ne rien regretter » et « ne rien avoir à se rapprocher ». Pour lui, ce sont les communistes vietnamiens et la puissance impérialiste américaine qui sont responsables de la crise qui a mené, dit-il, aux arrestations massives et à « ces choses là », faisant référence, sans jamais le dire, aux massacres. Interview exclusive de Khieu Samphan joint dans son fief de Pailin, par Nicolas Vescovacci.

RFI : Est-il vrai que vous avez choisi Jacques Vergès pour assurer votre défense ?

K.S :  En effet, c'est mon avocat. On s'est connus pendant que je faisais mes études en France. Nous avons participé à plusieurs manifestations contre la guerre d'Algérie et contre la guerre du Vietnam. Je crois qu'il va s'efforcer de faire triompher le droit.

RFI : Vous pensez faire partie des cinq présumés inculpés par le procureur du tribunal ?

K.S : J'ai mon nom dans presque tous les journaux. Alors, je crois que c'est possible que je sois parmi les cinq.

RFI : Vous irez donc au procès si vous êtes inculpé ?

K.S : Oui.

RFI : Pour dire quoi ?

K.S : Ca dépend de l'inculpation qui me sera attribuée.

RFI : Les chefs d'inculpation que le procureur aurait retenus seraient « crime de guerre, crime contre l'humanité et génocide ». Que répondez-vous ?

K.S : Nous, les communistes khmers, nous avons lutté pour la libération nationale.

RFI : Vous n'avez rien à vous reprocher ?

K.S : Je n'ai rien à me reprocher. Je crois que j'ai fait mon devoir envers ma patrie. Je ne pouvais pas rester les bras croisés alors que mon pays était envahi, à la fois par les forces du Vietnam du Sud, sous la direction des Américains, et par les communistes vietnamiens, qui tentaient d'imposer leur hégémonie sur le Kampuchea. Je crois qu'il était de mon devoir d'apporter ma contribution.

RFI : Est-ce que vous contestez les massacres de Cambodgiens, qui auraient eu lieu entre 1975 et 1979 ?

K.S : A propos des massacres, le Vietnam a refusé de reconnaître la ligne Brévié, alors qu'elle était déjà reconnue comme frontière séparant la mer entre les deux pays. Mais au mois de mai 1976, ils ont refusé de la reconnaître et exigé de tracer une nouvelle ligne.

RFI : Quel rapport avec les massacres ?

K.S : Le Vietnam a imposé un ultimatum au Parti communiste cambodgien. Face à cet ultimatum, le Parti communiste était devant une situation impossible. S'il acceptait, c'était la fin du Parti communiste cambodgien. Alors, le Cambodge aurait à faire face à des affrontements militaires. C'est ça le problème central, qui explique toutes les arrestations. Les choses là.

RFI : Mais ce sont des Cambodgiens qui ont été massacrés par des Cambodgiens ?

K.S : Mais, je vous l'ai dit, c'est l'ultimatum vietnamien. Cela veut dire que les Vietnamiens essayaient de provoquer le trouble à l'intérieur du pays.

RFI : Et vous avez répondu par des massacres ?

K.S : Mais, s'il vous plaît. C'est très compliqué de répondre à cette question.

RFI : Est-ce que vous regrettez les agissements du régime, les agissements des dirigeants khmers rouges à l'époque, 30 ans après ?

K.S : Longtemps après.... Je n'étais que leur compagnon de route.

RFI : Vous étiez président de la République...

K.S : Premièrement, je ne faisais pas partie de la direction Khmer rouge. Deuxièmement, ils ont lutté à la fois contre la superpuissance américaine et contre les tentatives d'hégémonie vietnamienne. Je crois qu'ils ont quand même fait leur devoir pour le Cambodge. Sans leur lutte, je crois que le Cambodge serait entre les mains des communistes vietnamiens depuis 1970. S'il vous plaît, pensez à ça. Moi je suis Cambodgien, je pense comme ça.

RFI : Est-ce que vous pensez aux victimes ?

K.S : En effet, je pense aux victimes. Je m'incline devant la mémoire des victimes innocentes. Mais il faut prendre en compte toutes les circonstances sur les faits que l'on reproche à l'accusé. Ces gens là ont lutté contre les ingérences étrangères, contre les agressions étrangères. Ils ont fait leur devoir envers leur pays.