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Inde / Pakistan

60e anniversaire d’une indépendance douloureuse

par Stefanie Schüler

Article publié le 14/08/2007 Dernière mise à jour le 14/08/2007 à 19:17 TU

En 1947, l’Empire britannique des Indes se divise en deux pays indépendants. Mais la date de naissance de l’Inde et du Pakistan, il y a 60 ans, reste à jamais marquée par le plus important et le plus sanglant exode que le monde moderne ait connu. Dans des circonstances atroces, des millions de personnes sont déplacées, dont 1 million ne survivent pas à cette migration forcée. Aujourd’hui, après trois guerres, après la construction d’armes atomiques et de nombreuses tensions, les relations entre l’Inde et le Pakistan semblent s’apaiser.

 

Des réfugiés musulmans essayant par tous les moyens de rejoindre le Pakistan lors de l'exode en 1947.(Photo : AFP)
Des réfugiés musulmans essayant par tous les moyens de rejoindre le Pakistan lors de l'exode en 1947.
(Photo : AFP)

Une foule innombrable danse et chante sous les feux d’artifice devant le Parlement à New Delhi. Il est minuit, le 15 août 1947. A l’intérieur du bâtiment se joue, à cet instant, la fin de l’Empire des Indes. Le dernier vice-roi Lord Mountbatten remet, lors d’une imposante cérémonie, le pouvoir aux Indiens, mettant fin à 182 ans de domination britannique. Loin des festivités frénétiques, à l’autre bout du pays, Mohandas Karamchand Gandhi se lamente à Calcutta de la « monstrueuse vivisection » de son pays.  

Ce père de la nation indienne et son mouvement non violent contre les colonisateurs britanniques avaient pourtant joué un rôle clé dans les efforts pour l’indépendance. Mais pour Gandhi, le but n’avait jamais été la séparation de l’ancien Empire en une partie hindoue et sikh d’un côté, et une partie musulmane de l’autre. Bien au contraire : le Mahatma avait rêvé d’une Inde idéale, où toutes les religions vivraient en harmonie. Ses nombreuses mises en garde quant aux risques, à ses yeux évidents, d’une partition des Indes n’ont pas été entendues. Des tendances à fort caractère nationaliste s’étaient déjà emparées du camp musulman ainsi que de la partie hindoue au sein de la population de l’ex-Empire.    

(Carte : D. Alpoge / M. Gilles-Garcia)
(Carte : D. Alpoge / M. Gilles-Garcia)

Après des années de fortes pressions politiques de la part des différents dirigeants indiens, la couronne britannique avait finalement décidé de céder le subcontinent indien. La Ligue musulmane, menée par Mohammed Ali Jinnah, avait revendiqué l’idée que les musulmans de l’Inde devraient avoir leur propre Etat sous le nom de « Pakistan », ce qui signifie « pays des purs ». Côté hindou, un vaste mouvement nationaliste, le parti du Congrès mené par Jawaharlal Nehru, faisait  également pression pour obtenir l’indépendance et la création d’un Etat laïque. Mais comment départager les deux pays ? L’Onu avait refusé de se charger de cette lourde tâche. Le fardeau revint alors à l’Anglais Cyril Radcliffe.

Cet avocat londonien constituait pourtant un choix plus qu’improbable pour mener à bien cette mission délicate : quand il arrive dans son bureau à New Delhi, c’est la première fois qu’il met les pieds dans la région. De plus, il ne dispose que de 36 jours pour découper des siècles d’histoire. La frontière qu’il tracera ne fera pas seulement naître le Pakistan et l’Inde, mais aussi le plus terrible exode que le monde moderne ait jamais connu.

L’exode et massacres   

Avec la remise de la souveraineté aux Indiens, le 15 août 1947, le tracé des frontières devient officiel. Commence alors une migration forcée sans précédent. Des millions de personnes traversent la nouvelle frontière dans les deux sens : 6 millions de musulmans se dirigent vers le nord-ouest, en direction du nouveau Pakistan et vers l’est, le Pakistan oriental (qui devient en décembre 1971 le Bangladesh), 9 millions d’hindous et de sikhs fuient vers le sud en direction de l’Inde. Les routes de cet exode deviennent la scène d’un massacre sans précédent. Des bandes de hindous et de sikhs d’un côté, de musulmans de l’autre, armés de couteaux et de haches, s’acharnent sur les déplacés. Mêmes scènes d’horreur dans les trains, qui amènent les réfugiés des deux côtés loin de chez eux. 

Iqbal Farooqi se souvient de ce qu’on appellera plus tard « les trains de la mort » : « Les roues des trains projetaient du sang quand ils s'arrêtaient en gare puis, quand je suis entré dans les wagons, du sang jusqu'au chevilles, il n'y avait plus un seul être vivant. Ils ne transportaient que des cadavres atrocement mutilés, des femmes et des enfants comme des hommes ».

En seulement trois mois, 1 million de réfugiés périssent sur les routes de l’exode.

60 ans d’indépendance – trois guerres

Depuis l’indépendance du Pakistan et de l’Inde, les relations entre les deux pays sont restées tendues. Trois guerres ont opposé Islamabad à New Delhi, dont deux (en 1947 et en 1965) à propos d'une région qui reste la principale pomme de discorde entre l’Inde et le Pakistan : le Cachemire.

Le Cachemire

Aujourd’hui, la région du Cachemire est divisée en trois parties: l'une  appartient au Pakistan, une autre, plus importante, fait partie de l’Inde, et enfin une troisième partie, relativement petite, appartient à la Chine. La population du Cachemire compte une majorité de musulmans. C’est la raison pour laquelle, le Pakistan exige depuis les années 1940 la totalité du territoire de cette région, ce que l’Inde refuse avec véhémence.


Le troisième conflit indo-pakistanais éclate en 1971, quand Mujibur Rahman proclame l’indépendance du Pakistan oriental et la création du Bangladesh. Le général Jahja Khan, alors aux ordres du Pakistan, déploie 70 000 soldats. Des millions de personnes fuient la région vers l’Inde. Le gouvernement indien soutient les efforts d’indépendance de cette partie orientale du Pakistan et décide à son tour de déployer son armée sur le terrain, qui sortira vainqueur de ce conflit.

Au printemps 1998, les relations indo-pakistanaises connaissent une nouvelle crise : bien que les deux pays assurent ne pas être dans une logique guerrière, ils se livrent à des tests d’armes nucléaires. La communauté internationale retient son souffle : le monde craint une guerre nucléaire, d’autant plus que des combats éclatent à nouveau dans la région du Cachemire. Le calme revient seulement après une forte mobilisation diplomatique de la communauté internationale.

Aujourd’hui, soixante ans après leur naissance sanglante, les deux frères ennemis font de petits pas l'un vers l'autre. Au niveau politique, les gouvernements ont repris le dialogue.

Mais ce sont avant tout les populations de l’Inde et du Pakistan qui tentent d’ouvrir un nouveau chapitre de leur longue histoire commune : des bus et des trains « de l’amitié » traversent plusieurs fois par semaine la frontière indo-pakistanaise. Le nombre de leurs passagers n’a pas cessé de croître, et ceci malgré plusieurs attentats de groupes terroristes qui tentent de miner le rapprochement entre les deux pays.