par Stefanie Schüler
Article publié le 28/08/2007 Dernière mise à jour le 28/08/2007 à 18:03 TU
Deux ans après le passage de l’ouragan, la ville de la Nouvelle-Orléans, complètement dévastée par la catastrophe, attend toujours le retour à la normalité. La situation sociale et sécuritaire reste précaire pour la grande majorité des habitants dont beaucoup n’ont toujours pas reçu le moindre paiement des administrations ou des assurances. Le président américain George W. Bush, fustigé de toutes parts pour sa gestion catastrophique de la crise, doit se rendre jeudi dans la région au bord du Golfe de Mexique.
Le centre historique de la Nouvelle-Orléans, épargné des eaux car plus élevé que le reste de la cité, tente tant bien que mal de faire oublier le cyclone qui a coûté la vie à 1 500 personnes en août 2005. Mais pour de nombreux habitants de la ville, les conséquences de la catastrophe déterminent toujours leur quotidien.
C’est particulièrement vrai pour les habitants des quartiers ayant été totalement inondés après le passage de Katrina. Les autorités étaient soucieuses de faire disparaître les vestiges de la tragédie. Ainsi, les débris ont été enlevés. Certaines des 200 000 maisons que le cyclone avait détruites ont été rasées. D’autres logements demeurent, deux ans après, toujours inhabitables. C’est là, dans les ruines de ce qui constituait autrefois les quartiers populaires de la ville, que les sans-abris ont trouvé refuge. Leur nombre a doublé depuis la catastrophe. On compte aujourd’hui quelque 12 000 pauvres. Ils survivent dans des conditions déplorables. « Ce sont des gens abandonnés, vivant dans des logements abandonnés, dans une ville qui a elle-même été abandonnée de multiples façons », explique Martha Kegel. Elle est directrice de l’UNITY of Greater New Orleans, une organisation qui vient en aide aux sans-abris.
40 % des habitants de La Nouvelle-Orléans n’ont pas encore pu retourner chez eux. 42 250 familles de Louisiane vivent toujours dans des préfabriqués où ils ont été parqués d’urgence par le gouvernement fédéral. Depuis deux ans, ils tentent désespérément d’obtenir des fonds de la part des compagnies d’assurances et des différentes administrations pour reconstruire leurs maisons.
La ville la plus dangereuse des Etats-Unis
Mais le problème omniprésent du logement n'est pas seul à peser sur le moral des habitants. C’est en effet l’ensemble du système social de la ville qui n’est pas encore remis sur pied. Ainsi, la scolarisation n’est toujours pas assurée pour tous les élèves. Et les hôpitaux continuent à souffrir d’un sous-effectif dramatique.
Dans un tel contexte, rien d’étonnant à voir le taux de criminalité exploser : les services de police ont enregistré une augmentation de 30% des délits et agressions. Le taux d'homicide de la ville est 11 fois supérieur à la moyenne nationale. Les pompiers ont répertorié 691 incendies d’origine criminelle pour la seule année 2006. 1 400 personnes ont été arrêtées pour violation de propriété privée depuis le début de cette année. La Nouvelle-Orléans est en passe de devenir la ville la plus dangereuse des Etats-Unis.
Des promesses trahies
Deux ans après le désastre, la Nouvelle-Orléans est aujourd’hui bien loin des promesses faites par les responsables politiques, y compris celles du président George W. Bush en personne, qui avait affiché sa volonté de reconstruire la Nouvelle-Orléans « plus grande et plus belle que jamais ». Washington avait promis la somme colossale de 114 milliards de dollars pour la reconstruction de la région dévastée par Katrina.
L’un des porte-parole de la Maison Blanche, Gordon Johndroe, a encore assuré il y a quelques jours, que l’attention du gouvernement américain et de George W. Bush lui-même pour la région dévastée restait intacte : « Le président poursuit son engagement afin d’aider les habitants du golfe du Mexique à reconstruire leur vie et celle de leur communautés », a déclaré le porte-parole, avant de poursuivre : « Le gouvernement fédéral a débloqué plus que 114 milliards de dollars pour soutenir des efforts de reconstruction, dont 95 milliards ont été versés ».
Les acteurs sur le terrain ont fait, eux aussi, leurs calculs concernant l’aide financière promise par l’Etat. Mais leurs résultats ne sont pas les mêmes que ceux de la Maison Blanche. Selon des études, menées par différents experts indépendants, l’argent n’est jamais arrivé sur place.
« Le gouvernement fédéral ne s'est pas assuré que cet argent parvienne aux gens qui en avaient vraiment besoin », estime Chris Kromm, auteur d'une étude sur la reconstruction des zones dévastées du golfe du Mexique. « Selon nos calculs, seulement 15 % des 114 milliards sont allés aux travaux d'infrastructures nécessaires au retour à la vie normale. Le plus frustrant, c'est qu'une partie de l'argent n'a pas encore franchi les portes des agences gouvernementales ».
Chronologie d'un désastre |
26 août 2005- La tempête tropicale Katrina, devenue ouragan, atteint la côte sud-est de la Floride et se dirige vers la Louisiane et le Mississippi. 27 août- L’état d’urgence est déclaré en Louisiane. Les habitants de la Nouvelle-Orléans sont invités à quitter la ville. 28 août- Katrina atteint la catégorie 5. Le maire de la Nouvelle-Orléans, Ray Nagin, demande aux habitants de partir. 100 000 Néo-Orléanais restent sur place, faute de moyen. 20 000 d’entre eux s’abritent dans le stade couvert de la ville (le Superdome). 29 août- L’ouragan frappe la Louisiane et le Mississippi avec des vents à 240km/h et des pluies torrentielles. A la Nouvelle-Orléans, des immeubles s’effondrent, l’électricité est coupée. Les premières brêches sont signalées sur plusieurs digues. Dans l’est de la ville, les rues sont inondées sur plusieurs mètres de hauteur. Le président Bush déclare officiellement la Louisiane et le Mississippi zones sinistrées. 30 août- Formation de tornades dans plusieurs Etats voisin. 80% de la superficie de la Nouvelle-Orléans se trouvent sous les eaux. Les digues cèdent. Le lac Pontchartrain se déverse dans l’est de la ville. Kathleen Blanco, gouverneur de Louisiane, ordonne l’évacuation du Superdome. 31 août- Les autorités ordonnent la fermeture totale de la ville pour plusieurs semaines. 90% des habitations sont inondées. Le président Bush survole les zones sinistrées en déclarant : « c’est l’une des pires catastrophe naturelles de l’histoire » 1er septembre- A La Nouvelle-Orléans, les opérations d'évacuation des réfugiés du Superdome sont suspendues : les hélicoptères militaires sont pris pour cibles par des tireurs isolés. Devant une telle situation insurrectionnelle, le maire Ray Nagin lance un «SOS désespéré». Le gouverneur Kathleen Blanco, dépassée par les événements, annonce le déploiement dans les rues de la ville de 300 soldats armés, de retour d'Irak, précisant l'autorisation qui leur a été donnée de faire feu. 7 septembre- Deux sénateurs demandent la démission du chef de la FEMA (Agence fédérale de gestion des situations d'urgence), Michael Brown, qui, selon George W. Bush a fait «du très bon travail». Un sondage fait état de 42% d'opinions défavorables ou très défavorables sur la gestion de la crise par le président américain. 9 septembre- L'ancien secrétaire d'État américain Colin Powell se mêle aux critiques sur la gestion initiale de la catastrophe: « Je pense qu'il y a eu beaucoup d'échecs à de nombreux niveaux, local, États et fédéral ». 13 septembre- Le président Bush admet sa responsabilité dans la lenteur des secours. 26 septembre- Le maire annonce la réouverture graduelle des quartiers secs de la ville (le quartier touristique du Vieux Carré, le quartier des affaires et le quartier résidentiel d'Algiers). 28 novembre- L'école Benjamin Franklin est la première école publique à rouvrir ses portes à La Nouvelle-Orléans. 10 février- L’ancien patron de la FEMA, Michael Brown, déclare devant la commission d’enquête parlementaire avoir prévenu George W. Bush de l’imminence d’une catastrophe à la Nouvelles-Orléans dès le 29 août. Il avait même communiqué aux conseillers du président des rapports alarmants. Ces derniers faisaient état d’une défaillance des pompes et des digues protégeant la ville. Ces déclarations de Michael Brown contredisent, alors, les dires de responsables de Washington qui avaient toujours soutenus d’avoir ignoré tout ce jour-là de la faiblesse des digues. 15 février- Un rapport du Congrès conclut que le gouvernement américain, à commencer par le président George Bush lui-même, n'a pas évalué correctement la menace que représentait l'ouragan Katrina et a tardé à prendre des mesures qui auraient pu sauver des vies. |