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Turquie

Abdullah Gül élu, déjà des frictions

Article publié le 29/08/2007 Dernière mise à jour le 29/08/2007 à 11:56 TU

Après un scrutin d’abord annulé au printemps dernier, cette deuxième élection présidentielle aura été la bonne pour Abdullah Gül, le candidat du parti de la Justice et du Développement (AKP, au pouvoir), conforté par sa victoire aux législatives de fin juillet. Mais la concorde entre les différentes institutions de l’Etat ne semble pas (encore ?) de mise, au vu des cérémonies de prise de fonction.

 

Abdullah Gül après son élection mercredi, passe devant la garde présidentielle. Le chef d’état-major, le général Büyükanit, a mis en garde contre <em>« les plans sournois qui chaque jour apparaissaient pour éroder les principes laïcs du pays. »</em>(Photo : Reuters)
Abdullah Gül après son élection mercredi, passe devant la garde présidentielle. Le chef d’état-major, le général Büyükanit, a mis en garde contre « les plans sournois qui chaque jour apparaissaient pour éroder les principes laïcs du pays. »
(Photo : Reuters)

De notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion

Pas de « first lady » au Parlement, pour la prestation de serment, car le voile islamique de Mme Hayrünissa Gül n’est pas conforme à l’étiquette et au protocole de la République laïque. Mais pas non plus le moindre dirigeant de l’armée, ce qui est plus grave : ni le chef d’état-major, ni les commandants des corps d’armée n’ont daigné assister à la prise de fonction de celui qui est pourtant constitutionnellement leur commandant en chef.

Les militaires ont ainsi confirmé hier – s’il en était besoin – qu’ils avaient bien, tous ces mois durant, adressé ces messages comminatoires sur la défense des institutions laïques à n’importe quel candidat de l’AKP pour le fauteuil présidentiel, notamment à M. Gül. Jusqu’à lundi dernier, avec ce communiqué du chef d’état-major le général Büyükanit qui mettait en garde contre « les plans sournois qui chaque jour apparaissaient pour éroder les principes laïcs du pays », et prévenait qu’ils s’y opposeraient jusqu’au bout.

Au palais présidentiel, même froideur lors de la passation de pouvoir, organisée sans les épouses des chefs d’Etat sortant et fraîchement élu, pour les mêmes raisons de norme vestimentaire. Mais pire: sans non plus aucun cérémonial, sans invité, sans caméra et sans journaliste… Là encore, du jamais vu dans l’histoire de la République ! C’est à se demander si les forces laïques ou kémalistes entendent respecter les institutions démocratiquement élues ou veulent continuer à tenter de bloquer leur bon fonctionnement.

Depuis avril, l’opposition parlementaire du CHP a boycotté toutes les sessions électorales de l’Assemblée - ce qui avait permis d’obtenir l’annulation du premier scrutin faute de quorum. Désormais encore, annonçait Cemal Anadol, vice-président du CHP, son parti ne participera pas – « sauf pour les questions de sécurité intérieure ou de politique étrangère » - aux « réunions de routine » avec le gouvernement ou le parti de gouvernement...

Ramener un peu de concorde entre les organes du pouvoir

Depuis quelques jours déjà, les généraux avaient prévenu par la voix du chef d’état-major qu’ils pourraient éviter de participer à des réceptions données par la présidence « pour marquer leur attachement au principe de laïcité » et protester contre la présence d’une femme voilée dans le palais présidentiel.

Voilà qui n’augure rien de bon pour l’harmonie entre les différentes institutions de l’Etat turc, pour la première fois dirigé par un homme issu de la mouvance islamiste. Jamais la Turquie n’aura vécu une élection aussi passionnée, révélatrice d’un enjeu qui dépasse certainement de loin l’emblème du voile de Mme Gül, et sa conclusion ne semble pas indiquer la fin immédiate du bras de fer entre les deux camps. La personnalité du nouveau président, connu pour sa rondeur, sa souplesse et sa capacité au dialogue, sera prépondérante pour réussir à ramener un peu de concorde entre les différents organes du pouvoir, estiment les commentateurs.

Si M. Gül promet d’ouvrir ses bras « à tout le monde », les analystes sont par ailleurs bien incapables de prédire si les choses vont rentrer dans l’ordre rapidement ou pas. Inaugurant un nouveau schéma de collaboration entre eux,  M. Tayyip Erdogan, Premier ministre désigné, présente aujourd’hui la liste de son gouvernement au nouveau président Gül. Le gouvernement mis en place, le Parlement partira en récession pour une quinzaine avant d’attaquer le paquet de réformes constitutionnelles promis par l’AKP pour rédiger une Constitution « plus civile ».

Pourtant, l’opposition social-démocrate a d’ores et déjà promis de ne pas participer à ces discussions ! Ainsi, l’importante œuvre de démocratisation promise par l’AKP de MM. Erdogan et Gül risque d’être conduite avec les seules formations Kurdes, ultranationaliste et de gauche nationaliste mais sans la social-démocratie kémaliste, qui décidément s’isole de plus en plus.