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Concurrence

Microsoft devra se plier aux demandes de Bruxelles

par Myriam Berber

Article publié le 17/09/2007 Dernière mise à jour le 17/09/2007 à 17:27 TU

La justice européenne a confirmé, lundi 17 septembre, la condamnation pour abus de position dominante infligée en mars 2004 à Microsoft par la Commission européenne. Le numéro un des logiciels a bien violé la loi antitrust en Europe avec son système d’exploitation Windows et devra s’acquitter de l’amende record de 492 millions d’euros, la plus forte infligée par Bruxelles à une entreprise. La Commission a salué cette décision qui va obliger le géant américain à revoir ses pratiques commerciales. Microsoft peut encore déposer un recours, limité aux questions de forme.

 

Brad Smith, directeur général des affaires juridiques de Microsoft.(Photo : Reuters)
Brad Smith, directeur général des affaires juridiques de Microsoft.
(Photo : Reuters)

C’est l’heure de payer l’addition pour Microsoft. La Cour de justice européenne de Luxembourg (CJEL) a rendu, lundi 17 septembre, son jugement sur le fond de l’affaire qui l’oppose l’éditeur américain de logiciels à la Commission européenne. La décision de Bruxelles contestée par Microsoft remonte au 24 mars 2004. L’exécutif européen avait alors condamné la firme de Seattle à une amende record 492 millions d’euros (soit près de 497 millions de dollars). Malgré son caractère historique, l’amende qui ne représente guère plus de 1% du chiffre d’affaires du géant américain, estimé à environ 51 milliards de dollars fin 2006, n’était pas la sanction la plus pénalisante.

Le point particulièrement crucial de cette décision de mars 2004 concernait deux mesures correctives imposées par la Commission, et notamment l’obligation de livrer une version simplifiée de son système d’exploitation Windows dépouillée de son logiciel audio-vidéo MediaPlayer, afin de laisser leur place aux lecteurs multimédia concurrents (RealNetworks, QuickTime). Enfin, Bruxelles demandait que Microsoft communique à ses concurrents certaines informations techniques (notamment les codes sources de ses logiciels) jusqu’ici confidentielles, pour permettre une meilleure compatibilité entre Windows, qui équipe 90% des ordinateurs personnels dans le monde, et les produits réalisés par les concurrents. D’ailleurs en 2006, la Commission considérant que le groupe américain n’avait pas respecté les sanctions imposées en 2004 pour pratiques anticoncurrentielles, a condamné Microsoft à une amende supplémentaire de 280 millions d’euros.

Windows sans Media Player

Outre la confirmation de l’amende (déjà acquittée par Microsoft), la justice européenne a, lundi,  légitimé les deux mesures correctives imposées par la Commission, autrement dit la commercialisation de Windows sans MediaPlayer et la mise à disposition d’une documentation technique pour concevoir des logiciels interopérables, c’est-à-dire compatibles avec son système d’exploitation Windows. Selon le tribunal de première instance de Luxembourg, « l’absence d’une telle interopérabilité a pour effet de renforcer la position dominante de Microsoft sur le marché et d’éliminer la concurrence ». C’est sur cette question que Microsoft a perdu le plus pour l’instant. En ouvrant les code source de ses logiciels, l’éditeur va permettre aux développeurs informatiques de disposer de plus de liberté quant au choix des logiciels à intégrer à Windows, et en particulier ceux de la concurrence.

Les juges de Luxembourg ont néanmoins donné tort à la Commission sur la désignation d'un expert indépendant chargé de surveiller la mise en œuvre de la condamnation de mars 2004. Sur ce point, le tribunal a estimé que « la Commission a agi au-delà de ses pouvoirs » et « qu’elle n’avait pas le droit d’exiger que ce soit Microsoft qui le rémunère ». La Commission s’est pourtant immédiatement félicitée de la décision. La commissaire à la Concurrence s’est également réjouie. « Cet arrêt constitue un précédent important en ce qui concerne les obligations des entreprises dominantes de permettre la concurrence, en particulier dans les hautes technologies », a déclaré Neelie Kroes qui attend « une baisse substantielle des parts de marché de Microsoft ». 

Après l’Europe, l’Asie

Associations de consommateurs et industriels confondus, tous les adversaires traditionnels du groupe, ont accueilli cette décision avec satisfaction. Selon l'association ECIS, qui regroupe notamment Sun Microsystems, IBM et Oracle, opposé depuis longtemps à Microsoft, parle d’un « grand jour pour les entreprises et les consommateurs européens ». Mais cette décision ne signe pas la fin de la saga européenne de Microsoft. Le groupe de Redmond peut encore déposer un recours, limité aux questions de forme. « C'est une décision décevante pour Microsoft », a reconnu à Luxembourg, Brad Smith, le directeur général des affaires juridiques de l’éditeur. Mais l'arrêt de la Cour européenne de justice « mérite une réflexion sérieuse plutôt qu'une décision immédiate sur un éventuel appel », a expliqué Brad Smith

Cette décision de la Cour européenne pourrait être imitée en Asie. Au Japon, la Fair Trade Commission a dénoncé les pressions sur les fabricants d’ordinateurs pour lier Windows à d’autres applications. En cause, une fois de plus, les activités commerciales anti-compétitives du groupe, et notamment sa stratégie utilisée en matière de contrats de licence pour forcer la main aux fabricants d’ordinateurs japonais. Parmi les entreprises concernées, on retrouve NEC, Fujitsu, Matsushita Electric, Hitachi et Sony.