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France / Immigration

Tests ADN: Thierry Mariani s’explique sur RFI

Article publié le 18/09/2007 Dernière mise à jour le 18/09/2007 à 11:58 TU

Le projet de loi sur l’immigration est examiné, ce mardi, par l’Assemblée nationale. Le député UMP Thierry Mariani, auteur de l’amendement controversé sur les tests ADN pour le regroupement familial, expose ses motivations et tente de calmer la polémique.

 

Thierry Mariani.(Photo : DR)
Thierry Mariani.
(Photo : DR)

RFI : Vous êtes l’auteur de l’amendement sur les tests ADN pour les demandeurs du regroupement familial. Cet amendement, très controversé, a été adopté la semaine dernière en Commission des lois. Est-ce que, à ce moment là, personne n’avait envisagé les nombreuses réactions, l’indignation, que cet amendement provoque depuis ?

Thierry Mariani : Non, et je suis le premier surpris par l’ampleur de ces réactions. Est-ce que je propose quelque chose d’étrange, de révolutionnaire ? Je propose tout simplement ce qui existe déjà dans onze pays ! Onze pays européens, et notamment des pays comme le Danemark, la Suède, la Finlande, la Norvège, qui sont quand même des pays où la tradition de respect des libertés est aussi grande, si ce n’est peut-être même plus, qu’en France.

Il y a un vrai problème, qui est la fraude documentaire dans certains pays émetteurs d’immigration, ça tout le monde le sait. Il y a une solution, qui est l’ADN, qui est simple, qui permet d’avoir une réponse rapide. Je suis surpris qu’en France ça déclenche… J’allais dire : ça ouvre immédiatement la boîte à fantasmes. Alors que je le répète, il n’est pas question de conserver ces tests, il n’est pas question de faire des analyses. Enfin bref, c’est un moyen tout simple, une photographie – comme les empreintes digitales – pour dire si l’un des deux parents est bien le père des enfants. Point final.

RFI : Le problème c’est, qu’effectivement, vous avez bien précisé que ce serait sur la base du volontariat…

Thierry Mariani : Absolument !

RFI : Mais est-ce que par contrecoup, ceux qui ne voudraient pas se prêter au test ADN ne seraient pas immédiatement considérés comme des fraudeurs en puissance, ou d’authentiques fraudeurs ?

Thierry Mariani : D’abord, les tests ADN c’est uniquement dans les pays où l’état-civil est douteux, ou bien où il y a une absence d’état-civil. Je rappelle quand même qu’aujourd’hui, on a des pays où l’état-civil a disparu ! En Irak, en Yougoslavie, etc. Deuxièmement, ce ne serait que sur la base du volontariat, vous avez raison. Qu’est-ce qui se passera pour ceux qui ne seront pas volontaires ? Eh bien ils suivront le chemin habituel. Aujourd’hui, un regroupement familial, dans certains pays, peut prendre jusqu’à un an, voire un an et demi, parce que les consulats passent leur temps à vérifier si les actes d’état-civil sont de vrais actes d’état-civil. Eh bien celui qui ne voudra pas le test ADN, c’est tout à fait son droit, il prendra… j’allais dire « la file », et il prendra son temps pour qu’on lui réponde ! Tandis que celui qui n’a rien à se reprocher et qui souhaite être volontaire, il pourra avoir une réponse dans quinze jours. Ça permettra à des familles d’être rassemblées beaucoup plus vite.

RFI : Vous avez entendu, Thierry Mariani, les arguments par exemple du généticien Axel Kahn, qui dit qu’une famille ce ne sont pas que des liens ADN. Ce sont des liens qui sont aussi d’un ordre très différent : de l’affection, de l’amour, etc. Est-ce que ça, vous le prenez en compte, ou est-ce qu’on doit être simplement rationaliste en la matière ?

Thierry Mariani : Je le prends en compte, mais on ne peut pas dire, pour les lois d’immigration, on ne peut pas dire « la famille, c’est de l’amour » et alors on fait venir tous ceux qu’on aime ! Je veux dire : ou il y a un lien biologique, ou il y a un lien d’adoption, ce qui est un autre cas ! Ou ça répond dans un cas, ou dans un autre. Mais après si c’est simplement de l’amour, en revanche, je suis désolé, il faut qu’il y ait quand même un lien familial ! C’est du droit, c’est du regroupement familial, c’est le droit de faire venir des enfants en France en se servant de la loi française. La loi c’est aussi, de temps en temps, un peu encadré.

RFI : Les réactions, on l’a dit, sont très nombreuses. La FIDH, le Parti socialiste, etc. Mais au sein même du gouvernement, il y a des réserves : Fadela Amara, secrétaire d’Etat à la Ville, et Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, n’y sont pas favorables, et ils l’ont dit…

Thierry Mariani : J’ai entendu Fadela Amara dire qu’il fallait être plus cool. Moi je veux bien être plus cool, mais il faut m’expliquer ce qu’on fait, comment on gère l’immigration cool… Moi, je ne sais pas. Je répète, ce n’est pas un fantasme : onze pays ont été confrontés au même problème des faux actes documentaires. Onze pays ont adopté la même solution. Le premier, de mémoire, c’est le Danemark, sous une majorité social-démocrate. Depuis 1994, ça marche. Et tout le monde est gagnant, parce que les immigrés qui ne fraudent pas peuvent avoir une réponse nettement plus rapide. Aujourd’hui, je le répète, ils attendent par moment un an et demi.

RFI : L’association France Terre d’Asile dénonce une proposition qui vise à draguer les voix du Front national pour les municipales de mars 2008. Il n’y a pas ça, en arrière-plan ?

Thierry Mariani : Pas du tout. Faites moi grâce d’être rapporteur pour la troisième fois d’un projet de loi sur l’immigration, je connais un petit peu le sujet. De surcroit, le rapport Gouteyron, vice-président du Sénat, a insisté de nouveau là-dessus : à savoir que nos consulats, dans certains pays, passent leur temps à vérifier des actes d’état-civil qui sont faux. Il citait de mémoire deux chiffres… même dans deux pays : 30 à 80% à Madagascar ou aux Comores ! Et donc, il y a un moment où il y a un problème, une solution. Pourquoi en France, je le répète, faire marcher la boîte à fantasmes quand il y a des solutions simples qui ne posent aucun problème ailleurs !

RFI : Au-delà de l’émotion, et des questions, et des notions morales… Il y a tout de même des questions de droit. Plusieurs scientifiques, dont Claude Huriet, président de l’Institut Curie, qui a travaillé sur la loi de bioéthique de 2004, estime que cette disposition, serait contraire, précisément, à cette loi de bioéthique qui stipule que les tests ADN de ce genre ne peuvent être réalisés que dans le cadre d’une procédure judiciaire. Est-ce que vous ne risquez pas de vous heurter, tout simplement là, au Conseil Constitutionnel ?

Thierry Mariani : Il a raison ! C’est bien pour ça que je propose de modifier la loi. Aujourd’hui, c’est illégal. Si mon amendement est adopté, ce sera légal. Donc une fois mon amendement adopté par les parlementaires, ce sera totalement légal.

RFI : Mais cet amendement serait contraire à la loi bioéthique de 2004. Ce n’est pas la loi de bioéthique de 2004 que vous révisez là !

Thierry Mariani : Il n’y a aucune loi qui est contraire ! Les tests ADN sont déjà autorisés dans certains cas particuliers. Les lois ne sont pas faites pour l’éternité. Il y a de nouveaux problèmes qui se créent, la science évolue, voilà. L’ADN est utilisé pour répondre à un problème bien déterminé, sans – je le répète – conserver les échantillons, sans faire de manipulation. Là aussi, j’entends tous les fantasmes ! C’est une photo, comme on prend les empreintes, point final.

RFI : Compte-tenu des nombreuses protestations, est-ce que vous pensez que votre amendement sera retenu dans la version définitive du texte ?

Thierry Mariani : Il a été voté par la Commission des lois, et j’espère qu’il sera retenu, parce que j’ai reçu de nombreux encouragements. J’ai, par exemple, des personnes qui travaillent à l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), qui m’ont dit très clairement : « Nous, on a un problème. Quand on a des réfugiés politiques, et qu’on doit demander des actes d’état-civil parce que leurs gamins sont restés au pays, et que le pays en question ne les donne pas parce qu’il n’a pas envie de faire plaisir à ces réfugiés. Eh bien pour ceux-là, Monsieur, par exemple, l’ADN, ce sera la preuve en deux semaines ». L’ADN ça peut aussi aider, je crois qu’il faut arrêter de diaboliser.

RFI : Le projet de loi ne contient pas que les tests ADN…

Thierry Mariani : Heureusement…

RFI : Parmi les autres mesures, il y a l’apprentissage du français, il y a le renforcement du contrat d’accueil et d’intégration, et puis l’Ofpra, dont vous parliez à l’instant, qui était sous tutelle du ministère des Affaires étrangères, qui passerait sous celle du ministère de l’Immigration, donc de Brice Hortefeux. Est-ce que, là aussi, c’est pour mieux verrouiller le contrôle des entrées ?

Thierry Mariani : Il y avait deux pays en Europe où l’Office des réfugiés était sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères, dont la France, donc on était une exception. La meilleure preuve qu’on ne veut pas verrouiller, c’est que le projet de loi débaptise la fameuse CRR (Commission de recours pour les réfugiés) en Tribunal d’appel de l’asile, pour bien montrer que c’est une instance totalement indépendante. L’asile n’est absolument pas remis en cause.

                                                  Propos recueillis par Frédéric Rivière