par Olivia Marsaud
Article publié le 18/09/2007 Dernière mise à jour le 18/09/2007 à 16:47 TU
« Tout doit être fait pour éviter la guerre. Il faut négocier, négocier, négocier, sans relâche, sans rebuffade. (…) J’ai dit que le pire serait la guerre. (…) On ne peut pas faire plus pacifique que moi mais il ne faut pas se voiler la face ». A Moscou, Bernard Kouchner a tenté, mardi, d’adoucir ses propos tenus dimanche sur le dossier du nucléaire iranien. Lors d’une émission radio-télévisée, il avait en effet estimé que « la plus grande crise aujourd’hui » était celle du programme nucléaire iranien et que le monde devait « se préparer au pire », c’est à dire à « la guerre ». Le mot « guerre » a provoqué une levée de boucliers. Lundi, le porte-parole de la diplomatie iranienne, Mohammad Ali Hosseini, a affirmé dans un communiqué : « Le fait que les déclarations des responsables français concordent avec la position de la puissance dominante (les Etats-Unis, ndlr) porte atteinte à la crédibilité de la France devant les opinions publiques mondiales, en particulier du Proche-Orient ». Le président Mahmoud Ahmadinejad a déclaré mardi qu’il ne prenait pas « au sérieux » les déclarations de Bernard Kouchner car, selon lui, « les propos médiatiques sont différents des positions réelles ».
L’Allemagne et l’Autriche ont immédiatement critiqué l’emploi du mot « guerre ». La Chine s’est élevée mardi contre les « menaces incessantes de recours à la force dans les affaires internationales ». L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a récusé lundi la perspective d’une option militaire contre l’Iran. « Nous devons toujours nous souvenir que l’usage de la force ne peut être envisagé que quand toutes les autres options sont épuisées. Je ne crois pas du tout que nous en soyons là », a affirmé Mohamed El Baradaï, le directeur général de l’AIEA. Washington, tout en se félicitant du « sérieux de la position française », a réaffirmé privilégier la voie diplomatique, sans retirer de la table l’option militaire. De son côté, Moscou a estimé mardi qu’une éventuelle intervention militaire américaine en Iran serait une « erreur politique » avec des « conséquences catastrophiques » : elle « aggraverait la situation au Proche-Orient » et susciterait une « réaction très négative de la part du monde musulman ».
Les Pays-Bas soutiennent le durcissement français
Bernard Kouchner a voulu, par ses propos, « éveiller la conscience internationale », selon une source diplomatique. « Il n’y a aucun changement dans la politique de la France depuis le 6 mai (date de l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, ndlr), la seule option reste la diplomatie. La France envisage de nouvelles sanctions et une nouvelle résolution au Conseil de sécurité de l’Onu pour faire pression sur Téhéran. Les six pays impliqués dans les discussions sont d’accord sur le principe d’une troisième résolution, même les Russes et les Chinois. Reste à élaborer le contenu de cette résolution, la France souhaitant un embargo sur les armes, et la date limite accordée à l’Iran. »
Dimanche, Bernard Kouchner a appelé à des sanctions économiques européennes, en dehors de l’Onu, ce à quoi s’était toujours refusé l’ancien président français Jacques Chirac. Ce qui traduit un durcissement de la position française, déjà amorcé par Nicolas Sarkozy au mois d’août, et la volonté de Paris de prendre la tête des Européens dans les déclarations contre le programme nucléaire iranien. Dans ce dossier, l’Union Européenne suit une double approche : elle soutient le processus de sanctions progressives entamé à l’Onu en décembre, tout en laissant la porte ouverte au dialogue avec Téhéran. L’accord conclu en août entre l’AIEA et l’Iran donne à Téhéran jusqu’à novembre pour répondre à une série de questions sur son programme nucléaire.
Les Pays-Bas se sont dits prêts, lundi, à appliquer des sanctions européennes contre l’Iran si le Conseil de sécurité ne se met pas d’accord sur des mesures supplémentaires. La perspective d’une nouvelle résolution est au centre des visites de Bernard Kouchner à Moscou lundi et mardi, puis à Washington en fin de semaine, lors de sa première visite officielle aux Etats-Unis. Les six grandes puissances (France, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Chine, Russie et Allemagne) impliquées dans les discussions sur le dossier du nucléaire iranien étudieront vendredi prochain à Washington un projet de résolution de l’Onu prévoyant de nouvelles sanctions. Enfin, l’Iran est aussi au centre des discussions, cette semaine, de la Conférence générale de l’AIEA.