par Stefanie Schüler
Article publié le 18/09/2007 Dernière mise à jour le 18/09/2007 à 18:30 TU
« Je ne veux pas la guerre, je veux la paix » a déclaré, mardi, Bernard Kouchner après la polémique déclenchée par ses propos sur la crise nucléaire iranienne.
(Photo : Reuters)
Après les déclarations du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, envisageant dimanche dernier dans une interview « le pire », c’est-à-dire « la guerre » dans la crise nucléaire iranienne, certaines personnalités politiques ont dénoncé un tournant dangereux dans la diplomatie française. Bien que Bernard Kouchner ait martelé, ce mardi, ne pas être un va-t-en-guerre mais qu'il agit plutôt en faveur de la paix, les critiques fusent, y compris dans les rangs de l’UMP.
Après les déclarations du ministre des Affaires étrangères sur l’Iran, les socialistes veulent en avoir le cœur net : c’est la raison pour laquelle Jean-Marc Ayrault et Jean-Pierre Bel, respectivement président des groupes PS à l'Assemblée nationale et au Sénat, ont demandé, ce mardi, l'organisation d'un débat parlementaire sur le dossier iranien.
« Dire qu’il faut se préparer au pire, c’est-à-dire la guerre, signifie que le gouvernement et le président de la République ont des informations laissant penser que l’Iran va vers la bombe atomique et que la négociation est aujourd’hui enlisée », avait déjà estimé, lundi, le Premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande. Si des telles informations existent, elles devraient être nécessairement « communiquées à la représentation nationale », a exigé en conséquence la porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée, Aurélie Filippetti.
Tournant dans la politique étrangère française
Mais l’opposition française, tous partis confondus, s’inquiète avant tout de ce qui est qualifié d’« inflexion atlantiste de la politique étrangère de la France ».
Les déclarations du président de la République lors de la conférence des ambassadeurs à Paris le 27 août avaient déjà suscité l’irritation d’un grand nombre d’observateurs. Nicolas Sarkozy avait alors évoqué la possibilité de « sanctions croissantes » si Téhéran ne se conformait pas aux résolutions de l’Onu, avant de conclure : « Cette démarche est la seule qui puisse nous permettre d’échapper à une alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran ». Les explications supplémentaires, apportées dimanche dernier par son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, n’ont pas été de nature à calmer les esprits. Bien au contraire : aux yeux de beaucoup, la diplomatie française semble désormais avoir effectué un véritable tournant.
« C’est le énième signe qui montre qu’une rupture, en effet, est intervenue, un tournant a été pris. Et ce tournant, c’est le choix de Nicolas Sarkozy et de ceux qui l’entourent de s’aligner, non seulement sur la position américaine, mais sur les arrière-pensées de l’administration Bush », s’inquiète François Bayrou au quotidien Le Monde. L’avis du président du MoDem est largement partagé par d’autres partis d’opposition.
Plus américain que les Américains ?
« MM. Sarkozy et Kouchner seraient-ils plus pro-américains que les dirigeants américains eux-mêmes ? L’élève en ferait-il un peu trop devant le maître », se demande ainsi le Parti communiste dans un communiqué publié lundi en précisant que les déclarations de Bernard Kouchner interviennent alors que « les Etats-Unis, par la voix de Robert Gates, ministre de la Défense de Georges Bush, annoncent que « pour le moment la voix diplomatique et économique est de loin la meilleure approche ».
Même son de cloche chez les socialistes : Pierre Moscovici, ancien ministre des Affaires européennes et député qualifie de dangereux le fait que l’ « on voit la France épouser ce qui furent les thèses des néoconservateurs américains, il y a quelques mois ou même quelques années au moment même où l’Agence internationale atomique, avec son directeur M. al-Baradeï, déploie des efforts considérables pour trouver une solution de la crise. Il ne voit pas de danger clair et imminent concernant le programme nucléaire iranien. Il voit au contraire quelques signes plutôt positifs. Et c’est juste le moment où Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner choisissent d’en rajouter. Je crois qu’il y a là quelque chose d’assez pernicieux à la fois sur le fond et dans le vocabulaire ».
« La France n’a rien à gagner »
Quelles seront les conséquences pour la France en s’alignant derrière la politique américaine ? La question hante désormais la classe politique. Pour le président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen, Jean-Pierre Chevènement, « la France n’a rien à gagner à épouser docilement les vues les plus agressives de la politique étrangère américaine ».
Le socialiste Jean Marc Ayrault n’a pas manqué de rappeler sur France Inter que le ministre Bernard Kouchner « était un fervent partisan de l’intervention militaire en Irak. Ce qu’il nous propose comme hypothèse pour sortir de la crise (iranienne ndlr), c’est plutôt le modèle irakien, qui est pour moi la pire des solutions. (…) Parce que nous voyons bien que cela a conduit à l’impasse complète ».
François Bayrou, quant à lui, s’inquiète que la France pourrait « abandonner la vocation d’équilibre qui était la sienne, la possibilité de parler avec tout le monde, pour s’aligner sur les plus durs des plus durs de l’administration américaine. (…) Tous ceux qui travaillent sur le Proche et le Moyen-Orient voient avec stupéfaction cet alignement de la France qui n’était pas dans notre tradition depuis un demi-siècle ».
La majorité n’est pas unanime
Malgré les tentatives désespérées, ce mardi, de Bernard Kouchner pour calmer la polémique déclenchée, ses propos ont été critiqués au sein même de la majorité.
Le premier à monter au créneau a été l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin. En froid avec l’actuel gouvernement, il avait défendu, en 2003, la position de la France contre l’intervention militaire en Irak devant le Conseil de sécurité des Nations Unis. « La France doit jouer tout son rôle pour défendre une solution de paix », a-t-il expliqué. « La guerre ce n’est pas une option parmi d’autres. La guerre, c’est un ultime recours et nous avons vu en Irak à quel point cela s’accompagne d’injustices, de souffrances et de grands malheurs ».
Mais d’autres voix se lèvent au sein de l’UMP tentant de mettre en garde l’équipe gouvernementale, à l’instar d’Axel Poniatowski, président UMP de la commission des Affaires étrangères à l'Assemblée nationale : « L’Iran est un pays souverain. On souhaite que ce pays abandonne l’idée de détenir l’arme nucléaire. Moi je ne souhaite pas aujourd’hui qu’on professe publiquement d’autres types de menaces que les sanctions économiques ».
Jacques Myard, lui, préfère le franc-parler : dans un communiqué, le député UMP souverainiste affirme que « frapper aujourd’hui l’Iran serait une faute sans appel, qui ne conduirait qu’à l’accélération de la rupture géostratégique entre les pays occidentaux, Israël et le monde arabo-musulman. La France doit être plus que vigilante sur ce dossier, mais elle n’a rien à gagner à hurler avec les loups ! (…) M. Kouchner doit apprendre à devenir diplomate ».