Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Energie

Bruxelles pour une séparation distribution et production

par Myriam Berber

Article publié le 19/09/2007 Dernière mise à jour le 19/09/2007 à 17:17 TU

La Commission européenne a présenté, mercredi 19 septembre, sa réforme du secteur énergétique pour intensifier la concurrence sur le marché européen. Objectif : casser les concentrations héritées des anciens monopoles en séparant la production d’énergie et les réseaux de transport. Plusieurs Etats membres de l’Union, la France et l’Allemagne en tête, sont opposés à ce projet de directive qui risque d’affaiblir leurs champions nationaux, les français EDF et Gaz de France et les allemands E.ON et RWE.

 

Andris Piebalgs, commissaire européen à l'Energie, et Neelie Kroes, commissaire européenne à la Concurrence.(Photo : AFP)
Andris Piebalgs, commissaire européen à l'Energie, et Neelie Kroes, commissaire européenne à la Concurrence.
(Photo : AFP)

La question des tarifs régulés de l’électricité et du gaz n’est pas le seul sujet de l’énergie sur lequel les sensibilités entre Bruxelles et les Etats membres divergent. Depuis plusieurs mois, la Commission plaide pour la séparation des activités de production et de transport d’énergie («unbundling»). Dans cette perspective, l’exécutif européen a adopté, mercredi 19 septembre, un projet de directive visant à imposer aux grands groupes énergétiques intégrés, qui détiennent à la fois des centrales électriques ou au gaz et un réseau de distribution, de céder leur activité de transport. C’est déjà le cas pour le secteur du ferroviaire.

Pour la Commission, cette refonte va permettre tout à la fois l’entrée de nouveaux acteurs sur chaque marché national, favoriser les investissements et enfin, garantir aux consommateurs le prix le plus juste et le meilleur service. Le commissaire européen à l’Energie Andris Piebalgs estime, comme les plus libéraux -les Britanniques ou les Suédois- que «la concurrence dans l’Union restera une vue de l’esprit tant que les nouveaux entrants se verront refuser l’accès aux existants par les anciens monopoles ». Selon Bruxelles, les entreprises auraient le choix entre vendre leurs réseaux de transport (gazoducs ou lignes à haute tension) ou en garder la propriété à condition d'en confier l'exploitation à un opérateur totalement indépendant.

Le démantèlement des grands groupes intégrés

Certains pays de l’UE, dont la Grande-Bretagne et l’Espagne, ont déjà opté depuis plusieurs années pour ce «découplage » patrimonial. Mais cette réforme, qui vise à démanteler les positions dominantes des grands opérateurs, ne fait pas l’unanimité. Plusieurs pays, France et Allemagne en tête, se sont opposés ces derniers mois à ce projet, craignant d'affaiblir leurs champions nationaux EDF, Gaz de France, E.ON et RWE.

La ministre française de l'Economie a déclaré, mercredi, vouloir rassembler des soutiens contre ce projet de directive. « La France utilisera tous les moyens à sa disposition pour s'opposer au projet d'unbundling  de la Commission européenne dans le cadre de l'ouverture du marché de l'énergie », a expliqué Christine Lagarde. Et d’ajouter : « Nous allons faire tout ce que nous pourrons pour nous opposer ».  Pour la France, une régulation renforcée et harmonisée en Europe constitue une meilleure réponse aux dysfonctionnements actuels du marché.

Une « clause Gazprom »

Appliqué à l’électricité en France, cela signifierait imposer une séparation entre le producteur électrique EDF et sa filiale de transport RTE chargée des lignes haute tension. L’opérateur Gaz de France est également opposé au projet. Selon son patron Jean-François Cirelli, priver GDF de ses gazoducs reviendrait à l’affaiblir. D’autant que certains craignent qu’en cas de démantèlement des grands groupes européens, les concurrents étrangers, comme le géant semi-public russe Gazprom ou l’Algérien Sonatrach, en profitent pour renforcer leurs positions en Europe occidentale. Pour éviter que cela profite aux opérateurs étrangers , qui eux restent intégrés, Bruxelles veut limiter les conditions d’entrée de ces concurrents sur le marché. Ces acteurs étrangers ne pourraient pas prendre le contrôle de réseaux de transport européens sans un accord bilatéral entre l’Union et leur pays.

Du côté des consommateurs, on cherche également des garanties.  Selon la commissaire à la Concurrence Neelie Kroes, cette séparation serait « la solution la plus efficace pour faire baisser les tarifs facturés aux consommateurs ». Elle en veut pour preuve le fait que, dans les pays qui ont effectué cette séparation patrimoniale, les prix de l'électricité n'ont augmenté que de 6% entre 1998 et 2006 alors qu'ils ont crû de 29% dans les pays où cela n'a pas été fait. Un point de vue que ne partagent pas les associations de consommateurs. Si les tarifs de l’électricité ont baissé en Grande-Bretagne, ce découplage n’a favorisé ni les baisses de prix, ni l’entrée de nouveaux concurrents en Espagne.