par Myriam Berber
Article publié le 25/09/2007 Dernière mise à jour le 25/09/2007 à 16:47 TU
Ron Gettelfinger, le patron de l'UAW (United Auto Workers), l'influent syndicat du secteur automobile.
(Photo : Reuters)
Pour la deuxième fois en 37 ans, les 73 000 salariés de General Motors (GM) des 82 usines du groupe ont entamé, lundi, un mouvement de grève nationale aux Etats-Unis. Le dernier conflit social chez GM remonte à 1998 et avait coûté 2 milliards de dollars au géant américain après 53 jours de blocage. Cette fois-ci, syndicats et direction n’ont pu boucler un accord sur le renouvellement du contrat salarial d’entreprise malgré plusieurs semaines de négociations.
Ce week-end encore, le Syndicat unifié des travailleurs de l’automobile (UAW pour United Auto Workers) et la direction semblaient en passe de s’entendre sur la modification du système de financement de la protection sociale des 460 000 retraités du groupe et de leurs conjoints. General Motors souhaite se débarrasser du fardeau des retraites qui grèvent lourdement les coûts d’exploitation : 50 milliards de dollars d’engagements. Il s’agit également de combler le déficit concurrentiel avec leurs concurrents nippons aux Etats-Unis.
Un fonds de placement pour les retraités
D’un financement direct, garanti et illimité par l’employeur, le nouveau dispositif prévoit que la protection sociale des retraités soit confiée à un fonds commun de placement financé en actions GM appelé VEBA (Voluntary Employees’ Beneficiary Association). Ce fonds spécial dont les cotisations sont exonérées d’impôts, permettrait au constructeur de réduire ses charges annuelles d’au moins 3 milliards de dollars par an. GM et UAW doivent également trouver un terrain d’entente sur l’évolution des salaires et la couverture santé des ouvriers. Le patron de l’UAW Ron Gettelginfer ne s’est pas opposé à l’idée d’un fonds mais voulait des assurances. Première garantie : un fonds assez garni au départ pour assurer le versement des pensions et des soins santé des retraités sur le long terme. L’UAW a en mémoire la faillite retentissante en 2001 du courtier en énergie Enron, dont le fonds de gestion des retraites des salariés a été réduit à néant.
Seconde garantie : le syndicat veut disposer d’un peu de visibilité sur le futur de la production et donc des emplois aux Etats-Unis. C’est sur ce point que les négociations ont achoppé. La direction de GM a refusé de garantir que les futurs modèles censés remplacer les véhicules anciens ou encore la future voiture hybride fonctionnant à l’électricité et à l’essence soient fabriqués aux Etats-Unis. Le patron de l’UAW s’est déclaré choqué et déçu. « Nos membres ont fourni ces dernières années des efforts extraordinaires à chaque fois que le groupe a rencontré des difficultés », a expliqué Ron Gettelginfer faisant référence aux concessions lâchées par l’UAW : réductions de salaires et départs volontaires pour supprimer 30 000 emplois et fermer une dizaine d’usines depuis 2005.
Des concessions difficiles à accepter
Le patron de l’UAW a reproché également à la direction de GM d’exiger « trop de concessions salariales pour aligner la compétitivité du groupe américain sur les constructeurs asiatiques ». Ces derniers détiennent désormais 50% du marché automobile américain depuis leur montée en puissance ces dernières années. En 2007, le groupe américain a enchaîné les contre-performances commerciales, perdant même en début d'année son titre de numéro un mondial au profit du japonais Toyota. Le groupe de Nagoya a annoncé en mai 2007 un des plus gros profits de son histoire : 12,5 milliards d'euros de bénéfice net pour l’exercice 2006-2007. Quatre des cinq premières berlines vendues en Amérique sont japonaises et les deux premières d’entre elles sortent d’usine de Toyota, qui domine également le secteur des voitures de luxe.
Même si l’UAW a les moyens de tenir, le puissant syndicat dispose de près de 800 millions de dollars pour soutenir les grévistes, bon nombre d’observateurs ne croient pas à la possibilité d'une grève dure. Le mouvement devrait rester largement « symbolique » et « limité dans la durée ». Les négociations s’annoncent serrées, l’accord entre la direction de GM et les syndiqués de l’ UAW doit, en effet, servir de base pour un accord entre l’UAW et les deux autres constructeurs automobiles Ford et Chrysler. En tout cas, pour les analystes financiers, un conflit dur chez GM serait une catastrophe pour l’économie américaine déjà plombée par la crise de l’immobilier (« subprimes »). Selon une étude publiée lundi par la banque Merrill Lynch, un mois de grève couterait un point de croissance au pays au quatrième trimestre. De quoi faire basculer tout le pays dans la récession.