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Guinée-Bissau / Drogue

Risques d’explosion

par  RFI (avec AFP)

Article publié le 26/09/2007 Dernière mise à jour le 26/09/2007 à 22:08 TU

Selon les Nations unies, les traficants utilisent l'archipel des Bijagos (Guinée Bissau) pour acheminer la drogue en Europe.(Carte : S. Bourgoing / RFI)

Selon les Nations unies, les traficants utilisent l'archipel des Bijagos (Guinée Bissau) pour acheminer la drogue en Europe.
(Carte : S. Bourgoing / RFI)

« La Guinée Bissau risque d’exploser ! », tel est le cri d’alarme qui vient d’être lancé, mardi à Dakar, par des responsables de l’Office de l’Onu contre la drogue et le crime (ONUDC). Plusieurs Latino-Américains, soupçonnés d’appartenir à un cartel de trafiquants de cocaïne, ont été arrêtés début septembre par la police bissau-guinéenne. Au Sénégal plusieurs kilogrammes de cocaïne, en provenance de Bissau, ont été saisis fin août. Les autorités de Guinée Bissau ont demandé de l’aide à la communauté internationale pour pouvoir faire face à une situation qui pourrait mettre en cause la stabilité de l’Etat et même de la région.

Les responsables de l’agence des Nations unies chargée de la lutte contre la drogue affirment que la Guinée-Bissau « peut exploser dans n’importe quel sens : guerre civile, déstabilisation régionale et cela peut avoir un effet domino sur les pays sortant d’une guerre, comme le Liberia et la Sierra Leone ». Les experts de l’ONUDC considèrent que les trafiquants internationaux de drogue profitent de l’absence de système de contrôle en Guinée-Bissau pour acheminer par bateau, depuis l’Amérique du Sud, la drogue dans l’archipel des Bijagos, situé au large de Bissau, avant de l’expédier en Europe. Les trafiquants pourraient ainsi prendre rapidement le contrôle de cet archipel et mettre en place un véritable centre de stockage et de redistribution de cocaïne qui pourrait ensuite financer des guerres civiles dans la région.

En effet, la police bissau-guinéenne a interpelé, le 2 septembre dernier, trois Colombiens, soupçonnés d’appartenir à un réseau de trafic de cocaïne, dans un quartier de la périphérie de la capitale. Il s’agissait d’un groupe « bien organisé » en possession de plusieurs fusils kalachnikov, dont le chef venait d’arriver du Portugal. D’autres Colombiens ont également été arrêtés pour trafic de drogue le 18 août, ainsi qu’une dizaine de Nigériens qui avaient été pris avec cinq kilogrammes de stupéfiants. Après ces arrestations, la directrice générale de la police judicaire de la Guinée-Bissau, Lucinda Barbosa Ahukharié, a lancé un appel à l’aide « technique et matérielle » de la communauté internationale, soulignant que son pays ne dispose pas de moyens suffisants « pour mener cette lutte contre la drogue ».

Des autorités conscientes mais impuissantes

La ministre de la Justice, Carmelita Pires, a appelé les bissau-guinéens à s’unir autour de son gouvernement pour un combat sans merci contre le trafic de drogue qui atteint, selon elle, des proportions « préoccupantes ». Lors de son discours, à l’occasion du 34ème anniversaire de l’indépendance du pays, lundi dernier, le président Nino Vieira a également reconnu que le narcotrafic « représente un grave danger pour la démocratie » de son pays, mais qu’il va falloir le combattre avec « une vision qui puisse dépasser les frontières nationales ».

Les autorités de Bissau semblent donc conscientes de gravité de la situation. Pourtant des journalistes se sont déclarés victimes d’harcèlement, après avoir fait des révélations concernant l’existence de complicités à un haut niveau avec les trafiquants de drogue. Le militant des droits de l'homme Mario Sá Gomes a même accusé des hauts responsables de l'armée bissau-guinéenne d'être impliqués dans ce trafic. Il a dû se cacher à la suite des menaces qui se sont multipliés. Une commission interministérielle a été chargée en juin de faire la lumière sur la mystérieuse disparition des coffres du trésor public de 1 200 kg de cocaïne saisis en septembre 2007. Les résultats de cette enquête ne sont pas encore connus.

Le Sénégal et les Etats-Unis préoccupés

Le problème de la drogue en Guinée-Bissau inquiète également les gouvernements des pays voisins et tout particulièrement le Sénégal, où la police a arrêté plusieurs trafiquants venus de Bissau. Onze kilogrammes de cocaïne ont été saisis et deux Bissau-guinéens convoyant cette drogue à Lisbonne ont été détenus, samedi dernier, à l’aéroport de Dakar. La gendarmerie sénégalaise avait également saisi début juillet à Mbour, au sud de Dakar, plus de deux tonnes de cocaïne. Selon les autorités sénégalaises, neuf trafiquants, dont trois Latino-américains, arrêtés lors de cette opération, avaient des contacts dans les pays voisins, notamment en Guinée-Bissau.

Tout comme le Nigeria, l’Afghanistan ou la Colombie, la Guinée-Bissau figure dans la liste établie par la présidence des Etats-Unis concernant les vingt pays les plus actifs en termes de production ou de circulation de drogues illicites. Le document, signé le 18 septembre dernier par le président George Bush, signale que la Guinée-Bissau devient une sorte de base arrière pour les trafiquants de cocaïne latino-américains, soulignant que « des efforts internationaux » devront être fournis pour aider ce pays à combattre ces activités illicites.  

Selon Antonio Mazitelli, le représentant régional du bureau de l'Onu contre la drogue et le crime pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique Centrale, la Guinée-Bissau notamment besoin des fonds pour renforcer son système de sécurité.

Antonio Mazitelli, représentant de l'Onu

Au micro de Cyril Bensimon

«Pour lutter contre les traficants de drogue en Guinée-Bissau, il faudrait 15 millions de dollars.»

La Guinée-Bissau est un des pays les plus pauvres du monde, avec un revenu annuel d’à peine 208 dollars par habitant. Près de 75 % de sa population, estimée à 1,4 millions de personnes, vit en-dessous du niveau de pauvreté.