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Afghanistan

Pris au piège de la violence

par Olivia Marsaud

Article publié le 27/09/2007 Dernière mise à jour le 27/09/2007 à 18:26 TU

L’Afghanistan subit depuis 2006 un regain de la guérilla des talibans. En parallèle, le pays est victime de l’incapacité du gouvernement central à imposer son autorité sur tout le territoire. Les conséquences qui y sont directement liées sont : des records de production d’opium, la persistance de la corruption et les difficultés de la reconstruction.

Plus de 40 000 soldats de l'Otan sont déployés en Afghanistan.(Photo: AFP)
Plus de 40 000 soldats de l'Otan sont déployés en Afghanistan.
(Photo: AFP)

En Afghanistan, les jours se suivent et se ressemblent : enlèvements, attentats, opérations militaires, raids aériens et dommages collatéraux s’enchaînent… Depuis le renversement du régime taliban en 2001 par les Etats-Unis, le pays a connu une certaine accalmie avant la recrudescence de la violence à partir de 2006. Depuis, il n’arrive pas à sortir de la spirale de violence, subissant un regain de la guérilla des talibans. Mercredi, quatre membres du Comité international de la Croix-Rouge ont été enlevés à 50 km de Kaboul. Pour l’instant, on ne sait pas qui a enlevé les humanitaires : des bandits à la recherche d’une rançon ou les talibans, qui multiplient leurs attaques depuis 2006. Les talibans ont enlevé des dizaines d'Afghans et d'étrangers ces derniers mois, visant à créer un climat d'insécurité et à décrédibiliser le gouvernement afghan et ses soutiens occidentaux. Ils ont aussi commis une centaine d’attentats-suicide à travers le pays dont le dernier, mardi, dans le sud-est, a tué cinq policiers afghans.

Mercredi, deux soldats danois ont été tués dans la province de Helmand (Sud), l’une des plus instables du pays, lors de combats intenses qui auraient fait plus de 100 morts dans les rangs talibans, selon les forces alliées internationales. Ces décès portent à 175 le bilan des militaires tués depuis le début de l’année dans les rangs des deux forces internationales présentes en Afghanistan. Il s’agit de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (Isaf), dirigée par l’Otan et regroupant 41 000 militaires de 37 pays, et la coalition de 10 000 soldats dirigée par les Etats-Unis.

Armée afghane fragile

Ces troupes étrangères sont de plus en plus contestées au sein de la population dans les régions dominées par les talibans, notamment dans le sud. Les villageois leur reprochent leur comportement envers les populations et leurs dommages collatéraux. Dans la nuit de mercredi à jeudi, une opération de l’Otan dans la province de Kunar (nord-ouest), a tué au moins 18 talibans mais a aussi fait des victimes civiles. Les erreurs commises contre les civils sont une question très sensible dans le pays et le président Hamid Karzaï a appelé à plusieurs reprises les forces étrangères à les éviter.

De son côté, l’armée afghane n’est toujours pas en mesure de mener seule des opérations. Elle a besoin des OMLTS, des équipes de liaison et de tutorat opérationnelles, composées d’officiers et de sous-officiers des pays de l’Otan et incorporées aux bataillons afghans pour les épauler. Alors qu’en 2001, le pays s’est retrouvé sans armée ni police, on dénombre aujourd’hui 50 000 militaires, armés et payés par les Etats-Unis. Selon le général français Vincent Lafontaine, responsable des plans opérationnels de l’Isaf, l’objectif est de « mettre l’armée afghane de plus en plus en première ligne à partir du printemps prochain » et de former 70 000 hommes pour début 2009. Le chef d’état-major de cette armée, le général Bismillah Khan, estime, lui, qu’elle ne serait pas capable d’opérer seule avant 2011, date prévue du rapatriement des troupes étrangères.

L’opium ou le fusil

Face à la résurgence progressive d’un pouvoir taliban dans certaines régions, la reconstruction du pays, pourtant appuyée par la Banque mondiale, avance très lentement. Certains analystes font valoir que la relance du développement est impossible si les problèmes liés à la sécurité ne sont pas réglés. Le gouvernement d’Hamid Karzaï peine à trouver sa légitimité, l’administration étant toujours gangrenée par la corruption. Des Browne, ministre britannique de la Défense, a affirmé cette semaine que « les talibans devront, à un certain moment, être associés à un processus de paix car ils ne disparaîtront pas ». Cette option ne semble pas être pour le moment à l’ordre du jour. L’International Crisis Group recommande également d’accroître la coopération régionale et de faire pression sur le Pakistan, réservoir de talibans qui viennent alimenter la rébellion.

Le gouvernement est aussi confronté au passage illégal d’armes et de drogue à la frontière iranienne. Washington accuse Téhéran de soutenir les talibans, ce que l’Iran dément. De fait, des saisies d’armes de fabrication iranienne ou chinoise ont lieu régulièrement à la frontière. Quant à la drogue, la production d’opium afghan aurait fait un bond de 34% cette année. Le pays assure aujourd’hui 93% de la production mondiale, le trafic augmentant la criminalité dans les provinces. Malgré ce sombre tableau, mercredi, à l’Onu, les présidents américain et afghan ont salué les « progrès sociaux et politiques » accomplis en Afghanistan, notamment en matière de sécurité alimentaire et de santé. George W. Bush a réaffirmé l’intérêt qu’avaient les Etats-Unis à continuer à soutenir l’Afghanistan pour que ce pays serve « d’exemple de ce qui est possible dans le grand Moyen-Orient ». Plusieurs Etats de la coalition pensent à retirer leurs troupes d’Afghanistan : le Canada, notamment, doit se prononcer sur la question en avril prochain. La semaine dernière, à Ottawa, le président afghan a lancé un appel à la communauté internationale qu’i l exhorte à maintenir des troupes dans son pays, même après la fin de son mandat, pour éviter un « retour à l’anarchie » et une recrudescence du terrorisme.