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Birmanie

L'émissaire de l'Onu a enfin rencontré le chef de la junte

par Solenne Le Hen

Article publié le 01/10/2007 Dernière mise à jour le 01/10/2007 à 18:01 TU

Ibrahim Gambari (g) avait déjà rencontré le géneral Than Shwe à Naypyidaw en mai 2006.(Photo : AFP)

Ibrahim Gambari (g) avait déjà rencontré le géneral Than Shwe à Naypyidaw en mai 2006.
(Photo : AFP)

L’émissaire de l’Onu, Ibrahim Gambari, a fini par rencontrer ce jour le chef de la junte militaire birmane, le général Than Shwe. Ce matin il avait été emmené à un rassemblement en faveur du régime. La junte semble avoir complètement maté les manifestations dans les rues du pays. A New-York, le Conseil de sécurité est divisé, et le ministre birman des Affaires étrangères a accusé des « opportunistes politiques » appuyés par de « puissants pays » d'être responsables des troubles et de leur répression.

L'envoyé spécial de l'Onu Ibrahim Gambari a craint pendant deux jours de devoir quitter la Birmanie sans avoir pu rencontrer le chef de la junte militaire birmane, le général Than Shwe. Après s’être rendu deux fois dans la nouvelle capitale birmane Naypyidaw, il a finalement obtenu un rendez-vous mardi avec Than Shwe. Il avait pu s’entretenir dimanche avec Aung San Suu Kyi, la dirigeante de l'opposition assignée à résidence depuis des années à Rangoon.

Parti pour l’Asie mercredi dernier, Ibrahim Gambari devait initialement rentrer dimanche dernier à New York. Mais jusqu’à présent, le diplomate onusien n’avait rencontré que le Premier ministre par intérim, le général Thein Sein, le ministre de l'Information, le général Kyaw Hsan, le ministre de la Culture, le commandant Khin Aung Myint, et le vice-ministre des Affaires étrangères, Kyaw Thu. Des seconds couteaux, sans pouvoir réel.

Ibrahim Gambari devait éviter le camouflet

En rencontrant le général Than Shwe, Ibrahim Gambari a évité le camouflet. Chargé de trouver une issue politique à la crise par l’Onu et l’Asean, l’Association des pays d’Asie du Sud-Est, il était porteur d'un message des deux organisations. 

Ibrahim Gambari a l’avantage de maîtriser le dossier birman. Ce diplomate onusien, ancien ministre des Affaires étrangères nigerian, a déjà rencontré le chef de la junte à Naypyidaw. Il a rendu visite à Suu Kyi en novembre dernier, un des rares contacts que l’opposante ait eus avec le monde extérieur ces dernières années.

Mais aujourd’hui, sa mission s’avère compliquée. Dans les faits, il bénéficie du soutien de l’Asean. Ses membres ont jugé « répugnante » l'utilisation d'armes à feu contre les manifestants birmans. Une petite révolution pour cette organisation rigide où les décisions sont adoptées par consensus. Les voisins de la Birmanie sont sans doute les seuls à pouvoir influer sur la junte, avec qui ils commercent. Grâce à ses pressions, l’Asean a notamment obtenu un accès libre et total au pays pour Ibrahim Gambari.

Autre soutien de poids pour l’émissaire de l’Onu, les Etats-Unis. George Bush a renforcé la semaine dernière les sanctions commerciales américaines contre la junte. La France a également gelé ses investissements dans le pays. Enfin, Tokyo a envoyé un émissaire en Birmanie pour enquêter sur la mort d’un journaliste japonais jeudi dernier dans les rues de Rangoon. S’ils ne sont pas satisfaits des réponses de la junte, les Japonais pourraient décider de rappeler leur ambassadeur, interdire de visa les responsables birmans ou encore décréter un embargo sur les investissements nippons en Birmanie.

« Une affaire intérieure »

Malgré ces soutiens internationaux, rétablir la paix en Birmanie semble « mission impossible » pour Ibrahim Gambari. Dans les rangs des diplomates, on estime ses chances de réussite plutôt minces. « J'ai beaucoup de respect pour Ibrahim Gambari en tant que personne,  a déclaré John Bolton l’ancien représentant américain auprès de l'Onu. Mais il est dans une position très difficile parce que le Conseil de sécurité est divisé ».

La Chine et la Russie opposent en effet depuis des années leur veto à New York. Elles ont refusé en janvier dernier une résolution condamnant la junte. Ces dernières semaines, les deux pays ont indiqué que « la crise birmane n’était pas de nature à menacer la paix et la sécurité dans la région et sur le plan international ». Précisément les seuls motifs qui autoriseraient l’Onu à faire usage de la force, selon le chapitre VII de sa charte. Enfin, Deepak Kapoor, le nouveau chef de l'armée indienne, a appuyé les déclarations russe et chinoise lundi, en affirmant que la révolte des moines et de la population concernait bien une « affaire intérieure »

« Il faut embarrasser Pékin »

A moins d’un fléchissement chinois et russe, il y a donc peu de chances que l’Onu intervienne militairement en Birmanie. Son rôle peut tout au plus se borner à alourdir les sanctions contre la junte birmane. Selon John Bolton, la seule solution pour obtenir une concession chinoise sur la Birmanie est d’« embarrasser Pékin ». « Il faut proposer une résolution sur la Birmanie forçant la Chine à y opposer son veto et on verra alors si les Chinois sont vraiment prêts à aller jusqu'au bout avant la tenue des Jeux Olympiques à Pékin en 2008. »

Quoi qu’elle décide, l’Onu doit faire vite. Car ses moyens de pression s’étiolent au fil des jours. La visite d’Ibrahim Gambari intervient tardivement, le régime militaire birman a déjà repris le contrôle de la rue. Les manifestations, qui ont rassemblé jusqu'à 100 000 bonzes et laïques, ont presque totalement cessé. Vingt mille soldats quadrillent Rangoon. Seules des manifestations pacifiques rassemblant quelques centaines de personnes ont eu lieu dans des villes de province dimanche, notamment à Sittwe et Pakokku. S’ils sont déjà parvenus à écraser la révolte, pourquoi les généraux se plieraient-ils alors aux pressions du diplomate?

Pressée par ses membres ces derniers jours, l’Onu se devait d’intervenir sur la question birmane. La visite a eu lieu ; il faudra maintenant attendre au moins quelques jours pour savoir si la mission Gambari a joué autre chose qu'un rôle d'affichage.