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Etats-Unis

L’injection létale en question

par Solenne Le Hen

Article publié le 03/10/2007 Dernière mise à jour le 03/10/2007 à 18:32 TU

Aux Etats-Unis, les exécutions par injection létale sont suspendues. (Photo : AFP)

Aux Etats-Unis, les exécutions par injection létale sont suspendues.
(Photo : AFP)

Pour la deuxième fois en deux semaines, le Texas a suspendu l’exécution d’un condamné à mort, en plein débat sur les souffrances supposées de l’injection létale. La Cour suprême américaine statuera dans les prochains mois sur ce mode opératoire.

Heliberto Chi restera en vie encore un mois, au moins. Mercredi, ce Hondurien condamné à mort aux Etats-Unis a obtenu un délai de la Cour d’appel criminelle du Texas. Fait inhabituel pour l’Etat américain qui recourt le plus à la peine capitale, c’est la seconde fois en deux semaines qu’une exécution y est déprogrammée. Comme partout dans le pays, le tribunal attend l’avis de la Cour suprême sur le recours à l’injection létale.

La plus haute juridiction du pays s’est saisie le 25 septembre dernier de ce dossier après que deux détenus du Kentucky aient dénoncé récemment ce mode d’exécution des condamnés à mort. Selon eux, elle provoque une souffrance qui s'apparente à des « châtiments cruels et inhabituels », précisément interdits par le 8ème amendement de la Constitution.

Depuis, c’est le statu quo dans le pays. Sauf au Texas, où les autorités pénitentiaires ont tué fin septembre un condamné par injection, avant de finir par suspendre leurs exécutions. « La polémique sur l’injection létale ne concerne que le Kentucky », arguait jusqu’à la semaine dernière le bureau du républicain Rick Perry, gouverneur du Texas.

La peine de mort aux Etats-Unis depuis 1967

1967-1976 La peine capitale est suspendue aux Etats-Unis. Elle est déclarée « cruelle et inhumaine » par la Cour suprême.

1976 A la suite d’un nouvel arrêt de la Cour suprême, les Etats américains peuvent la réintroduire dans leur arsenal judiciaire.

2007 Trente-huit Etats américains sur cinquante prévoient la peine de mort. A l’exception du Nebraska, tous exécutent les condamnés par injection létale, vingt l’utilisent exclusivement. Quarante-et-une exécutions ont eu lieu depuis le début de l’année (53 en 2006). Actuellement, 3 450 détenus attendent dans les « couloirs de la mort ».

Bien loin d’une mort supposée paisible et rapide

Depuis 1982, l’injection létale a été utilisée dans plus de 80% des exécutions aux Etats-Unis. Plébiscitée parce qu’elle était censée être « indolore », elle est aujourd’hui totalement remise en cause par une série d'exécutions ratées. L’an dernier en Floride, un condamné a grimacé, frissonné, les yeux grands ouverts, avant d'être pris de convulsions et de mourir au bout d'une longue demi-heure. Selon le rapport médical, les aiguilles étaient trop enfoncées et les poisons avaient été injectés hors de ses veines. Loin, bien loin d’une mort  supposée paisible et rapide.

L’injection létale au regard du droit international

Aucun texte international ni organisme onusien ne considère l'injection létale comme une peine cruelle ou inhumaine et ne respectant pas les garanties prévues. Selon une résolution adoptée en 2003, les Nations unies exigent des Etats qu’ils « veillent à ce que, lorsque la peine capitale est appliquée, elle soit exécutée de manière à causer le minimum de souffrances possible, et à ce qu'il soit mis immédiatement fin aux modes d'exécution particulièrement cruels ou inhumains ».

Souffrir atrocement sans pouvoir le montrer

Le protocole de l’injection létale n'est fixé par aucune loi américaine. Généralement, trois substances sont administrées. D’abord, du sodium thiopental, pour endormir le condamné. Puis, du bromure de pancuronium, pour le paralyser. Enfin, du chlorure de potassium, pour provoquer un arrêt cardiaque. Si les doses sont respectées, l’anesthésiant est suffisant pour empêcher le condamné de ressentir quoi que ce soit. Mais selon les détracteurs de la triple injection, le premier produit n'agit parfois pas assez longtemps. Le personnel paramédical des centres pénitentiaires n’est pas toujours formé pour l’administrer correctement, notamment lorsque les condamnés sont d'anciens drogués aux veines ravagées. Le détenu risque alors de souffrir atrocement, sans pouvoir le faire savoir puisque le second produit le paralyse totalement. Enfin, la troisième substance provoque une telle sensation de brûlure qu'elle est interdite pour euthanasier les animaux de compagnie malades.

Certains avocats proposent donc de remplacer ce « cocktail » par une dose massive de barbituriques, comme le font les vétérinaires. Mais, si elle est totalement indolore, cette solution ne tue pas le condamné avant plusieurs dizaines de minutes.

Après avoir étudié toutes ces propositions, les juges de la Cour suprême américaine devraient établir d’ici juin prochain des normes précises concernant l'injection mortelle. Mais sûrement pas remettre en cause le principe même de la peine de mort. Les opposants à la peine capitale craignent d’ailleurs que les exécutions suspendues ne reprennent ensuite à un rythme effréné.