par Stefanie Schüler
Article publié le 04/10/2007 Dernière mise à jour le 04/10/2007 à 18:25 TU
Les présidents Roh Moo-hyun et Kim Jong-il ont annoncé vouloir promouvoir la paix et la prospérité sur la péninsule nord-coréenne, mais les Etats-Unis font valoir leurs conditions. Les observateurs restent prudents quant à la portée réelle du deuxième sommet intercoréen qui s’est achevé ce jeudi à Pyongyang.
« Le sommet a produit de meilleurs résultats que ceux auxquels beaucoup s’attendaient, en particulier dans le champ économique et pour la paix ». Kim Yeon-chul, professeur au Centre asiatique de l’université de Corée à Séoul, est satisfait. Selon ce fin connaisseur des relations intercoréennes, l’accord signé ce jeudi à Pyongyang par le président sud-coréen Roh Moo-hyun et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il pourrait ouvrir la voie à une nouvelle ère : « Globalement, cela aidera à diminuer les tensions et à doper la coopération économique. En retour, la Corée du Nord en retirera d’énormes bénéfices ».
La déclaration commune des deux présidents coréens porte sur plusieurs aspects des relations intercoréennes.
La paix sous conditions
Les deux Corées veulent en finir avec la situation anachronique dans laquelle se trouve la péninsule depuis plus de cinquante ans : de fait, le Nord et le Sud sont techniquement toujours en guerre. Depuis 1953, date à laquelle les armes se sont tues entre les deux ennemis, aucun accord de paix n’a été conclu. Un simple cessez-le-feu avait mis fin au conflit sanglant. Cet armistice a été signé par la Corée du Nord, la Chine et les Nations unies, emmenées par les Etats-Unis. La Corée du Sud ne figurait pas parmi les signataires.
Pour cette raison, Séoul et Pyongyang ne peuvent pas s’engager aujourd’hui à eux seuls sur le chemin de la paix. Les deux Corées doivent avoir l’accord et la signature de la Chine et des Etats-Unis. Ce jeudi, Roh Moo-hyun et Kim Jong-il ont donc plaidé pour que se tienne un sommet « à trois ou quatre pays » afin de signer formellement un traité de paix.
Washington a immédiatement renvoyé la balle dans le camp des Nord-Coréens. La participation des Etats-Unis à un traité de paix entre les deux Corées dépendra du respect par Pyongyang de ses engagements à la dénucléarisation, a fait savoir le porte-parole de la Maison blanche, Gordon Johndroe. Cette réponse américaine intervient alors que la Corée du Nord a accepté, le week-end dernier, de démanteler son réacteur de Yongbyon et d’autres installations nucléaires d’ici le 31 décembre. C’est le résultat des dernières négociations multilatérales à Pékin dans le cadre des pourparlers à six. Les Etats-Unis ont accepté de superviser les travaux à Yongbyon et de prendre en charge le financement initial de ces derniers. Mais ce n’est visiblement pas pour autant que la Maison Blanche relâche sa pression sur la Corée du Nord et présente toujours le démantèlement du programme nucléaire nord-coréen comme un préalable indispensable.
Echanges politiques et coopération économique renforcés
Dans leur déclaration commune, Roh Moo-hyun et son hôte Kim Jong-il se sont également engagés à renforcer les échanges politiques entre les deux pays ainsi que leur coopération économique. Cette dernière devrait se réaliser, notamment, à travers la construction d’un chantier naval commun dans la ville portuaire de Nampo et l’ouverture d’une liaison ferroviaire entre le Nord et le Sud destinée au fret.
Les deux dirigeants sont aussi convenus de renouveler les sommets bilatéraux - sans pour autant préciser si le leader communiste Kim Jong-il comptait se déplacer en Corée du Sud à l’occasion de la prochaine rencontre. En novembre, c’est en tout cas son Premier ministre qui fera le voyage à Séoul.
Les observateurs restent prudents
En dépit des signes positifs que les participants du sommet à Pyongyang se sont efforcés d’émettre, les experts restent sceptiques quant à la réelle portée de l’accord signé ce jeudi.
En Corée du Sud surtout, les voix critiques sont particulièrement nombreuses. Dans le camp de l’opposition, on estime que c’est avant tout le président Roh qui a besoin du dialogue intercoréen, et non le leader du Nord, Kim Jong-il. A seulement quelques semaines de l'élection présidentielle, la popularité du chef de l’Etat sud-coréen est actuellement en chute libre. Lors du dernier scrutin en mai 2004, le gouvernement de gauche s’était fait élire sur le thème pacifiste du rapprochement avec la Corée du Nord. « Or quelques années plus tard, le gouvernement est affaibli parce qu’il n’a pas apporté, dans ses rapports avec Pyongyang, ce que les gens attendaient », fait remarquer l'historien Pierre Rigoulot avant de poursuivre : « Pendant les négociations internationales sur la dénucléarisation, les Nord-Coréens ont tout de même trouvé le moyen de faire exploser un engin nucléaire ».
L’opposition conservatrice reproche donc à leur président de faire des concessions en direction du régime autoritaire nord-coréen avec le seul but de regagner la confiance des électeurs. Mais selon Jung Jin-gon, professeur à l’université Hanyang, Roh Moo-hyun risque de payer cher cette stratégie : « Si le président de la Corée du Sud était tenté d’utiliser la réunification ou des questions de sécurité pour influencer le résultat du prochain scrutin, la jeune génération et avec elle la nation entière, s’y opposeraient très fermement lors de leur passage aux urnes», juge-t-il.