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RDC

Aviation civile meurtrière

par  RFI (avec AFP)

Article publié le 05/10/2007 Dernière mise à jour le 05/10/2007 à 20:12 TU

Un membre de l'équipe des secours à proximité de l'hélice de l'Antonov 26 qui s'est écrasé le jeudi 4 octobre 2007, à Kinshasa.(Photo : Reuters)

Un membre de l'équipe des secours à proximité de l'hélice de l'Antonov 26 qui s'est écrasé le jeudi 4 octobre 2007, à Kinshasa.
(Photo : Reuters)

Au moins 50 morts, c'est sûrement un bilan encore provisoire après l'accident de l’avion Antonov 26 qui s'est produit jeudi matin dans le quartier de Kimbaseke, à l’est de Kinshasa. Le bimoteur, avec un équipage russe, effectuait un vol à destination du Kasaï-Occidental. L’avion s'est écrasé sur une dizaine de maisons peu après son décollage. Les secouristes tentent d'identifier les victimes et s'activent toujours pour retrouver d'éventuels survivants. Le ministre des Transports, Remy Henri Kuseyo a été révoqué « pour son incapacité à réformer le secteur de l’aviation », aux termes d’une ordonnance signée vendredi par le président Joseph Kabila et le premier ministre Antoine Gizenga. Depuis le début de l’année, les accidents aériens ont fait plus de 60 morts en RDC. Les autorités aéronautiques européennes ont interdit le survol de l’UE à 50 compagnies congolaises. 

Les secouristes de la Croix-Rouge congolaise qui poursuivent les recherches de victimes ont découvert vendredi de nouveaux corps, sous les décombres des maisons effondrées dans ce quartier populaire. « Le bilan de l’accident est désormais de 50 morts », a déclaré dans la soirée un porte-parole du ministère des Affaires humanitaires à Kinshasa. Ce bilan risque de s’alourdir du fait du nombre important de grands brûlés admis à l’hôpital général Mama Yemo.

Ce n'est pas la première fois qu'un « cercueil volant » s'écrase peu après son décollage de l'aéroport de Ndjili, et la population a l'impression d'être sacrifiée. Sur place, dans le quartier populaire de Kimbaseke, c'est la désolation. Les autorités congolaises ont annoncé que des fonds vont être débloqués pour assister les blessés, organiser des funérailles dignes pour les victimes, et reloger les familles dont les maisons sont détruites.

Le ministre congolais des Transports a été démis de ses fonctions, vendredi à la mi-journée, lors d’un conseil de ministres spécialement consacré à la sécurité aérienne. Les autorités reprochent à Rémy Henry Kuseyo de n'avoir pas su réformer le secteur de  l'aviation. Vendredi matin, sur RFI, le ministre accusait une commission d'experts d'avoir autorisé la compagnie El Sam à voler alors que son ministère était contre.

En ce qui concerne les causes du crash, il ne s'agirait pas d'un problème de surcharge mais bien de la vétusté de l'appareil. Selon un technicien de la Régie des voies aériennes (RVA), l'appareil a perdu l'hélice gauche avant de s’écraser. Cette hélice se trouve aujourd'hui entre les mains de la RVA.

Armand Kely

Technicien de la régie des voies aériennes chargé de l'enquête préliminaire

«C’est un problème technique, puisque l’avion, une minute après le décollage, a perdu son hélice gauche.»

Ce nouveau drame s’ajoute à une longue liste d’accidents meurtriers qui ont fait plus de 60 morts cette année. Depuis mars 2006, la totalité des compagnies aériennes  congolaises, sauf une, sont interdites de vol dans l’espace européen. La flotte aérienne congolaise est essentiellement composée d’Antonov et d’Iliouchine, de fabrication russe ou ukrainienne, acquis par des personnalités civiles et militaires au cours des dernières guerres sur le territoire congolais, de 1996 à 2003.

Accidents en série

Déjà, en 1996, la chute d’un cargo Antonov 32 sur un marché de Kinshasa avait fait près de 350 victimes. La triste série d’accidents s’est poursuivie malgré l’instauration de la paix dans la plupart du pays. Le 7 septembre 2007, un Antonov 12, quadrimoteur de fabrication soviétique, s’écrase à Goma. Le certificat de navigabilité de l’avion avait expiré sept mois auparavant et l’appareil volait toujours. Le 24 septembre dernier, un Let 410, un appareil de fabrication tchèque, rate son atterrissage et finit sa course dans un cimetière à Malemba, au Katanga. La compagnie Karibu Airways, propriétaire de l’avion, était interdite de vol.

Tous ces exemples illustrent, si besoin était, l’anarchie qui règne dans le secteur de l’aviation civile en République démocratique du Congo. Les décisions du gouvernement ne sont que de pure forme. Une commission est censée contrôler tous les avions cargo. Elle avait d’ailleurs vérifié l’état de l’Antonov qui s’est écrasé jeudi. En fait la corruption gangrène le secteur de l’aviation civile qui s’est transformé en véritable far-west où tout est permis, tout est possible moyennant des dollars sonnants et trébuchants : voler avec des avions vétustes, interdits de vol sous d’autres cieux, voler avec des équipages peu ou pas formés, enfin voler avec des avions réparés, avec des pièces récupérées sur des épaves.