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France-Russie

Nicolas Sarkozy à Moscou

par Monique Mas

Article publié le 09/10/2007 Dernière mise à jour le 09/10/2007 à 18:50 TU

Moscou, le 9 octobre 2007. Nicolas Sarkozy (g) et Vladimir Poutine (d) dans la Mercedes du président russe.(Photo : AFP)

Moscou, le 9 octobre 2007. Nicolas Sarkozy (g) et Vladimir Poutine (d) dans la Mercedes du président russe.
(Photo : AFP)

En visite à Moscou les 9 et 10 octobre, le président français, Nicolas Sarkozy, entend réaffirmer les positions de la France sur la scène internationale et rompre avec le mode consensuel des relations franco-russes qu’affectionnait Jacques Chirac. Atlantiste et soucieux d’alliance avec les entrants européens de l’Est, le chef de l’Etat français n’en estime pas moins que la Russie «est un acteur majeur des relations internationales et un partenaire incontournable» pour la France et ses entreprises. Le «dîner de travail» de mardi dans la datcha de Vladimir Poutine et le déjeuner de vendredi au Kremlin ont donc inscrit à leurs menus des sujets qui fâchent (la Tchétchénie, les droits de l’homme, l’Iran, le Kosovo ou la gestion du gaz russe par Moscou) mais aussi des thèmes prometteurs (énergie, aéronautique), les deux chefs d’Etat procédant à une évaluation mutuelle.

Nicolas Sarkozy et Vladimir Poutine s’étaient entrevus en juin au sommet du G8 à Heiligendamm, en Allemagne. En dépit des poignées de main de circonstance, nul doute que Vladimir Poutine n’avait pas oublié les envolées critiques de Nicolas Sarkozy pendant la campagne qui l’a porté au pouvoir en mai dernier. A l’époque, le président russe avait du reste tardé 48 heures avant d’adresser ses félicitations au nouvel élu à la magistrature française. Après des années « d’amitié » franco-russe consacrées en septembre 2006 par Jacques Chirac lui remettant la plus haute distinction française, la Grand Croix de la Légion d'honneur, Vladimir Poutine avait quelques bonnes raisons de vouloir mesurer de près ce nouveau président français qui, comme lui, revendique un franc-parler «décomplexé», une énergie de jeune homme et une communication soignée au service d’une autorité éclectique.

Nicolas Sarkozy, un novice selon Moscou

Selon Thomas Gomart, responsable du département Russie à l'Institut français des relations internationales (Ifri), la visite de Nicolas Sarkozy a en effet «valeur de test aux yeux des Russes» qui considèrent le président français «comme un novice en matière de relations internationales et de sécurité». Dans ces domaines, Vladimir Poutine se réclame d’une expertise de «doyen de la scène internationale». Et sa curiosité a sans doute autant été piquée que son amour propre par les déclarations d’un Nicolas Sarkozy, laudateur des Etats-Unis, pour qui Tchétchénie et droits de l’homme ne sont plus tabous, et qui a dénoncé sans ambages en août dernier, dans son premier discours de politique étrangère de chef d’Etat, la Russie qui «impose son retour sur la scène mondiale en jouant avec une certaine brutalité de ses atouts, notamment pétroliers et gaziers».

Le 4 octobre dernier, devant les étudiants de l’université de Sofia où il était venu apprécier le bénéfice européen du dénouement de l’affaire des infirmières bulgares, Nicolas Sarkozy avait décoché une nouvelle flèche à Moscou en stigmatisant la Russie comme «un pays qui complique» plutôt qu’il ne facilite «la résolution des grands problèmes du monde». La veille de son arrivée à Moscou, le président français a toutefois expliqué au quotidien russe Rossiiskaïa Gazeta que «le statut retrouvé de la Russie doit être accueilli tout à fait sereinement». Et cela, dit-il, «parce qu'en contrepartie il lui permettra d'assumer et d'exercer ses responsabilités qui vont de pair avec la légitime aspiration à être une grande puissance».

Vladimir Poutine, un pragmatique selon Paris

Si Vladimir Poutine a dû relever le défi d’un empire soviétique réduit à la Russie et accommoder les ambitions régionales et internationales de celle-ci à de nouvelles frontières, Nicolas Sarkozy entend lui aussi donner une impulsion à la politique extérieure de la France pour tenter de conserver son rang de puissance qui compte. Compétition obligeant, le président français n’en a pas moins maintenu le ton de la fermeté pour fustiger à nouveau les méthodes russes dans son entretien avec Rossiiskaïa Gazeta. «Quand la Russie coupe les approvisionnements en énergie d'une partie de l'Europe sans prévenir, cela sape la confiance», a-t-il lancé en soulignant les hypothèques posées sur la sécurité énergétique européennes par le conflit gazier qui oppose Moscou et l’Ukraine, entraînant ces derniers mois plusieurs suspensions de livraisons de pétrole et de gaz aux clients occidentaux du géant russe Gazprom.

Comptant sur le «pragmatisme» de Vladimir Poutine, Nicolas Sarkozy «attend de la Russie une contribution importante et positive au règlement des défis de notre temps». Il estime d’ailleurs que «le monde a beaucoup à gagner d'une coopération plus approfondie et plus systématique entre l'Europe et la Russie, notamment en matière de défense et de sécurité». Sur ce terrain, Moscou espère tirer au clair la position de la France, obscurcie, selon les observateurs russes, par des «déclarations contradictoires de personnalités officielles françaises». Pour sa part, en réaffirmant sa détermination à renforcer les sanctions contre l’Iran pour le contraindre à renoncer à ses ambitions nucléaires, Nicolas Sarkozy est sur une ligne opposée à celle de Moscou. Mais, dans les colonnes de Rossiiskaïa Gazeta, le président français s’est quand même attaché une nouvelle fois à rejeter l’idée de «guerre» émise à propos de l’Iran par son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner.

Pommes de discorde et promesses commerciales

«Entre la résignation et la guerre - et ces deux mots ne sont pas dans mon vocabulaire - il y a une position responsable: renforcer les sanctions afin d'amener l'Iran à la raison», insiste Nicolas Sarkozy. Autre pomme de discorde : le Kosovo dont Paris soutient la volonté d’indépendance sous supervision internationale alors que Moscou partage le point de vue de la Serbie qui ne veut pas en entendre parler. Le Kremlin s’irrite également de l’idée d’un élargissement de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) à d’anciennes républiques du bloc soviétique.

Moscou s’insurge contre le projet américain d’installation d’un bouclier antimissiles (pour répondre à la menace iranienne, selon Washington) en Pologne et en République tchèque. Vladimir Poutine voit là une menace militaire rapprochée. Nicolas Sarkozy, qui a reçu les présidents polonais et tchèque la veille de son départ pour Moscou (un hasard de son calendrier, dit-il), caresse de son côté l’espoir de nouvelles alliances avec les pays d’Europe de l’Est pro-américains, les assurant du soutien de la France pour que l’Union européenne leur offre davantage qu’un simple rôle de figurants.

Selon le porte-parole de l'Elysée, David Martinon, Nicolas Sarkozy redira à Vladimir Poutine son désir d'un dialogue «franc et confiant» et sa volonté de «comprendre la Russie». Pour la France, ajoute-t-il, la Russie est un «partenaire stratégique avec lequel il est essentiel d'approfondir le dialogue sur les grands dossiers internationaux», mais aussi la coopération bilatérale et les relations commerciales. La flambée des prix et la raréfaction accélérée des sources d’énergie fossile dont elle est dotée confèrent en effet à la Russie une stature bien supérieure à ses performances économiques actuelles. Selon l’Ifri, Moscou dispose aussi de la troisième réserve en devises du monde après celles de la Chine et du Japon.

A Moscou, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexandre Grouchko, ne voit pas de « contradiction entre le désir des Français de renforcer leur relation d'amitié avec les Etats-Unis et le développement de leur partenariat traditionnel avec nous ». La banque russe VTB a déjà acquis 5% de la compagnie aéronautique européenne EADS. Le géant russe Gazprom et le pétrolier français Total ont récemment signés des accords, de même qu’Aeroflot a commandé des A350 à Airbus. De nouveaux projets seront évoqués à Moscou, parmi lesquels une participation française à l'avion Superjet 100 du Russe Soukhoï.

Sukhoi dévoile son superjet 100

Il est fait véritablement aux normes occidentales, donc il a été fait pour être exporté et pour se donner les meilleures chances.

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29/09/2007 par Daniel Desesquelle