par Monique Mas
Article publié le 18/10/2007 Dernière mise à jour le 18/10/2007 à 17:08 TU
La Russie avait obtenu un délai de grâce pour l’Iran, renvoyant à fin novembre la décision du groupe des 5+1 (les cinq membres disposant d’un droit de veto au Conseil de sécurité de l’Onu et l’Allemagne) de renforcer ou non les sanctions. L’échéance approchant et Vladimir Poutine réaffirmant que « menacer quelqu'un, dans le cas du peuple iranien et de son gouvernement, ne mène nulle part », le dialogue s’avérant selon lui la seule bonne manière internationale de gérer le contentieux nucléaire entre Téhéran et l'Onu, Israël et les Etats-Unis ont sonné le branle-bas diplomatique.
Bush parle de troisième Guerre mondiale
« Nous avons un dirigeant en Iran qui a annoncé qu'il voulait détruire Israël », souligne George Bush qui voit là un motif de penser que
Téhéran a des ambitions militaires nucléaires contre l’Etat hébreu. « Si vous tenez à éviter la troisième Guerre mondiale, il me semble que vous devriez veiller à empêcher [les Iraniens] d'obtenir le savoir-faire nécessaire pour fabriquer l'arme nucléaire », a-t-il donc lancé à l’adresse de Vladimir Poutine en lui demandant de « clarifier » sa position.
D’après le président américain, son homologue russe lui a dit comprendre qu'il est « dans l'intérêt de la planète de faire en sorte que l'Iran n'ait pas la faculté de fabriquer l'arme nucléaire ». Mais là où George Bush dénonce une contradiction, Vladimir Poutine évalue visiblement le rapport des forces. Il pèse ses intérêts stratégiques, et sans doute aussi ses limites, dans une région pétrolifère frontalière abritant un voisin iranien avec lequel il entend renforcer ses relations au moment, notamment, où autre riverain de la Caspienne, l’Azerbaïdjan, s’avère tenté par Washington.
Pour sa part, si l’on en croit les déclarations d’un « haut responsable du département d'Etat américain à Bruxelles » cité par l’Agence France-Presse, l’administration Bush pourrait mettre dans la balance son projet de bouclier antimissiles en Europe de l’Est (en Pologne et en République tchèque), si Moscou parvenait à convaincre Téhéran de suspendre son programme d’enrichissement d’uranium. Une mission incertaine, dans laquelle il est douteux que Vladimir Poutine puisse s’engager officiellement de manière unilatérale, même si lui-même n’a pas intérêt à voir l’Iran se muer en une puissance militaire nucléaire.
Olmert à Moscou pour convaincre Poutine de la malveillance iranienne
Leur allié américain remonté au créneau de la Guerre froide avec l’Iran comme pomme de discorde, les Israéliens ont de leur côté pris le mors diplomatique aux dents. Ehud Olmert s’est envolé jeudi pour Moscou, avant Paris où il devrait rencontrer le président Nicolas Sarkozy dimanche et Londres pour une entrevue, mardi, avec son homologue britannique, Gordon Brown. La ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, projette de son côté un bref séjour en Chine pour tenter de convaincre Pékin de ne pas s’opposer, au Conseil de sécurité des Nations unies, au renforcement des sanctions anti-iraniennes à la fin du mois prochain.
Selon la radio militaire israélienne, dans l’appareil de l’armée de l’air qui l’a transporté à Moscou pour un entretien éclair –officiellement arrangé la semaine dernière – avec Vladimir Poutine, le Premier ministre israélien avait emporté avec lui des preuves de la malveillance nucléaire de Téhéran, des photos satellites des sites litigieux en construction en particulier. Sans surprise, les services d’Ehud Olmert avaient indiqué que les deux hommes avaient « l'intention de discuter d'une série de questions régionales, dont le processus de paix avec les Palestiniens, la menace iranienne et la tentative [de Téhéran] de se procurer l'arme nucléaire ».
Partisan d’un troisième train de sanctions contre l’Iran élargi « au niveau diplomatique et économique », le Premier ministre israélien a aussi sur sa liste de doléances la question des livraisons d’armes russes à la Syrie. Celle-ci arrose généreusement le Hezbollah libanais, assure-t-il, compromettant la sécurité d'Israël. Certains observateurs avaient pour leur part expliqué le raid israélien contre la Syrie du 6 septembre dernier par une volonté israélienne de s’emparer de preuves d’une aspiration syrienne à la nucléarisation militaire. Ehud Olmert aura donc tenté de convaincre Vladimir Poutine qu’il serait prudent de l’entendre s’il n’est pas en mesure de contrôler suffisamment étroitement les programmes belliqueux de ses amis iraniens et syriens.
Washington en « guerre psychologique » selon Téhéran
Dans ce contexte tendu, l'agence officielle iranienne Isna a jugé utile de faire savoir que le négociateur iranien du dossier du nucléaire, Ali Larijani, avait reçu mardi « un message spécial » de Vladimir Poutine, pendant la visite historique de ce dernier, la première d’un
représentant du Kremlin depuis 1943. Le message en question concernerait bien évidemment le programme nucléaire iranien, suggère-t-il à mots couverts. Les déclarations de Bush « montrent la colère des Etats-Unis face aux succès de l’Iran sur la scène internationale et font partie d’une guerre psychologique », commente de son côté le chef adjoint du Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne, Abdol-Reza Rahmani Fazli.
La petite phrase sibylline de Larijani vise peut-être à aider Moscou à se tirer d’embarras avec de « nouvelles propositions ». Fazli glisse en tout cas que Washington tente de « camoufler des informations à propos de la visite du président russe Vladimir Poutine à Téhéran et de minimiser les résultats de cette visite ».