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Pakistan

Bhutto dit savoir qui a voulu la tuer

par Stefanie Schüler

Article publié le 19/10/2007 Dernière mise à jour le 19/10/2007 à 17:48 TU

Lors d'une nouvelle conférence de presse à Karachi, Benazir Bhutto a réaffirmé qu'elle poursuivrait son combat pour la démocratie.(Photo : Reuters)

Lors d'une nouvelle conférence de presse à Karachi, Benazir Bhutto a réaffirmé qu'elle poursuivrait son combat pour la démocratie.
(Photo : Reuters)

Au lendemain de l’attentat, qui a fait au moins 138 morts et qui a blessé plus de 400 personnes jeudi à Karachi, l’ex-chef du gouvernement pakistanais a prononcé de lourdes accusations. Pour Benazir Bhutto, les partisans de l’ancien dictateur et général Mohamad Zia-ul-Haq seraient responsables de l’attaque suicide qui la visait directement. L’entourage du président Pervez Musharraf favorise de son côté une autre piste : celle des militants islamistes.  

«Je sais exactement qui veut me tuer. Ce sont les dignitaires de l’ancien régime du général Zia qui sont aujourd’hui derrière l’extrémisme et le fanatisme », a lancé Benazir Bhutto trois heures après le terrible attentat de Karachi. « Nous devons purger ces éléments encore présents dans nos services secrets. Bon nombre d’entre eux sont partis à la retraite puis ont été réembauchés. Ils ont aujourd’hui beaucoup de pouvoir. Pour eux, je représente un danger : si je ramène la démocratie dans le pays, ils perdront leur influence ».

Dans une interview accordée à l’hebdomadaire français Paris-Match, l’ancien Premier ministre accuse ainsi le réseau de son ennemi de toujours, le général Mohamad Zia-ul-Haq, l’ancien homme fort du Pakistan.

Le général Zia et la famille Bhutto        

Le père de Benazir Bhutto, Zulfikar Ali Bhutto est élu premier ministre en 1970 lors des premières élections démocratiques au Pakistan. Depuis la création de l’Etat pakistanais en 1948, son gouvernement, composé de personnalités civiles, est l’un des rares à ne pas être aux mains de l’armée. Mais sept ans après son élection, Zulfikar Bhutto est renversé par le général Zia-ul-Haq et exécuté en 1979 par pendaison. Sa fille, Benazir, est emprisonnée pendant cinq ans et ses deux fils mourront dans des circonstances mystérieuses.

« Je vis toujours avec la douleur de l’assassinat de mon père et de mes frères », a avoué Benazir Bhutto après avoir échappé de justesse à la  mort lors de l’attentat suicide jeudi soir. 

Quand la présidente du Parti du peuple pakistanais (PPP) a pris l’avion jeudi matin pour retourner dans son pays natal après huit ans d’exil, elle était confiante : « Je n’ai pas peur. Je ne pense qu’à ma mission ».

Des menaces annonciatrices ?

Craignant des attentats contre la rapatriée, le gouvernement pakistanais avait pourtant insisté pour que Benazir Bhutto ne traverse pas Karachi en véhicule mais se déplace en hélicoptère. Selon les services de renseignement pakistanais, au moins trois groupes de djihadistes avaient menacé de lancer des attaques contre Madame Bhutto. Ces avertissements ont été pris d’autant plus au sérieux que l’ancien Premier ministre n’avait pas ménagé ses ennemis : « l’éradication de la menace islamiste » était devenue l’un de ses principaux slogans. Et à seulement quelques jours de son retour au Pakistan, Benazir Bhutto avait souligné qu’elle autoriserait, si elle revenait au pouvoir, les Etats-Unis à bombarder les zones tribales frontalières avec l’Afghanistan, berceau des islamistes radicaux.  

La marque de fabrique des militants islamistes ?

Ses déclarations lui ont valu les foudres des islamistes: « Elle a passé un accord avec l’Amérique. Nous porterons nos attaques contre Benazir Bhutto comme nous les avons portées contre le général Pervez Musharraf », avait répondu Haji Omar, chef taliban de la région tribale du Waziristan. Et il n’était pas le seul : Baïtullah Mehsud, un chef de guerre proche des talibans et d’al-Qaïda, avait également promis d’accueillir Madame Bhutto par un attentat-suicide, comme l’a rappelé ce vendredi le ministre adjoint à l’Information, Tariq Azim.      

Après la tragédie qui a touché Karachi jeudi soir, les autorités pakistanaises se montrent donc convaincues de la responsabilité des réseaux islamistes proche d’al-Qaïda et des talibans. « L’attentat semble porter la marque de fabrique des militants qui commettent des attentats dans tout le pays depuis trois mois », a avancé par exemple le général Javed Cheema, porte-parole du ministère de l’Intérieur.

La « faute » du gouvernement ? 

L’entourage de Benazir Bhutto ne partage cependant pas cette analyse. « Les talibans et extrémistes islamistes ne peuvent agir seuls. Ils ne peuvent commettre leurs attentats-suicide depuis une grotte dans la montagne. Ils ont besoin d’une logistique, de nourriture, d’armes et de quelqu’un qui les supervise », a rétorqué celle qui représente pour nombreux Pakistanais l’espoir de voir naître la démocratie dans ce pays.

Son mari, Asif Ali Zardari, a accusé dans une interview à la télévision une agence des services de renseignement du Pakistan : « Cet attentat n’a pas été perpétré par des combattants islamistes, mais par cette agence d’espionnage ».

Bien que le président Pervez Musharraf a « condamné cette attaque dans les termes les plus fermes », sa rivale a fait part de sa méfiance vis-à-vis du gouvernement actuel : « Je sais qu’à chaque fois que j’annoncerai mon intention d’organiser une grande réunion politique, le gouvernement va désormais me répondre : Il y a des kamikazes à vos meetings, le risque est trop grand. Mais ce qui s’est passé est de sa faute, car il n’a pas été capable de prévenir cette tragédie ».