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Liban

Kouchner, Moratinos et D'Alema en terrain miné

Article publié le 19/10/2007 Dernière mise à jour le 19/10/2007 à 19:34 TU

Le Liban.(Carte : H.Maurel/RFI)

Le Liban.
(Carte : H.Maurel/RFI)

Les ministres français, espagnol et italien des Affaires étrangères sont arrivés au Liban, vendredi soir, pour une mission difficile : encourager la majorité et l'opposition à s'entendre sur un candidat consensuel, à quatre jours de la séance parlementaire prévue pour élire un nouveau président. Mais il leur faudra user de tous leurs talents persuasifs, et même plus, pour réussir dans leur mission.

De notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh

Arrivés séparément à Beyrouth vendredi soir, les ministres français, espagnol et italien des Affaires étrangères se donnent moins de 48 heures pour tenter un forcing dans le but de débloquer la situation entre la majorité et l'opposition à quatre jours de la séance, prévue le 23 octobre, pour élire un nouveau président de la République.

Bernard Kouchner, Miguel Angel Moratinos et Massimo D'Alema auront des entretiens avec le Premier ministre Fouad Siniora, le président de la Chambre Nabih Berry, qui est également un des chefs de l'opposition, et le patriarche maronite Nasrallah Sfeir, chef spirituel de la communauté dont est toujours issu le président de la République.

Ces deux dernières personnalités ont lancé des initiatives séparées pour tenter de trouver un compromis entre les protagonistes de la crise. Nabih Berry a commencé des concertations avec le chef de la coalition du 14-Mars au pouvoir, Saad Hariri, pour essayer de s'entendre sur un candidat consensuel qui succèderait au président Emile Lahoud, dont le mandat s'achève le 24 novembre. Le prélat maronite, lui, a rencontré dans la même optique les chefs politiques de sa communauté, divisée entre le 14-Mars (Samir Geagea, Amine Gemayel) et l'opposition (Michel Aoun, Sleimane Frangié).

Les ministres européens se rendront ensuite dans le Sud du Liban pour visiter les contingents de leurs pays, déployés dans le cadre de la Force intérimaire des Nations unies (Finul). Mais le clou du programme reste une réunion prévue avec les chefs des deux camps (y compris le Hezbollah) ou leurs représentants, dans l'espoir de relancer un dialogue direct. Les préparatifs de cette rencontre, dont on ne connaît ni l'heure exacte ni l'endroit où elle aura lieu, sont entourés d'un grand secret pour des raisons de sécurité.

L'Europe pour le consensus

Dans une déclaration à la presse, la porte-parole du Quai d'Orsay, Pascale Andréani, a précisé mercredi que « par cette visite, les trois ministres entendent marquer leur engagement aux côtés du Liban et leur attachement à l'élection d'un président de large rassemblement dans les délais prévus par la Constitution et selon les règles constitutionnelles ». Cette phrase, rédigée dans un parfait langage diplomatique, adresse des messages aussi bien à la majorité qu'à l'opposition.

La nécessité d'élire un président « dans les délais » répond à la principale exigence de la majorité. Celle-ci veut absolument éviter le vide à la tête de l'Etat et menace d'élire un président à la majorité simple, sans le consentement de l'opposition, au cas où l'entente échouait. Par « règles constitutionnelles », le Quai d'Orsay fait allusion, indirectement, au quorum des deux tiers, la principale revendication de l'opposition. Cette dernière affirme qu'elle ne reconnaîtra pas un président qui n'est pas élu selon ce quorum qui n'a jamais été enfreint depuis la première Constitution, en 1920. A elle seule, la majorité n'est pas en mesure de rassembler les deux tiers des députés (86 sur 128). Enfin, par « large rassemblement », le ministère français entend un président de consensus. Ce que Pascale Andréani ne dit pas, Nicolas Sarkozy l'a répété à Saad Hariri, qu'il a reçu à l'Elysée, la semaine dernière. M. Sarkozy a affirmé que la France soutenait l'élection d'un président qui fait consensus entre les Libanais, avait précisé un communiqué de l'Elysée.

L'Europe appuie le consensus et l'entente et veut à tout prix éviter le chaos. Et ce sont les ministres des Affaires étrangères des trois principaux pays contributeurs à la Finul qui vont se charger de le transmettre.

Malgré le poids politique et moral de Paris, Rome et Madrid, la tâche des trois ministres ne sera pas facile, car ils avancent en terrain miné. Les autres acteurs influents sur la scène libanaise, les Etats-Unis, la Syrie et l'Iran, ont d'autres priorités. C'est pour tenter d'aplanir l'obstacle syrien que Bernard Kouchner est entré en contact téléphonique avec son homologue Walid Moallem. Les deux hommes pourraient se rencontrer, début novembre à Istanbul, en marge d'une réunion des pays voisins de l'Irak.

Avec l'Iran, les contacts se poursuivent pour essayer de convaincre le Hezbollah de faire preuve de plus de souplesse. Mais l'Europe a aussi un problème majeur avec son allié américain. Washington ne fait pas de l'entente interlibanaise sa première préoccupation. Pour lui, l'important est que le prochain président libanais s'engage à mettre en œuvre la résolution 1559, exigeant le désarmement du Hezbollah, même s'il fallait, pour cela, qu'il soit élu sans le consentement de l'opposition et imposé à la moitié des Libanais.