Article publié le 23/10/2007 Dernière mise à jour le 23/10/2007 à 18:36 TU
Après de longues années ponctuées de manque d’eau potable, les populations des quartiers périphériques de la capitale sénégalaise commencent à retrouver le sourire. Suite au financement d’un vaste programme d’adduction d’eau financé par les bailleurs de fonds, dont l’Agence française de développement à hauteur de 6,25 millions d’euros, le liquide précieux recommence à couler.
Le quartier de Yeumbeul, à 10 km du centre-ville de Dakar, n’est pas vraiment difficile d’accès, mais les embouteillages monstres sur une grande partie de l’autoroute font perdre beaucoup de temps à ses habitants. Ce mercredi matin, le quartier est très paisible. Il n’est pas facile de trouver une personne à qui adresser la parole ! Devant une maison, un garçon et deux fillettes jouent à la poupée. Leur maman dort dans le salon. Réveillée par son jeune garçon, Mme Sarr, née Florence Tending, se lève.
Elle explique qu’elle occupe la maison « depuis quatre mois seulement. Au début, nous n’avions pas d’eau, nous sommes restés un mois entier sans en avoir. Nous étions obligés d’aller en demander aux ouvriers qui construisent des maisons et qui se trouvent un peu plus loin. Mais ils leur arrivaient de refuser de nous en donner. Parfois aussi, ce sont les voisins qui nous donnaient de l’eau. Cela ne pouvait évidemment pas continuer ! Grâce à la Sones (Société nationale d'exploitation des eaux du Sénégal) et à la SDE (Sénégalaise des eaux), nous avons pu avoir une installation d’eau courante », lance-t-elle dans un large sourire.
Le robinet se trouve juste à un mètre de l’entrée de sa demeure. Florence Tending ne sait pas que c’est grâce aux financements des bailleurs de fonds, qui apportent un soutien financier à la mise en œuvre, par le gouvernement sénégalais, du projet sectoriel Eau à long terme, qu’elle a pu accéder à l’eau potable. Ce qui lui importe, c’est que « l’eau, même si elle n’est pas régulière à cause des coupures fréquentes, est au moins buvable. Elle n’a plus cette coloration rouge qui nous rebutait. »
Se réveiller toutes les nuits à quatre heures du matin pour remplir des bouteilles
Comme Yeumbeul, plusieurs quartiers de la banlieue de Dakar bénéficient, pour l’année 2006-2007, d’un programme d’adduction d’eau et de renouvellement de canalisation, financé à hauteur de 6,25 millions d’euros, par l’Agence française de développement (AFD) : ce sont Keur Massar, Malika, Guédiawaye, Thiaroye, Hann, Mermoz, Sacré-cœur, Grand-Yoff, Sicap, Parcelles-Assainies, Cambéréne, Mamelles. Démarrés en juillet 2006, les travaux doivent être bouclés en décembre 2007. Ce volet fait partie d’un programme plus large, d’un total de 158 milliards de francs CFA, financé par la Banque mondiale, la KFW, la BOAD, la Banque européenne d’investissement et la BAD, entre autres, et mis en œuvre par la Société nationale d’exploitation des eaux du Sénégal (Sones, public) et la Sénégalaise des eaux (SDE, privé).
A quelques mètres de la maison de Mme Sarr, celle des Diatta. L’eau ne coule pas aujourd’hui, du fait d’une coupure. Dans un élan de défi, Rose Diatta lance : « Nous étions sur le point d’aller faire une marche devant la Sones et la SDE, parce que nous sommes fatigués de cette situation de coupure d’eau. Nous sommes obligés de nous réveiller toutes les nuits à quatre heures du matin pour remplir nos fûts et nos bouteilles, afin d’avoir un peu de réserve. » Une situation qui s’est généralisée dans ce quartier.
Et quand les robinets des maisons ne coulent pas ? Elles se rabattent « sur les puits qui se trouvent derrière la cité ». Ce dont l’agent de la SDE, Pape Alassane Ngom, tente de les dissuader ; il explique à la dame que « la décharge de Mbeubeuss n’est pas très loin de la cité et que cette eau n’est pas bonne parce que la nappe est infectée ». Mme Diatta lui rétorque: « Nous mettons de l’eau de Javel dans l’eau puisée pour pouvoir la boire. Si vraiment vous ne voulez plus que nous en buvions, faites en sorte que l’eau potable soit disponible continuellement ! Malgré les coupures, les factures sont excessivement chères. » Moment que choisit Pape Alassane Ngom pour lui expliquer que « les coupures, c’est bientôt fini. C’est parce que vous vous situez dans une zone où la pression est faible. Grâce aux travaux de raccordement et de renouvellement des canalisations, bientôt tout cela ne sera plus qu’un mauvais souvenir. »
Des canalisations en plein milieu du salon
Cap sur Cambéréne. Là, le principal problème que rencontrent les travailleurs de la Sones et de la SDE, c’est l’étroitesse des ruelles, pleines de sable. Mais aussi les anciennes canalisations, qui se trouvent à l’intérieur des maisons – certaines même dans les salons ! Comme la zone n’a pas été lotie, beaucoup de familles se retrouvent avec des canalisations et des branchements d’eau potable un peu partout dans la concession. Ce qui non seulement n’est pas du tout conforme, mais leur fait aussi courir, en cas de cassure, des risques énormes.
C’est pour éviter ce genre de situation, explique l’ingénieur Ibou Diémé, de la Sones, que « l’AFD finance le renouvellement des installations désuètes ». Des ouvriers de la SDE sont effectivement en train de réaliser des branchements pour le renouvellement de la canalisation des maisons. Dans ce projet financé entièrement par l’AFD, les travaux devraient normalement coûter 41 000 francs CFA à chaque famille.
Mais tout est pris en charge, au grand bonheur de Mme Seynabou Diakhaté – qui refuse de se laisser photographier, parce que, dit-elle, « je sors d’une maladie et je n’ai pas encore retrouvé mes formes ». Elle loue le travail en train d’être accompli par les services de la SDE. La canalisation qui lui permet d’avoir de l’eau potable a été remise à neuf, sans bourse délier. « L’ancienne était trop vieille, l’eau était rougeâtre, on ne pouvait pas la boire sans avoir des maux de ventre. Mais maintenant, c’est du passé. Non seulement nous avons de la bonne eau, mais elle est claire et limpide. Et nous n’avons plus peur de la boire. Il faut saluer le travail qui est en train d’être fait par la Sones, la SDE et les bailleurs. Ce sont des structures qui se complètent et qui doivent s’épauler. »
M. Gravillini, directeur du bureau de Dakar de l’AFD, confirme : « Le partenariat public-privé donne de bons résultats. Ce qui est important pour nous, c’est de pouvoir travailler avec un partenaire crédible comme la Sones. Nous nous appuyons également sur les bureaux d’étude et de conseil qui vont contrôler l’exécution des programmes et des travaux sur le terrain. »
par Safiétou Kane