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Climat

Comment éviter une catastrophe annoncée

Article publié le 23/10/2007 Dernière mise à jour le 23/10/2007 à 19:38 TU

Malgré les divergences qui opposent aussi bien la communauté scientifique que les politiques tant au sein des pays riches qu’entre pays développés et en développement, les changements climatiques et le risque que fait peser le réchauffement de la planète sont au centre des préoccupations internationales. Tous reconnaissent qu’il faut passer des paroles à l’action. En ligne de mire, la conférence de Bali, en Indonésie, prévue du 3 au 14 décembre 2007, qui doit préparer l’après-Kyoto.

Entré en vigueur en 2005, après des discussions laborieuses, le protocole de Kyoto réglemente les émissions de gaz à effet de serre, tenues pour principales responsables de la détérioration du climat. Il expire en 2012. Le Secrétaire général des Nations unies, le Sud-Coréen Ban Ki-moon, a appelé à la conclusion, au sein de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), d’un accord qui puisse traiter de la question sur tous les fronts, « notamment les technologies propres, la déforestation et la mobilisation des ressources ».

Centrale de production d'électricité, à partir de gaz méthane, en Afrique du sud.(Photo : Valérie Hirsch)
Centrale de production d'électricité, à partir de gaz méthane, en Afrique du sud.
(Photo : Valérie Hirsch)

La Convention-cadre a été adoptée au Sommet de la Terre, à Rio, en 1992. Les Etats les plus riches y avaient pris l’engagement de stabiliser leurs émissions. Mais c’est le Protocole de Kyoto, adopté en 1997, qui devait traduire cette volonté en engagements quantifiés juridiquement contraignants.

Le secrétaire général, qui a organisé le 24 septembre 2007, au siège de l’Onu à New York, un sommet spécial sur les changements climatiques, reconnaît qu’il faut agir vite : « Tous les pays doivent faire ce qu’ils peuvent pour parvenir à un accord d’ici à 2009, afin que ce dernier entre en vigueur au moment où les engagements du Protocole de Kyoto expireront. »

A New York, le président français Nicolas Sarkozy a appelé les Nations unies à conclure un « New Deal écologique et économique », soulignant que la France faisait de la lutte contre les changements climatiques une « priorité absolue ». « Nous voulons des décisions tout de suite, maintenant, immédiatement, parce que demain il sera trop tard. Et ce trop tard, c'est deux degrés Celsius de plus, après quoi nous aurons atteint le point de non-retour », a-t-il ajouté. La France a proposé d'accueillir, après la Conférence de Bali, une nouvelle réunion ministérielle des pays avancés.

Les Etats-Unis émettent 30 à 35 % du total des gaz à effet de serre d’origine humaine

Parallèlement, le président américain George Bush, qui a refusé de ratifier le protocole de Kyoto en raison de son hostilité à tout quota fixé sur un plan multilatéral, et n’a pas participé au sommet de l’Onu, a convoqué à Washington une réunion sur le même thème. Il a invité pour deux jours les 16 pays les plus riches – qui sont aussi les plus grands pollueurs de la planète, en commençant par les Etats-Unis –, à étudier la question. Mais il n’a pas cédé sur le problème de quotas. Il continue en fait à miser sur les démarches volontaires de chaque pays et sur le développement du nucléaire et de nouvelles technologies propres. Il a proposé la création d’un fonds destiné à aider les pays en développement à les acquérir, ainsi que la tenue d’une réunion de chefs d’Etats d’ici à la mi-2008 pour finaliser un objectif mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Les Etats-Unis, qui à eux seuls émettent 30 à 35 % du total des gaz à effet de serre d’origine humaine, avaient rejeté en 2001 le protocole de Kyoto qui imposait des limites contraignantes d’émissions de ces gaz, contestant à l’époque les prédictions alarmistes sur le changement climatique. L’Union européenne, le Canada et le Japon se sont, de leur côté, déclarés en faveur d’une réduction allant jusqu’à 50 % des émissions d’ici à 2050, réclamant toutefois le partage du fardeau par les principaux pollueurs. Pour les partisans de Kyoto, la réduction des émissions de gaz à effet de serre passe par la fixation d’un prix durable et reconnu mondialement des émissions de carbone afin de pénaliser la pollution et d’inciter le secteur privé à investir dans des technologies propres.

Améliorer les rendements énergétiques dans les pays en développement

Préoccupés surtout par les questions de développement, les pays pauvres – qui ne s’estiment pas responsables de la pollution –, réclament de leur côté que la lutte repose en premier lieu sur les épaules des pays riches, qui ont profité des émissions de carbone, et demandent une assistance spécifique. Ban Ki-moon reconnaît d’ailleurs le bien-fondé de cette demande : « En tant que question politique, les changements climatiques sont maintenant étroitement liés au développement économique. La Banque mondiale et le Programme des Nations unies pour le développement vont commencer à explorer les moyens de financer des programmes contre la pollution et pour améliorer les rendements énergétiques dans les pays en développement. » Il a estimé que « les pays riches doivent offrir des incitations aux plus pauvres afin de prendre des mesures qui profitent à tous ».

Les pays en transition ont de leur côté une position plus nuancée, tout en favorisant leurs propres intérêts. Ainsi, la Chine, après un bond économique extraordinaire qui a favorisé la pollution, commence à prendre des mesures pour l’avenir, avec pour objectif immédiat la réussite de ses Jeux olympiques en 2008. Quant au Brésil, le plus grand producteur de biocarburants de la planète avant même les Etats-Unis, il voudrait étendre cette industrie à l’ensemble des pays pauvres malgré les voix qui s’élèvent contre les risques qu’ils peuvent présenter à long terme. L’OCDE a ainsi rejoint la FAO et de nombreux experts qui mettent en garde contre l’utilisation massive des agrocarburants au détriment des cultures vivrières sans pour autant diminuer la pollution.

Les îles et les villes côtières de toute la planète menacées

Ban Ki-moon a dressé un tableau apocalyptique de ce qui risque de se passer si des mesures concrètes ne sont pas prises pour diminuer l’effet de serre. L’Arctique est en train de se réchauffer deux fois plus vite que la moyenne à l’échelle mondiale. La fonte qui en résulte menace les populations et les écosystèmes de la région, mais aussi les îles et les villes côtières de toute la planète. En outre, à mesure que les glaciers disparaissent, les réserves en eau douce sont en péril. Et pour un tiers de la population mondiale qui vit dans des régions sèches, notamment en Afrique, la modification des schémas climatiques menace d’exacerber la désertification, la sécheresse et l’insécurité alimentaire.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui doit présenter en novembre 2007 à Valence, en Espagne, son quatrième rapport d’évaluation, a indiqué cette année que le réchauffement de la planète, imputé aux activités humaines, avait connu une augmentation de 0,74 degré Celsius au cours du siècle dernier, et qu’il pourrait augmenter encore de 3 degrés au cours du XXIe siècle si aucune mesure n’est entreprise. Selon les responsables du GIEC, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 70 % entre 1970 et 2004. Le GIEC et l’ancien vice-président démocrate américain Al Gore, devenu le champion de la protection de la planète, ont vu leurs efforts encouragés par le prix Nobel de la Paix 2007. Ce qui donnera une impulsion nouvelle à une bataille dont l’urgence se précise chaque jour.

Changer les comportements, une tâche difficile

Seule note rassurante : la diminution du trou de la couche d’ozone. Réunis au Canada pour le vingtième anniversaire du Protocole de Montréal, les Etats parties sont allés plus loin en décidant le gel de la production (d’ici 2013) puis l’élimination définitive (d’ici dix ans) des hydrochlorofluorocarbones (HCFC), substances chimiques qui contribuent en fait aussi au réchauffement climatique. Les HCFC avaient été adoptés à titre temporaire dans les années quatre-vingt-dix pour remplacer les chlorofluorocarbures (CFC), destructeurs de l’ozone stratosphérique.

Les pays en développement ont accepté, quant à eux, de réduire leur production et leur consommation d’ici 2030. Mais une flexibilité limitée leur a été accordée jusqu’en 2040. Par ailleurs, la décision s’accompagne d’un accord des 191 Etats parties au Protocole de Montréal pour réalimenter, en 2008, le Fonds multilatéral qui a déjà fourni plus de 2 milliards de dollars pour aider les réductions dans les pays en développement.

« Il est plus facile de remplacer un produit par un autre à propos de la couche d’ozone que de s’attaquer aux changements climatiques, qui impliquent non seulement des technologies propres et des mesures ponctuelles, mais aussi des changements de comportement des sociétés, qui sont beaucoup plus complexes », souligne Paul Colombier, de l’Institut du développement durable et des relations internationales, basé à Paris. Il se félicite du fait que la querelle entre l’Europe et les Etats-Unis, c’est-à-dire entre le « tout politique » et le « tout technologique » soit dépassée. « Tous sont d’accord qu’il faut les deux », précise-t-il. Mais il met en garde contre l’attente de résultats immédiats ou à court terme : « Il s’agit d’une tâche de longue haleine pour les générations futures. ».

par Marie Joannidis