Article publié le 23/10/2007 Dernière mise à jour le 23/10/2007 à 21:00 TU
Généralement, les Africains tentent la traversée par les Canaries (ici en août 2006). Cette fois, ils ont cherché à rejoindre le Yémen par le golfe d'Aden.
(Photo : AFP)
Au moins 28 personnes en provenance de la côte somalienne ont péri dans le golfe d’Aden ce week-end. 38 sont toujours portées disparues. Ils sont de plus en plus nombreux, principalement Somaliens et Ethiopiens, à fuir les combats de la Corne de l’Afrique pour tenter la périlleuse traversée vers le Yémen. Ce pays reste le seul de la région à avoir signé la Convention de Genève et à accorder le statut de réfugié. Ils étaient 26 000 en 2006, plus de 20 000 depuis le début de l’année. Au moins 165 ont déjà trouvé la mort au cours des deux derniers mois. Les passeurs, pour éviter les tirs des gardes côtes yéménites, n’hésitent pas à jeter à la mer ces « naufragés ». Beaucoup y perdent la vie.
Ils étaient 244 candidats à l’émigration, le week-end dernier, entassés sur deux embarcations fragiles. 244 à avoir tenté la traversée en direction du Yémen, à partir de Bossasso, dans le nord-est de la Somalie. Un voyage périlleux, long de 300 kilomètres. 244, principalement Somaliens et Ethiopiens, prêts à risquer leur vie pour fuir les combats et la misère qui sévissent dans la Corne de l’Afrique.
Le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) a confirmé la disparition d’au moins 66 d’entre eux dans le golfe d’Aden : 28 sont morts noyés, 38 sont toujours portés disparus, avec de faibles chances de survie.
Ils ont été jetés à la mer à l’approche des côtes yéménites par ces trafiquants d’hommes qui, pour 50 ou 100 dollars, n’hésitent plus à multiplier les rotations maritimes pour augmenter leurs bénéfices.
Ces passeurs déversent sur les côtes yéménites de l’océan Indien des dizaines de milliers de personnes, qui sont autant de candidats à l’exil. Beaucoup tenteront leurs chances vers les riches Etats de la Péninsule arabique, aux devantures dorées. D’autres obtiendront le statut de réfugié, ici, au Yémen. Le seul pays de la région à avoir signé la Convention de Genève de 1951 et à accorder ce statut qui garantit un minimum de protection. Beaucoup débuteront une vie de clandestin, à vivre de menus services dans les grandes villes du pays : Aden, Taez, Sanaa...
Des rotations en augmentation
Après avoir subi les violences de passeurs dominateurs, les migrants essuient les tirs des garde-côtes yéménites. Les autorités, bien qu’accueillantes envers ces communautés, veulent stopper, ou au moins ralentir, des flux en constante progression. Le Yémen a des affinités profondes avec les Somaliens. Le pays n’en reste pas moins un des plus pauvres du monde.
Le trafic humain a sa saison : de septembre à mars, lorsque les conditions de navigation sont les moins périlleuses dans le redoutable golfe d’Aden.
Ils étaient 26 000 à avoir tenté la traversée en 2006. Ils sont déjà plus de 20 000 depuis le début de l’année ; 439 sont morts ; 489 sont portés disparus ; 10 000 ont décidé de prendre la mer, malgré tout, depuis le début du seul mois de septembre. 165 y ont péri en l’espace de deux mois. Le chiffre des rotations est en nette augmentation par rapport à la même période en 2006, de près de 70%. Le nombre des victimes aussi. Ces données illustrent la voracité de certains à rentabiliser au mieux les espaces étroits des embarcations. Elles témoignent aussi d’une envie de plus en plus grande, pour beaucoup, de s’éloigner de zones en crises perpétuelles.
Face à l’arrivée massive de nouveaux arrivants, le HCR, qui ne dispose que d’un seul camp de réfugiés, à Kharaz, à 165 kilomètres au sud-ouest d’Aden, a pris de nouvelles mesures.
Le directeur de l’antenne d’Aden du HCR nous confirmait l’ouverture prochaine d’un deuxième centre de réception, en plus de celui de Mayfa, proche de Bir Ali sur la côte. Il s’agit bien de répondre plus efficacement à la multiplication des points de débarquement utilisés par les passeurs. Les côtes yéménites sont longues de quelques 2 400 kilomètres. Les réfugiés échouent de Mukkala à Mokha.
Le HCR et les ONG multiplient aussi les actions de prévention destinées à mettre en garde les futurs clandestins: films ou brochures sont distribués en Somalie, pour dénoncer le visage plein de promesses du passeur. Sans succès.
Nous avions récemment rencontré les responsables de la communauté somalienne dans le sud du Yémen, à Basateen, un quartier d’Aden. Ils nous disaient toute leur appréhension face à la détérioration de la situation politique et économique dans la corne de l’Afrique. Une détérioration synonyme de départs. Des départs synonymes de victimes. Ils dénonçaient aussi le silence qui entoure cette question, et lançaient un seul appel : « Parlez de nous ».
9 000 Somaliens sont officiellement immatriculés comme réfugiés au Yémen. Mais ils seraient au total entre 700 et 900 000, à essayer d’organiser une existence proche de la misère. Et à fixer avec résignation la simple idée d’un retour. Improbable.