par Myriam Berber
Article publié le 25/10/2007 Dernière mise à jour le 25/10/2007 à 17:53 TU
Après les explications aux petits porteurs lors de l’Assemblée générale extraordinaire d’EADS à Amsterdam, Arnaud Lagardère a détaillé devant les députés la vente, en avril 2006, de la moitié de sa participation à EADS. Une vente qui est survenue juste avant l’annonce de graves difficultés du groupe franco-allemand. Ces annonces ont fait plonger de près de 27% le titre en Bourse à l’été 2006. La Caisse des dépôts s’est porté acquéreur de 2,25% du capital d'EADS. Un investissement qui s’est révélé catastrophique, puisque l’institution financière, chargée entre autres du logement social, bras financier de l’Etat, a déboursé 600 millions d’euros pour cet achat et qu’elle en a perdu entre 125 et 200 millions d’euros.
« L’entreprise Lagardère n’a pas trahi les salariés d’Airbus. Il n’y a pas eu délit d'initié. Je n’ai pas de stock options sur mon nom propre », a assené catégoriquement Arnaud Lagardère devant les députés. Deux procédures sont actuellement en cours : l’une menée par la justice suite à une plainte des petits actionnaires, l’autre, sur des mouvements suspects de marchés par l’Autorité des marchés financiers. Cette dernière, en partie révélée par le journal Le Figaro, porte à la fois sur les conditions dans lesquelles certains dirigeants d’EADS et de sa filiale Airbus ont exercé leurs stock-options en novembre 2005 et en mars 2006. Ils sont suspectés d’avoir eu connaissance des retards du programme de l’A380. Directement incriminés, les actionnaires français Lagardère et allemand Daimler-Chrysler qui ont vendu chacun 7,5% du capital d’EADS, en avril 2006, au plus haut, pour 2 milliards d’euros chacun.
Sur cette question des retards, Arnaud Lagardère, devant les députés a tenu à souligner qu’« il n’avait pas eu d’informations particulières jusqu’en juin 2006. Les dirigeants d’Airbus répétant jusqu’à cette date que le retard pouvait être rattrapé ».
L’industriel assure avoir agi «en patriote »
L’audition du président du groupe Lagardère a cependant permis de clarifier les relations entre l’Etat actionnaire et la Sogeade, la holding qui rassemble les intérêts de l’Etat et ceux de Lagardère. Arnaud Lagardère a ainsi martelé : « Ce que je savais, ce que je sais, l’Etat le savait, l’Etat le sait. Je ne veux pas laisser la moindre ambigüité sur ce point là ». Des propos qui contredisent la version de l’ancien ministre des Finances Thierry Breton auditionné par la commission des finances du Sénat puisque ce dernier avait affirmé avoir pris connaissance de la vente des titres de Lagardère par la presse.
Concernant cette vente, Arnaud Lagardère a également assuré avoir agi «en patriote » dans la cession de la moitié de sa participation de son groupe dans EADS, précisant « avoir tenu l'Etat au courant de son intention de la céder à des investisseurs institutionnels français, notamment la Caisse des Dépôts ». Selon lui, ce choix de la CDC a été accompagné de recommandations transmises à Matignon. Dans ces notes, le groupe Lagardère estimait normal que les repreneurs de ses parts puissent être une institution comme la Caisse des dépôts. Lagardère nie tout délit d'initié. Il a expliqué devant les députés qu'une note avait été remise en janvier 2006 à Matignon avertissant que la CDC pourrait racheter 2,25% du capital. Il a également affirmé que ses services avaient eu « cinq ou six réunions voire plus » avec ceux du Premier ministre Dominique de Villepin et de Bercy, entre fin 2005 et mars 2006, pour les informer de la transaction. Dominique de Villepin qui affirme n’avoir pas traité le dossier devrait entendu mardi 30 octobre par les parlementaires.
L’Etat a «un droit de veto» à la Sogeade
Arnaud Lagardère, lors de son audition, en a profité pour rectifier les récents propos de la ministre française de l'Economie Christine Lagarde : l'Etat a «un droit de veto» à la Sogeade. Au passage, il a rendu hommage au gouvernement du Premier ministre socialiste Lionel Jospin et à son ministre de l’Economie et des Finances, Dominique Strauss-Khan, et aussi au communiste Jean-Claude Gayssot, à l’époque aux Transports, qui ont négocié en 1999 avec les Allemands le pacte d'actionnaires qui a permis à EADS de voir le jour. Sur ce point, Dominique Strauss-Khan sera entendu vendredi 25 octobre par la même commission des finances. L’accord qui créée EADS oblige chacune des parties, français et allemands, à détenir à parité égale le capital d’EADS.
Un groupe européen dont Arnaud Lagardère a d’ailleurs vanté les succès commerciaux et dont il souhaite rester actionnaire. Lors de l’Assemblée générale extraordinaire qui s’est tenu lundi 22 octobre à Amsterdam aux Pays-Bas, il avait déjà annoncé qu’il ne vendrait pas de titres EADS au cours des cinq prochaines années. Actuellement, le groupe français détient 12,5% du capital, qu’il va réduire progressivement à 7,5% en 2009.
Vendredi 26 Octobre 2007
Dominique Strauss-Kahn, ancien ministre de l'Economie, au moment de la création d'EADS, a été entendu vendredi 26 octobre par la Commission des finances de l'Assemblée nationale. Il a apporté ses lumières sur les modalités du pacte d'actionnaires et confirmé les propos tenus jeudi 25 octobre par Arnaud Lagardère.
«Si l’on pense que l’Etat doit être présent dans un certain nombre d’entreprises, il faut qu’il se comporte comme un véritable actionnaire, qu’il travaille les dossiers, qu’il s’informe. »
Pour le député PS et membre de la Commission des finances, Jérôme Cahuzac, les informations apportées par Dominique Strauss-Kahn durant son audition remettent en cause certains témoignages précédents.
«Les propos de Thierry Breton ont déjà été démentis par les différentes auditions… il est rare que l’on mente par inadvertance, j’ignore ce qu’il a à cacher mais il faudrait le savoir.»