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Biodiversité

Kenya : Changer la vie des habitants tout en préservant la faune et la flore

par Wanjohi Kabukuru

Article publié le 30/10/2007 Dernière mise à jour le 30/10/2007 à 17:43 TU

De nouvelles routes en construction dans le Parc national de Meru(Photo : Wanjohi Kabukuru)

De nouvelles routes en construction dans le Parc national de Meru
(Photo : Wanjohi Kabukuru)

C'était le pays des hors-la-loi. Dans ce parc national du nord-est du Kenya, entre 1980 et 1990, braconniers et bandits régnaient en maîtres : 90 % des éléphants ont été décimés. Les rhinos, eux, ont eu moins de chance : ils ont été complètement anéantis. Les infrastructures de la région ont été dévastées. Aujourd’hui, ce n'est plus le cas, grâce à un ambitieux programme d'aide de l’Agence française de développement (AFD).

Bienvenue à la Meru Conservation Area (MCA) ! Cette zone de 5 278 km² réunit le Parc national de Meru et quatre autres réserves au nord du mont Kenya, le deuxième sommet d'Afrique après le Kilimandjaro. Ici, après une période sombre, d'anciens paysans bénéficient désormais d'une indépendance économique certaine ; les habitants de la MCA sortent du piège de la pauvreté et se découvrent une existence pleine de promesses grâce aux efforts de protection de l’environnement. « Pour transformer cette région, nous avons dû chercher le soutien et le consentement de toutes les communautés concernées, explique Robert Njue, gardien en chef du Parc national de Meru. La tâche n'était pas facile, mais cela constitue la base du succès de la MCA. »

L'entrée du Parc national de Meru(Photo : Wanjohi Kabukuru)
L'entrée du Parc national de Meru
(Photo : Wanjohi Kabukuru)

Cette région, à 450 km de la capitale, Nairobi, est considérée par les écologistes comme « complètement sauvage » en raison d'une flore et d'une faune généreuses. La MCA est désormais redevenue un sanctuaire pour les éléphants, les oryx, les lions, les léopards, les chiens sauvages et les zèbres, ainsi que pour des douzaines d'espèces d'oiseaux. Quelque 14 rivières permanentes traversent la région, créant des marécages et des zones humides qui contribuent à la richesse de la flore et de la faune.

Projets d'apiculture, d’horticulture, d’aquaculture et de reboisement… 

Soixante et une communes implantées au sein de la MCA recueillent maintenant les fruits de l’aide au développement. A côté des structures de santé humaine et animale, de multiples initiatives ont contribué à améliorer leur mode de vie. La liste en est longue : des projets d'irrigation, ou d'apiculture pour la production commerciale de miel ; la conservation agro-forestière ; des projets d’horticulture, d’aquaculture et de reboisement ; des projets d'éco-tourisme ; des actions pour promouvoir les connaissances en matière de sida, de droits de l'homme et de l'enfant…

« Notre projet a jusqu'à présent été une réussite, estime Patrick Gitonga,  parce que, bien avant son commencement, nous avons formé tous les responsables de communautés en micro-management et même en surveillance et évaluation de projets. » Patrick Gitonga préside un groupe d’autogestion, le Kathithini Mwangaza Self Help Group d'Igembe, une localité juste à la lisière du Parc national, qui rassemble plus de 100 membres très actifs. Le mot mwangaza, qui veut dire "lumière" en swahili, a été ajouté après coup. Pourquoi ? « Au début, explique Gitonga, nous étions dans l'obscurité, mais avec la venue de l'AFD, non seulement nous avons eu de nouvelles idées sur la gestion de notre projet, mais nos vies se sont améliorées. Nous avons de meilleures connaissances sur notre environnement, sur l’usage des plantes et les semences que nous produisons sur place, et sur la façon de les commercialiser. » Outre les activités agro forestières, le groupe est engagé dans l'aquaculture, produisant des poissons dans la rivière Bwathorongi.  

Les communautés de base décident elles-mêmes des projets à mettre en œuvre(Photo : Wanjohi Kabukuru)
Les communautés de base décident elles-mêmes des projets à mettre en œuvre
(Photo : Wanjohi Kabukuru)

Plus de 50 communautés touchées

Kathithini n'est pas la seule organisation dont les membres constatent une amélioration de leur mode de vie. Plus de 50 communautés bénéficient directement du projet de développement de la MCA. « L'eau potable, c’était vraiment un rêve !, raconte avec un sourire radieux un habitant de Baibariu. Il fallait marcher très loin pour chercher de l'eau à boire pour la maison. Ce n'est plus nécessaire. Désormais, il y a de l’eau propre à notre porte grâce au partenariat entre Kenya Wildlife Service (KWS) – et l'AFD. » C’est à Baibariu qu’est situé le projet de distribution d'eau de Kabukuro, qui fournit de l'eau à quelque 5000 résidents et est l’un des principaux bénéficiaires de l'aide déboursée par l'AFD.

Tout a commencé en 2000, lorsque l'AFD décide de lancer un important programme d'aide au développement de la Meru Conservation Area, en coopération avec le KWS, la principale agence de protection de l’environnement du Kenya. Le programme envisage une refonte complète des infrastructures du Parc national de Meru : il s'agit notamment de la modernisation de ses trois terrains d'atterrissage et de ses principales routes, de l'identification de sites pour des centres touristiques, de la rénovation des quartiers des employés mais aussi de la restauration de la biodiversité et de l’amélioration des relations avec les communautés voisines. Côté méthode, l’accent est mis sur le rôle que les communautés de base doivent jouer dans le choix et la conduite des initiatives développées à leur profit.

« Nous pouvons gérer nos projets sans interférence extérieure »

Le projet prévoit une remise en état des infrastructures du parc national, comme les habitations des employés.(Photo : Wanjohi Kabukuru)
Le projet prévoit une remise en état des infrastructures du parc national, comme les habitations des employés.
(Photo : Wanjohi Kabukuru)

« L'aide de l'AFD nous a apporté une grande bouffée d’air frais, commente Hawa Ibrahim, de la CBO de Bangale, car désormais nous ne dépendons que de nous-mêmes, nous pouvons gérer nos projets sans interférence extérieure, sans mendier ni déranger quelqu'un, encore moins le gouvernement. » La CBO de Bangale, dans le district de la rivière Tana, gère le Bangale Wildlife Sanctuary, qui est à la fois un "orphelinat" pour animaux, un projet agro forestier et une initiative de conservation d'eau. Dans la chaleur torride du district de Garissa, Hussein Hassan du Jara Jara Wildlife Forum est également fier de ce que son groupe a pu réaliser avec l'aide de l'AFD : « Dans le passé, seuls les plus riches pouvaient s'offrir les services d'un vétérinaire et les médicament essentiels pour leurs animaux. A présent, nous avons notre propre clinique vétérinaire, dotée de tous les médicaments nécessaires aux soins de notre bétail. »

Au soutien de l’AFD, d’un montant de 8,2 millions, s’ajoute celui du Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) qui s’élève à 1,86 million d’euros. D’après Kenn Esau, le coordinateur du projet de la MCA, l’engagement du gouvernement français et du KWS a permis d’améliorer les conditions de vie de plus de 350 000 personnes. Les participants ont « fait des miracles en très peu de temps », dit-il, en ajoutant qu’en cherchant à préserver la biodiversité on permet à près d'un demi-million de gens dans la MCA et aux alentours « de connaître le progrès, là où dans le passé il était absent ».