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Biodiversité

L’homme, principal prédateur de la diversité biologique

par Marie Joannidis

Article publié le 30/10/2007 Dernière mise à jour le 30/10/2007 à 17:47 TU

(Photo : AFP)

(Photo : AFP)

La lutte pour la préservation de la biodiversité, c’est-à-dire de tout ce qui est vivant sur terre, en mer ou dans l’atmosphère, essentiel pour l’avenir de la planète et de l’homme dans le cadre d’un développement durable, reste un combat de longue haleine, tributaire des activités humaines mais aussi des aléas climatiques.

En septembre 2007, l’Union mondiale pour la nature (UICN), qui regroupe des représentants des Etats, d’organismes publics, d’ONG et des scientifiques, a poussé un nouveau cri d’alarme concernant les menaces qui pèsent sur les animaux et les plantes de la planète. Sur la liste rouge qu’elle met à jour régulièrement, elle a répertorié 41 415 espèces dont 16 306 sont menacées d’extinction (contre 16 118 l’an dernier). Le nombre total d’espèces éteintes a atteint le chiffre de 785, et 65 autres n’existent plus qu’en captivité ou en culture. Un mammifère sur quatre, un oiseau sur huit, un tiers de tous les amphibiens et 70 % de toutes les plantes inscrites sur cette liste rouge sont en péril. La plupart des oiseaux, mammifères et amphibiens menacés se trouvent dans les régions tropicales continentales – là où l'on trouve des forêts qui abriteraient la majorité des espèces terrestres et d'eau douce de la planète.  

Considérée comme le plus vaste réseau de connaissances sur l’environnement dans le monde, l’UICN souligne que les efforts déployés à ce jour pour protéger les espèces sont insuffisants. « Le rythme de l’érosion de la biodiversité s’accélère : nous devons agir sans plus attendre pour le réduire de manière significative et pour mettre un terme à cette crise mondiale de l’extinction. Nous pouvons le faire, mais uniquement dans le cadre d’un effort concerté à tous les niveaux de la société », soulignent ses responsables. Le nombre total d’espèces vivant sur la planète est inconnu : les estimations varient entre 10 et 100 millions, 15 millions étant le chiffre le plus généralement accepté. On ne connaît aujourd’hui que 1,7 à 1,8 million d’espèces qui vont du monde animal et végétal jusqu’aux microbes et aux virus.

Pression démographique, déforestation, chasse, conflits…

L’homme est considéré par les experts comme le principal prédateur à travers la destruction et la dégradation de l’habitat naturel dues à l’extension de l’agriculture, la pression démographique, la déforestation, la chasse excessive, la pollution et les maladies mais aussi aux conflits qui favorisent tous les trafics. Autre menace sur la biodiversité, les changements climatiques, objets d’une mobilisation internationale toujours à la recherche de consensus.

Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) met l’accent sur l’importance pour les sociétés humaines de la diversité biologique, que le scientifique américain Edward O. Wilson, considéré comme l’inventeur du terme biodiversité, a défini comme « la totalité de toutes les variations de tout le vivant ». L’organisation estime que 40 % de l’économie mondiale repose sur des produits et des processus biologiques et rappelle que « les pauvres, en particulier ceux qui vivent dans des zones à faible productivité agricole, dépendent lourdement de la diversité génétique de leur environnement ». Pour le PNUE, un usage efficace de la diversité biologique – gènes, espèces et écosystèmes – est une condition préalable à tout développement durable alors que, partout dans le monde, les activités humaines sont la cause de la disparition progressive d’espèces de plantes et d’animaux, bien plus vite que ne le ferait leur rythme d’extinction naturel. Ainsi, même si les estimations varient fortement, le taux d’extinction actuel est au moins 100 à 1000 fois supérieur au taux naturel.

Réduire le rythme d’appauvrissement de la diversité biologique

La protection de la biodiversité est devenue une cause mondiale en 1992, à l’occasion du sommet de la Terre à Rio de Janeiro au Brésil. Les Etats participants, du Nord comme du Sud, à l’exception notable des Etats-Unis, y ont adopté le premier accord global couvrant la diversité biologique sous toutes ses formes. Le principal objectif de la Convention sur la diversité biologique (CDB) est ainsi la préservation durable de la biodiversité ainsi que l’accès et le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques, notamment à des fins commerciales. Le mouvement a connu une nouvelle impulsion au Sommet mondial du développement durable de Johannesburg, en 2002, qui a décidé de réduire le rythme d’appauvrissement de la diversité biologique à l’échelle planétaire d’ici 2010.

De nombreuses réunions ainsi que des conventions et des traités se penchent sur la protection de la biodiversité comme par exemple la Convention de Washington sur le commerce international des espèces menacées (CITES), qui a récemment prolongé le moratoire sur les ventes d’ivoire dont la contrebande a décimé les éléphants d’Afrique. Le protocole de Cartagena, adopté début 2000, porte quant à lui sur la prévention des risques biotechnologiques notamment lors du transfert, de la manipulation et de l’utilisation des OGM (appelés dans ce texte "organismes vivants modifiés" OVM). Des mesures concrètes ont également été prises pour accroître les aires protégées terrestres et marines (réserves naturelles, zones sauvages, parcs naturels, etc.) mais le rythme est encore trop lent.

Manque de volonté politique

Le tourisme s’est aussi mis de la partie. L’Organisation mondiale du tourisme (OMT) a adopté en 1999 un Code mondial d’éthique du tourisme, qui vise à réduire autant que possible les effets négatifs du tourisme sur l’environnement et le patrimoine culturel, tout en favorisant le développement durable à travers les nouvelles ressources qu’il peut générer. De vifs débats se poursuivent toutefois sur d’autres sujets comme l’impact des biocarburants, la menace sur les animaux d’élevage et les plantes cultivées et sur la bioéthique qui concerne notamment les OGM et la notion de "brevetabilité du vivant", ou "brevets du vivant".

Raphaël Billé, de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) souligne que la coordination internationale et nationale est une priorité en matière de préservation de la biodiversité. Les conflits, la déforestation et la surexploitation sont parmi les principaux facteurs de destruction des forêts tropicales que ce soit en Afrique, en Amérique latine ou en Asie du Sud-Est, estime-t-il, préconisant une certification du bois pour avoir une meilleure traçabilité. La pêche reste également un secteur difficile à contrôler en raison de la multitude des ports et du manque de volonté politique de réglementer le secteur afin de préserver les ressources de la mer. Cet expert souligne que la menace qui pèse sur les espèces cultivées (blé, coton) et les animaux d’élevage est une des conséquences de la mondialisation des marchés : celle-ci a réduit le nombre d’espèces, les rendant plus vulnérables aux maladies et à la sécheresse par exemple. Pour lui, il faut aussi développer les aires protégées en choisissant les bons écosystèmes à préserver mais aussi en créant des corridors biologiques entre ces aires pour qu’il y ait migration et interconnexion.

Sauvegarde des forêts tropicales du Bassin du Congo

D’après l’UICN, la France se situe parmi les 10 pays – Equateur, Etats-Unis, Malaisie, Indonésie, Mexique, Chine, Brésil, Australie et Colombie – hébergeant le plus grand nombre d’espèces animales et végétales menacées au niveau mondial, en raison notamment de ses collectivités d’outre-mer, qui abritent une très forte biodiversité.
La France a toutefois multiplié ces dernières années les mesures de préservation et affirme vouloir rattraper son retard par rapport à d’autres partenaires européens. Elle participe en outre, à travers l’Agence française de développement, principal canal de l’aide publique, à des programmes de conservation de la biodiversité, notamment en Afrique. Un de ses projets phares est la sauvegarde des forêts tropicales du Bassin du Congo qui, avec 220 millions d’hectares, constituent le deuxième massif forestier du monde après l’Amazonie, véritables poumons de la planète.