par Stéphane Lagarde
Article publié le 31/10/2007 Dernière mise à jour le 31/10/2007 à 20:48 TU
Les moines bouddhistes dans les rues de Rangoon lors de la manifestation du 18 septembre.
(Photo : Reuters)
Les robes safran et les prières sont de retour à Pakkoku. 200 moines ont défilé pacifiquement, ce mercredi, dans les rues poussiéreuses de cette petite ville située à 500 kilomètres au nord de Rangoon. Un évènement qui n’a évidemment pas manqué d’alerter les généraux au pouvoir en Birmanie. Et pour cause : ce haut-lieu du bouddhisme birman est aussi le point de départ des manifestations dont les images ont fait le tour du monde le mois dernier. Pakkoku ville rebelle. Ce mercredi, ils étaient 200 à marcher en prière sans qu’aucun slogan hostile au pouvoir ne soit proféré, assurent les quelques habitants qui ont pu raconter la scène. Il s’agit pourtant de manière très claire, toujours selon ces mêmes témoins, d’un nouveau geste de défiance vis-à-vis de la junte.
Moulin à prière contre propagande militaire
Tout le monde en Birmanie a en effet en mémoire la dernière manifestation à Pakkoku. Le 5 septembre, dans une même attitude de défi, 500 moines descendent dans les rues de la ville. Ils protestent contre l’envolée des prix dont souffre la population. Les soldats interviennent. Ils tirent en l’air tandis que les miliciens pro-régime donnent du bâton. Plusieurs manifestants se retrouvent attachés à des réverbères, défroqués, puis frappés avec des verges en bambou. La scène est largement médiatisée à l’intérieur du pays comme à l’étranger. Ces mauvais traitements infligés à des religieux vont provoquer la colère des monastères et plus largement l’indignation d’une population très pratiquante. En retour, les moines retiennent les représentants des autorités locales en otage et incendient leurs véhicules. Les chants et les prières de Pakkoku retentissent alors jusqu’à Rangoon avec des manifestations qui seront sévèrement réprimées par l’armée fin septembre, faisant au moins 13 morts et des milliers d’arrestations dans tout le pays.
Après un mois de silence, les moines sont ressortis de leurs monastères. Une petite partie d’entre eux tout au moins. Pakkoku est le principal foyer d’enseignement du bouddhisme en Birmanie derrière Mandalay, la seconde ville du pays. Près de 10 000 bonzes résident le long des berges du fleuve Irrawaddy et notamment dans le centre de Kyaungdawgyi où le célèbre monastère voisin des 254 piliers très apprécié par les touristes. Cette marche se veut donc avant tout symbolique. Elle fait suite à la manifestation pro-junte organisée un peu plus tôt dans la matinée, qui a réuni près de 100 000 militants triés sur le volet et transportés en bus depuis les environs. Moulin à prière des monastères contre pot de fer de la propagande militaire. Cette fois, l’armée n’a pas effectué de tirs de sommation. Les généraux, qui ont toujours voulu légitimer leur pouvoir par une caution religieuse, tentent de faire bonne figure. Sauf quelques points stratégiques à Rangoon, le couvre-feu n’a pas été rétabli dans le pays et notamment à Pakkoku.
Gambari en Birmanie samedi
Les autorités birmanes veulent surtout persuader les observateurs étrangers que la situation est sous-contrôle et multiplient les gestes d’apaisement. Mercredi, sept dissidents dont des membres de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) ont été relâchés, selon un porte-parole du parti de Aung San Suu Kyi. Une libération qui intervient alors que l’émissaire spécial des Nations unies a avancé son retour dans le pays. A New-York, le porte-parole de l’ONU a confirmé la venue d’Ibrahim Gambari samedi en Birmanie. L’émissaire spécial des Nations unies, qui est actuellement en tournée en Asie, doit d’abord se rendre à Istanbul pour s’entretenir avec le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. ll sera bien sûr question là encore de la situation en Birmanie. Lors de sa première mission qui a suivi la répression sanglante fin septembre, le diplomate nigérian avait pu s’entretenir avec le numéro un du régime, le général Than Shwe et la grande figure de l’opposition Aung San Suu Kyi, assignée à résidence depuis 2003. Fera-t-il cette fois encore le grand écart entre Naypyidaw, la nouvelle capitale où se trouvent les chefs de la junte et Rangoon à 400 kilomètres plus au sud ?
Pour l’instant, le porte-parole de l’ONU se refuse à tout commentaire. Précisant que son itinéraire pouvait changer à tout moment, les Nations unies n’ont pas confirmé l’information selon laquelle cette nouvelle mission de bons offices pourraient s’étaler jusqu’au 8 novembre, avec un passage d’Ibrahim Gambari par Naypyidaw dès dimanche. Ce voyage doit déjà permettre l’institutionnalisation du rôle des Nations unies comme facilitateur entre la junte et l’opposition. En clair, l’ONU doit disposer d’un bureau permanent à Rangoon, c’est en tout cas ce qu’espère l’opposition en exil. « Il faut que les généraux mettent fin immédiatement aux arrestations arbitraires et autorisent le Comité international de la Croix-Rouge à accéder aux centres de détentions », a affirmé Thaung Htun lors d’une conférence de presse à Paris mercredi. « Si les militaires sont sérieux lorsqu’ils parlent de réconciliation nationale, alors leur premier geste doit être de libérer an Aung San Suu Kyi et tous les autres prisonniers politiques », insiste le représentant pour les affaires onusiennes du gouvernement de coalition nationale pour l’union de la Birmanie (NCGUB).