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Belgique

L’impossible orange bleue

par François Cardona

Article publié le 06/11/2007 Dernière mise à jour le 06/11/2007 à 03:09 TU

Yves Leterme chargé de former un gouvernement de coalition n'a toujours pas rendu sa copie.( Photo : Reuters )

Yves Leterme chargé de former un gouvernement de coalition n'a toujours pas rendu sa copie.
( Photo : Reuters )

La Belgique, dont les élections fédérales ont eu lieu le 10 juin dernier, vient de battre un record historique. Jamais depuis son indépendance en 1830, le pays n’avait vécu une aussi longue période d’incertitude : 149 jours sans gouvernement. Une coalition « Orange-Bleue », associant libéraux et chrétiens-démocrates, est bien en gestation, mais aucun accord global n’a encore été trouvé. Cette semaine sera cruciale pour le flamand, Yves Leterme, candidat au poste de Premier ministre. Car, ce mercredi sera votée l’éventuelle scission de l’arrondissement de Bruxelles, [ Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV) ], éternelle pomme de discorde entre Wallons et Flamands. Les quelques succès obtenus par Yves Leterme pourraient bien voler en éclat.

Incapable de former un gouvernement, la coalition « Orange-Bleue » bat aujourd’hui le record détenue jusqu’ici par Jean-Luc Dehaene. Il lui avait alors fallu 148 jours pour constituer un cabinet. Les négociations s’étaient étalées de décembre 1987 à mai 1988.

En Belgique, le scrutin à la proportionnelle contraint forcément les partis à former des coalitions. Les élections sont donc souvent suivies de périodes de « crises politiques », de transitions plus ou moins longues, nécessaires à la formation d’une majorité. Mais la crise actuelle dure maintenant depuis 5 mois. En vain, les différents partis qui composent la coalition Orange-Bleue ( Orange pour les chrétiens-démocrates, Bleue pour les partis libéraux ) ont tenté de se mettre d’accord sur un programme de gouvernement.

Conjuguer des intérêts divergents

Après avoir renoncé une première fois à former un cabinet, Yves Leterme, chef des chrétiens-démocrates flamands victorieux aux élections de juin dernier, s’est de nouveau attelé à la tâche fin septembre. Il a depuis obtenu quelques succès. A l’issue de longues négociations, les partis wallons et flamands ont fini par se mettre d’accord sur les dossiers de politique étrangère, de justice, de sécurité ou encore d’environnement. Et Yves Leterme aurait même arraché un accord en matière socio-économique, rapportait ce lundi le quotidien belge Le Soir.

Cependant les sujets qui fâchent ont jusqu’ici été soigneusement évités. Notamment les questions budgétaires et communautaires. Pour l’instant aucune des mesures annoncées par  « Orange-Bleue » n’a été budgétisée et les libéraux réclament une réforme fiscale, dont on ne connaît pas encore l’ampleur. Mais il y a plus grave encore : les relations entre Flamands et Wallons. Yves Leterme, lui-même, le reconnaît « le communautaire, (…) c’est la pierre sur laquelle on bute ». Avec, au centre des débats, la réforme de l’Etat exigée par les Flamands.

Les néerlandophones souhaitent en effet une large extension des compétences des régions belges, avec à terme la transformation de l’Etat fédéral belge en une confédération, de manière à pouvoir gérer en toute liberté leur florissante économie flamande. Les Wallons, dont la région est bien moins dynamique, défendent au contraire un Etat fédéral fort, qui puisse garantir une solidarité entre Flamands et francophones.

Bruxelles,  pomme de discorde

Cette irréductible opposition pourrait se cristalliser, mercredi, lors des débats sur l’avenir du statut de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), dont les Flamands souhaitent la scission depuis près de 40 ans. Pour espérer devenir Premier ministre, Yves Leterme se doit d’obtenir un consensus sur cet épineux dossier. Mais rien ne paraît moins sûr.

Le BHV est la seule circonscription bilingue du pays. Les habitants de ces communes peuvent donc élire des candidats fédéraux francophones ou néerlandophones et être jugés dans leur langue. Or, cet arrondissement chevauche les deux régions. Une exception que la Cour Constitutionnelle impose désormais à l’Etat fédéral de justifier ou de modifier. Les Flamands exigent une scission. S’ils l’emportaient, Bruxelles deviendrait un arrondissement autonome. Hal et Vilvorde en formeraient un autre. Seul problème, mais de taille, quelque 120.000 francophones perdraient leur reconnaissance linguistique, et les droits qui y sont liés. Les partis wallons s’y opposent donc farouchement.

Ce brûlant sujet sera examiné demain en commission de l’Intérieur de la Chambre (Assemblée). Les députés flamands, majoritaires, ont déjà annoncé qu’ils voteront en faveur de la scission. Ce qui aurait pour immédiate conséquence de condamner « Orange-Bleue » avant même qu’elle ait vu le jour, de ruiner les espoirs d’Yves Leterme, et surtout de repousser encore davantage la formation d’un gouvernement.