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Roumanie / Italie

Rome et Bucarest s'engagent à coopérer

par Marina Mielczarek

Article publié le 07/11/2007 Dernière mise à jour le 07/11/2007 à 21:00 TU

Romano Prodi, Premier ministre italien (d) et son homologue roumain Calin Popescu Tariceanu se sont rencontrés ce mercredi, au palais Chigi à Rome.(Photo : AFP)

Romano Prodi, Premier ministre italien (d) et son homologue roumain Calin Popescu Tariceanu se sont rencontrés ce mercredi, au palais Chigi à Rome.
(Photo : AFP)

En déplacement ce mercredi à Rome pour tenter de calmer la crise autour des questions d’immigration après le meurtre d’une italienne par un immigré roumain, le Premier ministre roumain a demandé un rendez-vous exceptionnel au pape. Une rencontre de dix minutes au cours de laquelle le souverain pontife a souhaité que les relations entre populations immigrées et locales soient marquées par « un esprit de haute civilité ». Puis Calin Tariceanu a rejoint son homologue Romano Prodi dans son bureau à Rome pour tenter de calmer les crispations soulevées par cette affaire. Les deux chefs de gouvernement se sont engagés à coopérer.

Mercredi en salle de presse, les journalistes ont vu et entendu deux chefs de gouvernement parlant à l’unisson. Calin Tariceanu et Romano Prodi ont affiché des visages déterminés et loin de l’humeur rancunière dont les uns et les autres les soupçonnaient.

Au secours l’Europe !

C’est donc d’une seule voix que les deux chefs de gouvernement ont réclamé l’aide de l’Europe. « Ensemble, nous avons écrit une lettre à la Commission de Bruxelles pour demander que l'Europe fasse plus en matière de flux migratoires et d'intégration sociale de la communauté Rom », a expliqué le président du Conseil italien. Leur missive s’adresse directement à José Manuel Barroso, le président en exercice de l’instance européenne.

Ecrire une lettre à l’Europe en plein rendez-vous diplomatique, voilà une démarche somme toute originale. Un acte lourd de symboles, s’alignant parfaitement dans la logique adoptée depuis le début de l’affaire. Les deux hommes le savent, le sujet est sensible, les âmes électrisées, ils marchent sur des œufs et doivent ménager leur monde. Et l’Europe dans tout ça ?

Après l’agression la semaine dernière et sous pression d’un ras-le-bol populaire, Rome avait adopté un décret d’urgence. Un décret contenu et autorisé par le droit communautaire qui facilite l'expulsion des étrangers membres de l'UE susceptibles de menacer « l’ordre public ». Mais attention, les mots ont leur importance : les deux hommes ont choisi de mentionner les Roms et non pas l’ensemble du peuple roumain. Ce n’est évidemment pas un hasard. L’auteur présumé du viol et du meurtre de l’Italienne de 43 ans, aux abords d’une des gares de la capitale, appartient à la minorité Rom. Et c’est pour répondre à des électeurs exaspérés par l’arrivée de milliers d’immigrés roumains depuis que Bucarest a rejoint les 27 que Romano Prodi aurait sorti la carte « Europe » aussi vite de sa poche.

Le terrain était de toute façon favorable dans cette Italie « où règne un climat de xénophobie et de haine envers les étrangers », comme le regrettent certains chercheurs ou membres du gouvernement. D’ailleurs, comment passer à côté de cette stigmatisation ? Depuis la mort à l’hôpital de la victime, les journalistes se ruent dans le village rom du meurtrier présumé et pas une semaine, pas un jour ne passe en Italie sans qu’un nouveau reportage ne fasse la une de la presse populaire. Quand les gros titres ne sont pas anti-Roms, ils sont anti-Europe. Pour résumer : en Italie en ce moment, disons que l’Europe y a bon dos ! Tantôt appréciée, on l’utilise comme prétexte, tantôt critiquée, on la relègue au banc des accusés.

Haro sur l’Europe !  

Interrogé par le quotidien britannique Financial Times, Romano Prodi déclare que « l’exode a pris l’Union européenne par surprise. Personne n’aurait pu soupçonner le flux de l’immigration roumaine au travers du continent ». Mais au fait, combien de Roumains sont installés en Italie ?

On cherche la réponse et on s’étonne du flou artistique autour des statistiques. Un vrai gruyère, aucun chiffre n’est établi, sinon quelques estimations. Et constatez les écarts : le gouvernement parle officiellement de 300 000 Roumains, une association humanitaire en compte 500 000, tandis que certains éditorialistes de presse nationale vont jusqu’au million.

Italiens, Roumains nous vous avons compris !

« Ne confondons pas tout » ! C’est le credo du Premier ministre Prodi pour contenter Bucarest, très coopératif depuis le début de la crise. Lundi dernier, Calin Tariceanu, reconnaissant la délinquance de ressortissants vivant dans la misère, a décidé l’envoi de dix magistrats auprès des membres de l’Union européenne. Un geste en vue d’améliorer la coopération judiciaire : « En plus, nous apporterons une assistance juridique à ces citoyens qui pourraient faire l’objet d’une expulsion, pour qu’ils ne soient pas victimes d’abus », a ajouté le chef du gouvernement roumain.

Son homologue italien a, quant à lui, fort à faire sur le front intérieur. Romano Prodi doit non seulement affronter les attaques de l’opposition, mais aussi éviter les tiraillements au sein de sa coalition de centre-gauche. Ainsi, le maire de Rome, Walter Vitroni, susceptible de lui succéder en cas d’élections législatives, n’a pas vraiment montré de soutien. Les machiavels du Financial Times ironisent même sur une raison toute trouvée de faire éclater le gouvernement, forçant par là la tenue de législatives anticipées.

Mais fidèle à ses convictions d’europhile, Romano Prodi le répète à longueur d’interviews : « l’Italie n’expulsera pas tous les Roumains, l’Italie a besoin des Roumains ! »

Deux raisons le motivent : l’économie d’abord.

Chiffres à l’appui, les statistiques lui donnent raison. La plupart des Roumains installés en Italie ont des permis de travail. Employés dans les secteurs du bâtiment, de l’assistance sanitaire et les remplacements de nuit, ils participent à la croissance. Ne comptez pas sur Calin Tariceanu pour vous dire le contraire : « L’année dernière, un Roumain sur six était propriétaire d’un logement, et la moitié d’entre eux cherche à en acheter un ».

Son deuxième argument : le manque de bébés !   

Avec le Japon, l’Italie est le pays au monde où les couples ne font pas… ou très peu d’enfants.