Article publié le 08/11/2007 Dernière mise à jour le 08/11/2007 à 15:40 TU
Vojislav Seselj à l'ouverture du congrès de son parti, le Parti radical serbe (SRS), à Belgrade le 23 janvier 2000.
(Photo : AFP)
Le procès de l’ultranationaliste Vojislav Seselj s’est ouvert le 7 novembre devant le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre pour avoir formé des groupes paramilitaires et attisé la haine ethnique par ses discours, Vojislav Seselj, toujours président du Parti radical de Serbie (SRS), a demandé sa condamnation à la peine maximale.
Avec notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas
Au terme de quatre heures de discours, le leader ultranationaliste Vojislav Seselj n’a qu’un regret : « Que les concepteurs du Statut du tribunal n’aient pas envisagé l’application de la peine de mort ». Vojislav Seselj aurait voulu « mourir debout, comme mon ami Saddam Hussein » et ainsi « poser un sceau immortel sur mon idéologie ». A défaut, grâce aux accusations du procureur dit-il, son idéologie nationaliste perdurera des siècles durant.
Accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, Vojislav Seselj a fait du prétoire de La Haye l’ultime théâtre des provocations qui émaillent sa carrière politique en ex-Yougoslavie. A Belgrade, le parti radical de Serbie (SRS), qu’il préside depuis sa cellule de Scheveningen, en banlieue de La Haye, est toujours crédité de près de 37% d’opinion favorable. Fin octobre, de jeunes militants appelaient la population à signer une pétition en faveur du leader incarcéré depuis février 2003 pour la retransmission du procès sur la télévision nationale.
Digressions sur le nationalisme
Pour la procureur Christine Dahl, Vojislav Seselj « s’est servi de techniques de propagande pour empoisonner l’esprit de ceux qui l’écoutaient. Cette guerre a d’abord été conduite avec des mots » dit-elle, « les discours de Seselj ont diabolisé les Croates et les Bosniaques ». Après la présentation des charges et des pièces qu’elle produira au cours du procès, l’Américaine s’est lancée dans une distinction à tout le moins surprenante entre un « nationalisme civique » et le nationalisme de l’accusé, dont l’avènement passe « par la peur, la haine, la destruction des autres et de leur religion ». « Il dit qu’il est le plus grand nationaliste serbe, mais il a tort » a-t-elle estimé ajoutant que « le type de nationalisme qu’il a défendu a été un poison pour tous ».
Outre ses discours, le procureur lui reproche notamment d’avoir enrôlé, formé, financé des volontaires. Meurtres à Mostar, Vukovar, Zvornik, Sarajevo. Envoyés en Bosnie et en Croatie, les multiples groupes paramilitaires venaient parfaire le sale boulot après la prise des territoires par l’armée : terroriser la population, expulser, assassiner, piller, détruire. A la tête de l’un de ses groupes, « les tchetniks », Vojislav Seselj oeuvrait au nom de « la Grande Serbie ». Idéologie sur laquelle l’accusé s’étendra largement, et selon laquelle les Croates et les Bosniaques sont des Serbes qui s’ignorent. Une Serbie dont les frontières s’étendent jusqu’à la Croatie. « Tout ce qu’il a pu bâtir, c’est une petite Serbie », a ironisé l’Américaine Christine Dahl, « mais il a légué au monde le nettoyage ethnique ». L’accusé ne s’oppose pas et reconnaît en substance que le travail n’est pas terminé.
Un bras de fer en faveur de l’accusé
Oui, il a enrôlé des hommes sur les fronts de Bosnie et de Croatie, pour lutter contre la conspiration anti-serbe qui trouve ses racines dans une histoire passée qu’il développe en longueur, conduite par le Vatican et l’Allemagne, avant d’être adoptée par l’Amérique. « Le tribunal et le procureur pensent qu’ils peuvent condamner une idéologie nationaliste » mais « vous ne pourrez rien faire contre mon idéologie nationaliste ! » lâche-t-il. « Ce tribunal vous condamnera ou vous acquittera pas pour une idéologie, mais pour des crimes et en fonction des éléments de preuves » rétorque simplement le président de la chambre, Jean-Claude Antonetti.
Après une grève de la faim conduite en novembre 2006, au terme de laquelle l’accusé avait obtenu plusieurs de ses revendications, le juge français a fait le pari de conduire le procès à son terme et use de toutes les formes pour séduire l’accusé, qui ne le lui rend guère. Au titre de ses privilèges, Vojislav Seselj, qui se présente sans avocat dans le prétoire, ne siège pas dans le box des accusés, mais a rejoint le banc de la défense. Si la mesure est symbolique, elle révèle les faiblesses du tribunal en servant les intérêts politiques de l’accusé. Une vingtaine « d’experts » figurent dans son équipe de défense. Plusieurs d’entre eux émargent au Parlement de Serbie. Trois d’entre eux pourraient, à l’avenir, être rémunérés par le tribunal, s’ils sont inscrits auprès d’un barreau et abandonnent leur mandat au parlement.