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Pakistan

Musharraf s'engage sur les élections

par  RFI

Article publié le 08/11/2007 Dernière mise à jour le 08/11/2007 à 16:48 TU

Le président Pervez Musharraf essaye de rassurer de la population avec des promesses.(Photo: Reuters)

Le président Pervez Musharraf essaye de rassurer de la population avec des promesses.
(Photo: Reuters)

Le président du Pakistan a annoncé ce jeudi, sous la pression de la rue et de Washington, que les législatives auraient lieu avant le 15 février. Le scrutin était prévu pour la mi-janvier avant l’instauration de l'état d'urgence. Le général-président a aussi renouvelé sa promesse d'abandonner ses fonctions de chef des armées, mais sans donner de date. Des promesses jugées « trop vagues » par l’ancien Premier ministre, Benazir Bhutto qui a maintenu son appel à manifester contre l’état d’urgence.
Pervez Musharraf lâche du lest, mais ce ne sont pour l’instant que des paroles. Plusieurs fois depuis le référendum de 2002, le général-président a ainsi promis d’abandonner son uniforme qu’il a lui-même qualifié de « seconde peau ». Aucune date n’a été donnée, mais si cette promesse est tenue et si surtout, plus important encore, les législatives annoncées pour février se confirment, alors l’état d’urgence pourrait être levé dans les deux mois au Pakistan.

Pervez Musharaf considère que la situation a toutes les chances d’être reprises en main. Sa réélection devrait passer comme une lettre à la poste, validée sans problème par le président de la Cour suprême qu’il a lui-même nommé.

Le chef de l’Etat craint par-dessus tout la montée d’un vrai mouvement de contestation politico-populaire, mené à la fois par les avocats et les partis politiques. Cette promesse serait donc destinée à rassurer. Insuffisant, a d'ores et déjà répondu l’ex-Premier ministre, Bénazir Butho qui considère cette promesse comme « trop vague » et maintient son appel à manifester ce vendredi contre l’état d’urgence.

ENTRETIEN RFI



Les manifestations de l'opposition, notamment celle du Parti du peuple pakistanias de Benazir Bhutto, pourraient  notamment s’appuyer sur le mouvement de contestation lancé en tout début de semaine par les avocats. Les avocats peuvent-ils devenir les porte-drapeaux de l’opposition au Pakistan ? Nous avons posé la question à Jean-Luc Racine, directeur de recherche au CNRS au Centre d’études sur l’Inde et l’Asie du Sud (CIAS) de l’EHESS.



RFI : Les avocats peuvent-ils devenir les porte-drapeaux de l’opposition au Pakistan ?




C’est une question qui agite non seulement tous les observateurs, mais également les très nombreux partisans de la démocratie au Pakistan. On a d’un côté les avocats et de l’autre les partis politiques traditionnels. Depuis la première mise à pied du président de la Cour suprême, il y a plusieurs mois, et depuis cette nouvelle mise à pied dimanche dernier, les avocats sont le fer de lance de l’opposition de la société civile au régime du général Musharraf, alors que les partis politiques d’opposition, paradoxalement, se font moins entendre. Aujourd’hui, on se retrouve dans la même situation, à ceci près que l’état d’urgence a décapité le mouvement des avocats. Un certain nombre d’entre eux ont été emprisonnés ou assignés à résidence. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si le mouvement va pouvoir durer seul dans ce contexte. Ou si la nouvelle posture de Benazir Bhutto qui appelle à une longue marche d’Islamabad à Lahore, contre le régime, si le général n’abandonne pas son uniforme et ne retire pas la proclamation de l’état d’urgence. Si le parti de Benazir Bhutto entre dans la bataille, il pourrait y avoir à ce moment là une conjonction entre une force politique que rejoindrait éventuellement d’autres partis ainsi que les avocats en avant-garde de la société civile.
 

RFI : Ces avocats peuvent-ils faire naître une véritable prise de conscience autour de la Constitution ?
 

Je ne suis pas sûr qu’on soit prêt à mourir pour la Constitution au Pakistan, mais il est clair que la première mise à pied du chef de la Cour suprême avec les avocats en première ligne, a mis en avant cette question de l’indépendance de la justice. Il s’agit d’une question essentielle car il est très clair que la proclamation de l’état d’urgence doit beaucoup moins à la dégradation très réelle de la sécurité le long de la frontière avec l’Afghanistan ou à la vague d’attentats suicide, qu’à la volonté du général Musharraf de démettre les juges pour avoir une Cour suprême à sa main. La logique de l’état d’urgence c’est bien le non respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Cette question est véritablement au cœur du pouvoir. Ce que les avocats ont réussi à faire c’est d’élargir la réflexion démocratique. Ce n’est plus seulement les militaires d’un côté et les civils de l’autre. C’est véritablement désormais, le pouvoir de l’armée, le pouvoir exécutif et par implication le jeu politique, mais aussi l’indépendance du pouvoir judiciaire.
 

RFI : De quelle marge de manœuvre dispose ces avocats aujourd’hui ?

Leur marge de manœuvre est forcement limitée dans un régime d’état d’urgence, surtout s’ils sont seuls sur le devant de la scène. Ceci étant, les avocats qui sont dans la rue représentent des milliers de personnes. Le pays tout entier est quadrillé, bien au-delà de la Cour suprême, par les hautes cours et les cours de district. C’est donc tout un maillage du territoire dans lequel les avocats sont présents. Mais encore une fois, si l’opposition des partis politiques ne parvient pas à définir une ligne claire, les avocats risquent de se retrouver un peu isolés. Bien entendu, les journalistes partagent leurs combats, mais eux- même sont confrontés aux mesures de sanctions imposées par le régime d’exception.
 

RFI : Quelle est l’image des avocats dans la population ?
 

L’image de la justice pakistanaise est obligatoirement ambiguë. Comme partout, le commun des mortels essaie d’éviter de se retrouver face aux juridictions. Les avocats ont aussi la réputation, qui n’est pas forcément fausse, de faire traîner les procès pour faire monter les honoraires. Il y a donc une ambigüité profonde. Ils ont certes gagné leurs lettres de noblesse dans la lutte démocratique par l’agitation qu’ils conduisent depuis plusieurs mois. Mais il reste à voir s’ils peuvent apparaître au-delà de ce que représente leur profession, et pour cela il faut que les partis politiques jouent leur rôle. Or, pour l’instant, ces partis sont profondément divisés. 


Propos recueillis par Stéphane Lagarde