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Pologne

La rupture Tusk

par François Cardona

Article publié le 09/11/2007 Dernière mise à jour le 09/11/2007 à 19:42 TU

Le président polonais Lech Kaczynski (g) a designé aux fonctions de Premier ministre Donald Tusk (d).(Photo : Reuters)

Le président polonais Lech Kaczynski (g) a designé aux fonctions de Premier ministre Donald Tusk (d).
(Photo : Reuters)

L’ère conservatrice des jumeaux Kaczynski s’est achevée ce vendredi avec la nomination officielle de Donald Tusk au poste de Premier ministre de la Pologne. Certes le président Lech Kaczynski reste au pouvoir, mais son frère, Jaroslaw, a été contrait d’abandonner la tête du gouvernement, après la défaite de son parti Droit et Justice aux législatives du 21 octobre dernier. Donald Tusk, issu du parti libéral la Plateforme civique (PO), a déjà multiplié les annonces. Après deux ans de blocage avec l’Union européenne, le nouveau Premier ministre veut désormais apaiser les tensions et renforcer sa coopération notamment avec l’Allemagne.

Jaroslaw Kaczynski, du parti conservateur Droit et Justice (PiS) avait présenté sa démission le 5 novembre dernier. Et l’on s’attend à ce que Donald Tusk annonce la composition de son nouveau cabinet vendredi prochain, 16 novembre, pendant la première session de travail de la Diète.

Avec 209 députés, sur les 460 que compte la Diète (le Parlement polonais), la Plateforme civique (PO), n’a pas obtenu de majorité lors des élections législatives du 21 octobre dernier. Le parti de Donald Tusk a donc choisi de s’allier avec le parti paysan centriste PSL de Waldemar Pawlak. Les deux formations travaillent déjà ensemble dans certaines régions polonaises. Grâce à ce pacte, qui devrait être entériné ce samedi, Donald Tusk pourra s’appuyer sur une majorité de 240 députés.

Difficile cohabitation

La future coopération entre le président Kaczynski et le gouvernement libéral s’annonce difficile. Donald Tusk a déjà annoncé qu’il mettrait en place des commissions d’enquête parlementaires sur les services spéciaux. Les frères Kaczynski ont en effet été accusés par leurs opposants d’avoir utilisé ces officines à des fins politiques.

Le nouveau Premier ministre a par ailleurs visiblement l’intention de rompre avec la politique très conservatrice des jumeaux. Le président Lech Kaczynski compte opposer son veto à l’introduction d’un impôt sur le revenu à taux unique. Il a également critiqué la volonté des libéraux d’approuver la Charte européenne des droits fondamentaux. Car Donald Tusk compte adoucir les rapports, auparavant houleux, entre la Pologne et l’Union européenne. Avec, en premier lieu, une volonté claire d’apaiser les tensions, particulièrement avec l’Allemagne.

Des relations extérieures bouleversées

Très diplomatiquement pour ménager les jumeaux Kaczynski, Donald Tusk a déclaré que les relations avec Berlin étaient « stables » depuis 1989, mais que durant les deux dernière années, « la manière d’agir n’a pas été très efficace pour atteindre les objectifs de la Pologne ».

Donald Tusk affirme donc avoir une priorité : « élever les relations que nous avons eu (avec l’Allemagne) au début des années 90 ». Après la chute du communisme et la réunification allemande, de nombreux traités avaient été signés entre les deux pays, dans le but d’établir une coopération aussi riche que celle entre la France et l’Allemagne. Donald Tusk souhaite donc « un accroissement de confiance mutuelle ». En signe de bonne volonté, il a donné son accord conditionnel à un projet allemand : la construction d’un centre à la mémoire des quelque douze millions d’Allemands chassés d’Europe centrale après 1945. Une question très sensible, puisque la moitié des expulsés habitaient alors sur des territoires attribués à la Pologne lors de la défaite du régime nazi.

Donald Tusk a également promis de rompre avec l’absence totale de dialogue entre Moscou et les frères Kaczynski pendant les deux dernières années; ce qui avait provoqué « plus de tensions qu’il n’est nécessaire », a déclaré le nouveau Premier ministre. La Pologne bloque en effet depuis plus d’un an la négociation d’un accord économique entre l’UE et la Russie, en raison notamment d’un embargo russe sur la viande polonaise.

Politique pro-européenne

Donald Tusk a également donné des gages à l’Union européenne. Il a promis au président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, de mener une politique « plus pro-européenne ». De son coté, le président de la Commission est sorti de sa réserve habituelle pour féliciter personnellement Donald Tusk pour sa victoire. Et le nouveau Premier ministre a souhaité que la Pologne réponde le plus rapidement possible aux critères d’adhésion à l’euro.

En revanche, Donald Tusk prône un changement dans la relation avec les Etats-Unis. Il a tout d’abord annoncé qu’il comptait mettre fin, l’année prochaine, à la mission « sous sa forme actuelle », des 900 soldats polonais engagés en Irak. Par ailleurs, il sera probablement un rude négociateur sur le dossier du bouclier antimissile, dont les Américains veulent installer des éléments en Pologne. «  Si nous devons accroître la sécurité des Etats-Unis, nous pouvons attendre une contribution financière pour accroître la sécurité de la Pologne », a martelé Donald Tusk. Le nouveau Premier ministre polonais prône l’ouverture, mais il compte bien en retirer des avantages, financiers et politiques. 

Rumeurs de portefeuilles

En vertu de l’accord passé entre la Plateforme civique et le parti paysan centriste (PSL), le ministère de l’économie reviendrait à Waldemar Pawlak, dont le parti obtiendrait également l’Agriculture. Le PSL devrait également disposer d’un autre ministère : l’Environnement ou le Travail.

Le reste des ministères reviendront à la Plateforme civique. Le vice-président de la Plateforme civique, Grzegorz Schetyna, deviendra ministre de l’Intérieur. Et c’est Jacek Rostowski qui serait chargé des Finances. Jacek Rostowski est connu en Pologne pour avoir été le conseiller de Leszek Balcerowicz, l’architecte des réformes économiques de l’après-communisme.

Radoslaw Sikorsky, ministre de la Défense dans le gouvernement sortant, obtiendrait lui le portefeuille des Affaires étrangères. Le président Kaczynski s’est déjà dit opposé à cette nomination, mais Donald Tusk a maintenu sa proposition. Qualifié de « traître » par les conservateurs du PiS, Radoslaw Sikorsky avait démissionné du gouvernement de Jaroslaw Kaczynski, à la suite d’un désaccord. Il avait ensuite rejoint les libéraux de la Plateforme civique, dont il est aujourd’hui député.