par Stefanie Schüler
Article publié le 13/11/2007 Dernière mise à jour le 13/11/2007 à 18:22 TU
Un jour après le bain de sang dans lequel s’est terminé un important rassemblement à la mémoire du défunt leader Yasser Arafat avec sept morts et 130 blessés, la tension reste vive à Gaza. Le Hamas a lancé une importante vague d’arrestations dans les rangs du Fatah. Mais les membres de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas veulent croire que le temps jouera pour eux.
Après la mort de sept Palestiniens tués par les tirs des forces de sécurité du Hamas, de nombreux magasins sont restés fermés, ce mardi, dans la bande de Gaza. Le président Mahmoud Abbas avait décrété lundi soir depuis la Cisjordanie trois jours de deuil pour « rendre hommage aux martyrs tués par les balles des putschistes », en référence aux miliciens du mouvement islamiste. Hormis les magasins, ce deuil a également été suivi par certains directeurs d’écoles qui n’ont pas accueilli d’élèves ce mardi. C’est une manière d’affirmer leur désaccord avec les méthodes de terreur employées par le Hamas dans la bande de Gaza. Une sorte de résistance silencieuse qu’ils affichent malgré leur crainte de représailles de la part du mouvement islamiste.
Des membres du Fatah arrêtés à Gaza
Une crainte qui semble d’autant plus fondée que le Hamas a lancé une vague d’arrestations dans les rangs du Fatah. Les interpellations ont commencé dans la nuit qui a suivi le grand rassemblement organisé par le parti du président palestinien Mahmoud Abbas. On ignore le nombre exact de personnes arrêtées. Selon un responsable du Fatah, environ 400 membres et cadres du parti ont été incarcérés depuis lundi soir. Cette source, qui a préféré garder l’anonymat, a par ailleurs précisé que « le Hamas avait réalisé des descentes dans de nombreuses maisons qui ont été fouillées. Des effets personnels ont été saisis ». Le Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP) fait lui aussi état d’une « vaste campagne d’arrestations » qui ne peut « que tendre davantage la situation interne et empêcher une sortie de crise ».
Ce n’est pas la première fois que le Hamas se lance dans un coup de filet contre les membres de son rival, le Fatah. En juin dernier déjà, quand le mouvement islamiste a pris le contrôle de la bande de Gaza, de nombreux cadres et leaders du parti du président Abbas avaient été arrêtés, certains même assassinés. Le « ministère de l’Intérieur » du Hamas s’est défendu, ce mardi, du caractère « politique » des arrestations de la nuit dernière. Dans un communiqué, il indique que les interpellations se dirigeaient contre ceux qui avaient « troublé l’ordre et la sécurité publique, semé le chaos et poussé aux émeutes ».
Fatah et Hamas se renvoient la responsabilité
Car le Hamas a affirmé que le Fatah portait « l’entière responsabilité » du bain de sang qu’a connu Gaza lundi. Selon les explications de Sami Abou Zouhri, porte-parole du mouvement islamiste, certains partisans du Fatah aurait ouvert le feu, jeté des pierres et « attaqué la police, ce qui a conduit à une explosion de la situation ».
Côté Fatah on ne veut pas laisser passer ces accusations : après que le président palestinien Mahmoud Abbas eut dénoncé à la télévision officielle les « crimes horribles commis par une bande de rebelles (...) sous les yeux du monde entier », le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, est encore monté d’un cran, ce mardi : « Le Hamas a ordonné ces crimes qui ont été exécutés par la milice du mouvement islamiste dans le seul but de semer la terreur parmi la population. Sa punition est maintenant un devoir national ».
Le Fatah espère un tournant à Gaza
Alors que le rassemblement à la mémoire de Yasser Arafat a rassemblé à Gaza plusieurs centaines de milliers de personnes à l’appel du Fatah, les leaders de ce parti espèrent un tournant dans la guerre fratricide qui les oppose au Hamas. A l’instar du Mohammed Dahlan, ancien homme fort du Fatah à Gaza et aujourd’hui réfugié en Cisjordanie : « On assiste au début de la fin du Hamas à Gaza aussi bien au niveau populaire qu’au point de vue religieux et moral ».
En effet, le mouvement islamiste est confronté à une grogne de plus en plus soutenue au sein de la population dans la bande de Gaza. Cinq mois après la prise du contrôle du Hamas, ce territoire se trouve dans un isolement international sans précédent. La situation économique, déjà catastrophique, a encore empiré sous les sanctions israéliennes et internationales contre le régime du Hamas. Et la main de fer avec laquelle les islamistes tentent d’instaurer leur règne leur a coûté le soutien d’une partie de leurs anciens partisans.
Les divisions au sein du Hamas
Selon un sondage récemment publié par le Centre de médias et de communication à Jérusalem, le Premier ministre du Hamas, Ismaël Haniyeh, est toujours la deuxième personnalité la plus populaire en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, après le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Mais M. Haniyeh, défendeur d’une ligne pragmatique, semble désormais écarté de toute prise de décision au sein du régime du Hamas à Gaza.
Ce sont maintenant les adeptes d’une ligne dure, comme par exemple l'ex-ministre des Affaires Etrangères Mahmoud Zahar, qui donnent le ton. Mais d’après des informations des services secrets israéliens, le vrai leader du Hamas serait désormais Ahmed al-Jabari. Ce chef de l’aile militaire du mouvement islamiste n’imposerait pas seulement son autorité sur Ismaël Haniyeh mais tenterait également de limiter l’influence de Khaled Mechaal, le cerveau de l’aile politique du Hamas, basé à Damas.
Pour toutes ces raisons, le Fatah estime que le temps, d’une manière ou d’une autre, jouera pour lui. Ce qui fait dire Djamal al-Mheisein, gouverneur de la ville de Naplouse : « Nous éradiquerons la faction terroriste du Hamas. Mahmoud Abbas retournera à Gaza, qui reviendra sous notre contrôle ».