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Territoires palestiniens

Naplouse fait figure de test

Article publié le 16/11/2007 Dernière mise à jour le 16/11/2007 à 21:17 TU

L’Autorité palestinienne est décidée à en finir avec la loi des groupes armés à Naplouse. Un contingent de 300 nouveaux policiers palestiniens a été déployé à Naplouse pour s’opposer aux activistes armés qui tiennent la ville depuis le déclenchement de l’Intifada.

Policiers palestiniens de la Sécurité nationale récemment déployés à Naplouse.(Photo : K. Lebhour/RFI)
Policiers palestiniens de la Sécurité nationale récemment déployés à Naplouse.
(Photo : K. Lebhour/RFI)

De notre envoyé spécial à Naplouse, Karim Lebhour

Les armes ont changé de main. Les militants palestiniens qui avaient l’habitude de déambuler avec leurs fusils M16 en bandoulière dans le centre-ville du Naplouse ont laissé la place aux « bérets verts » de la Sécurité nationale. Ces quelques trois cents policiers, récemment déployés sur ordre du président palestinien, Mahmoud Abbas, ont pour tâche de reprendre le contrôle des rues, abandonnées aux groupes armés depuis le déclenchement de la seconde Intifada.

« Avant, les gars des Brigades [Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, milice liée au Fatah], contrôlaient la ville. Ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient. Si les gens avaient un problème, ils se tournaient vers eux. C’étaient eux les policiers ! », remarque un policier en patrouille, se félicitant du changement d’atmosphère. « Les gens s’arrêtent aux feux rouges et il n’y a plus de voitures volées en circulation. Nous sommes les seuls à avoir le droit de porter des armes ». Par-dessus le comptoir de son magasin, un commerçant confirme l’amélioration : « On se sent plus en sécurité. Tout le monde avait peur de ces hommes armés. Ces gars-là ont la gâchette facile. Maintenant, les clients restent un peu plus tard et je peux fermer mon magasin à 18 h plutôt qu’à 16h ».

Cette démonstration de force fait partie de l’action entreprise par l’Autorité palestinienne pour rétablir l’état de droit à Naplouse. Depuis quelques semaines, les forces de sécurité palestinienne sont déployées en nombre dans la bouillonnante capitale de l'Intifada en Cisjordanie. Des barrages routiers ont été postés en plusieurs endroits de la ville.

L’opération doit être le point de départ d’une reprise en main de la sécurité à Naplouse, puis de toutes les villes de Cisjordanie. « Naplouse est au cœur des tous les trafics. Nous l’avons choisie pour cette raison. Si nous prenons le contrôle de Naplouse, nous pourrons le faire dans toute la Cisjordanie », assure Abdallah Kmeil, le chef local des services de renseignements qui revendique déjà une trentaine d’arrestations. Plusieurs dizaines d’engins explosifs ont été également été saisis dans la casbah.

La nuit, l’armée israélienne reprend le contrôle de la ville

Les autorités israéliennes ont accepté de remettre le contrôle sécuritaire de la ville aux policiers palestiniens et d’autoriser le déploiement de renforts. La confiance d’Israël dans la capacité des Palestiniens à rétablir l’ordre reste cependant limitée. « L’armée israélienne continue de mener des incursions à Naplouse. Cela nous met dans une position très délicate. La population à l’impression que nous travaillons avec Israël », déplore Abdallah Kmeil. La nuit, l’armée israélienne reprend en effet le contrôle de la ville et les forces palestiniennes ont ordre de ne plus sortir de leurs casernes sous peine d’être prises pour cible.

Pour prouver leur sérieux, les forces de sécurité ont mené une opération « coup de poing » dans le camp de réfugiés de Balata, considéré comme un bastion de la lutte armée. Lundi 5 novembre, en fin de journée, une centaine de policiers, le visage masqué par des cagoules, ont encerclé le camp, en lisière de Naplouse et imposé un couvre-feu, à la recherche d’activistes impliqués dans une fusillade. Pendant plusieurs heures, les policiers ont fait le coup de feu avec des membres des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa. On a relevé cinq blessés.

D’ordinaire, les forces de sécurité palestiniennes ne s’aventurent pas dans le dédale de ruelles miséreuses du camp où s’entassent quelque 20 000 habitants. « Les policiers ont franchi une ligne rouge, prévient Hani Kaabi, l'un des chefs des Brigades dans le camp de Balata. Nous avions un accord selon lequel les forces de l’ordre ne peuvent rentrer dans le camp sans notre consentement », ajoute t-il, reprochant à l’Autorité de ne pas faire la différence entre la « résistance » et les « voyous qui se cachent sous l’étiquette des Brigades des martyrs d’Al Aqsa ».

Aux yeux de tous, Naplouse fait figure de test. Le président palestinien Mahmoud Abbas compte ainsi faire la preuve que ses services de sécurité, qui ont perdu le contrôle de la bande de Gaza face aux forces du Hamas, restent en mesure de s'opposer aux activistes en Cisjordanie. Un enjeu crucial, au moment où va s’ouvrir la conférence d’Annapolis (Etats-Unis) sur le Proche-Orient, où doit être évoquée la création d’un Etat palestinien. En visite dans la ville, cette semaine, le consul américain à Jérusalem, Jacob Walles, s’est félicité « des progrès réalisés par l’Autorité palestinien à Naplouse ».