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Kosovo

Après les élections, coalition, négociations

Article publié le 18/11/2007 Dernière mise à jour le 18/11/2007 à 16:43 TU

Les élections de samedi au Kosovo se soldent par un petit tremblement de terre politique. Avec 35% des voix, le Parti démocratique du Kosovo (PDK) d’Hashim Thaçi supplante largement la Ligue démocratique du Kosovo (LDK, 22%). Les deux partis pourraient cependant former une coalition, alors que les négociations sur l’avenir du territoire doivent reprendre dès mardi.

De notre correspondant dans les Balkans, Jean-Arnault Dérens

Hashim Thaçi, le chef du Parti démocratique du Kosovo (PDK) devant des militants du parti à Pristina, après sa victoire aux élections législatives.(Photo : Reuters)
Hashim Thaçi, le chef du Parti démocratique du Kosovo (PDK) devant des militants du parti à Pristina, après sa victoire aux élections législatives.
(Photo : Reuters)

Hashim Thaçi n’a guère tardé à proclamer sa victoire. Quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, les instituts de sondage indiquaient sans grande marge d’erreur possible la large victoire du PDK, la formation qui regroupe la plupart des anciens guérilleros de l’Armée de libération du Kosovo (UCK). Comme les sondages l’avaient d’ailleurs indiqué, le PDK devance très largement la LDK, le parti de feu Ibrahim Rugova, le parti qui a symbolisé durant près de deux décennies la lutte des Albanais du Kosovo. L’échec est sans appel pour Fatmir Sejdiu, le chef de la LDK, qui a succédé à Ibrahim Rugova à la charge – largement protocolaire – de président du Kosovo.

Les Serbes du Kosovo ont massivement boycotté le scrutin

Ces deux formations sont suivies par l’Alliance pour un nouveau Kosovo (AKR), le parti récemment créé du sulfureux homme d’affaires albano-suisse Behxhet Pacolli, qui crée la surprise avec 12%. Viennent ensuite la Ligue démocratique de Dardanie (LDD), une scission de la LDK, et l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK), le parti de l’ancien Premier ministre Ramush Haradinaj, actuellement en instance de jugement pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité devant le TPI de La Haye. Ces deux formations sont créditées de 10% des suffrages. Par contre, le parti réformiste ORA, dirigé par le publiciste Veton Surroi, ne passe pas le seuil électoral fixé à 5% et disparaît donc du Parlement.

Pour leur part, les Serbes du Kosovo ont massivement boycotté le scrutin. La participation est nulle dans les communes serbes du nord du territoire, de l’ordre de quelques pourcents dans les communes mixtes comme Strpce. Cela n’ira pas sans poser de sérieux problèmes : les électeurs serbes ont également boycotté le scrutin municipal, ce qui fait des maires albanais ont été élus par une poignée d’électeurs. On se doute que les nouveaux édiles issus des rangs du PDK auront bien du mal à pénétrer dans les mairies entièrement serbes de Leposavic ou de Zubin Potok.

Certains milieux diplomatiques ont décidé de jouer la carte Thaçi

Selon toutes probabilités, le PDK et la LDK, longtemps farouchement rivaux, devraient passer un accord de coalition et seraient donc en mesure de former le prochain gouvernement, le poste de Premier ministre revenant naturellement à Hashim Thaçi. Pour ce jeune ambitieux, il s’agit de la réalisation d’un vieux rêve. Jusqu’alors parfaitement inconnu, Hashim Thaçi est apparu pour la première fois au grand jour, comme représentant de l’UCK, lors des négociations serbo-albanaises de Rambouillet, en février 1999. Quelques mois plus tard, durant les bombardements de l’OTAN, il prenait la tête d’un gouvernement du Kosovo en exil, avant de devoir céder la première place à la LDK d’Ibrahim Rugova après le retour à la paix et l’instauration du protectorat international.

Il est de notoriété publique que certains milieux diplomatiques de Pristina avaient décidé de jouer la « carte Thaçi », par lassitude envers les notables vieillissants, incompétents et corrompus de la LDK, mais aussi parce qu’il leur semblait de placer au gouvernement le potentiel « radical » du PDK, dans la période difficile de négociations sur l’avenir du Kosovo.

Comme l’explique Albin Kurti, le leader du mouvement albanais Vetëvendosja (autodétermination), qui appelait au boycott des élections, considérées comme un « simulacre de démocratie », le but de l’administration internationale au Kosovo « était de maintenir le statu quo, en reconduisant l’équipe de négociation sur l’avenir du Kosovo ».

La situation reste donc extrêmement périlleuse

Cet objectif sera partiellement atteint. L’équipe de négociations - appelée « Équipe de l’Unité » - regroupait des représentants du PDK, de la LDK, de l’AAK et du mouvement ORA. Ce dernier est éliminé, et l’AAK pourrait être écarté du gouvernement, en raison de la situation judiciaire de son leader. Sur le papier, de toute manière, la LDK et le PDK ont une majorité suffisante pour former le gouvernement. Par contre, les formations qui se retrouveraient marginalisées, notamment la LDD de Nexhat Daci, pourront facilement dénoncer les « compromis » que les négociateurs pourraient être amenés à accepter, formant un solide bloc d’opposition, non sans liens avec les mouvements armés qui se développent à nouveau au Kosovo.

La situation reste donc extrêmement périlleuse, alors que des échéances cruciales attendent le Kosovo. Dès mardi, les négociateurs serbes et albanais doivent à nouveau se rencontrer à Vienne, et le terme des négociations demeure théoriquement fixé au 10 décembre. D’ici là, il est bien peu probable qu’une solution miracle soit trouvée au statut du Kosovo.