par François Cardona
Article publié le 19/11/2007 Dernière mise à jour le 19/11/2007 à 17:41 TU
Pour le futur Premier ministre, Hashim Thaçi, aucune des propositions avancées par la Serbie « ne tient la route ».
(Photo : Reuters)
Le futur probable Premier ministre du Kosovo, Hashim Thaçi, avait fait campagne sur l’indépendance. Pour cet ancien chef de l’UCK, la guérilla séparatiste albanaise, il n’est donc pas question de reculer. Et dès son élection, il l’a répété : « Immédiatement après le 10 décembre, nous prendrons des décisions pour le Kosovo, en tant que pays indépendant et souverain ».
Avec 34% des voix le Parti démocratique du Kosovo (PDK) d’Hashim Thaçi est arrivé en tête des élections générales de ce samedi. Il devance largement la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), qui a obtenu 22%. Cette deuxième position est une véritable défaite pour la LDK, fondée par l’ancien président Ibrahim Rugova mort en 2006, et qui avait dirigé le Kosovo depuis la fin de la guerre.
Le gouvernement de l’indépendance
Hashim Thaçi obtiendra sans nul doute le poste de Premier ministre du Kosovo, mais son parti n’atteint pas la majorité absolue au Parlement. Le PDK devra donc s’allier à la LDK. Les deux formations politiques sont concurrentes, mais elles seront des alliés objectifs lorsqu’il s’agira de mener le Kosovo à l’indépendance.
Ces élections générales au Kosovo ont également été marquées par une forte abstention. Seuls 40% des électeurs se sont déplacés, et les populations serbes du Kosovo ont massivement boycotté le scrutin. Ce qui cristallise encore davantage l’opposition entre les albanophones, majoritaires à 90% et la minorité serbe. Pourtant fort de son succès électoral, Hashim Thaçi, qui fait partie de l’équipe de négociateurs kosovars en pourparlers avec Belgrade, peut désormais affirmer sans complexe qu’il a reçu un mandat clair des Kosovars pour les mener à l’indépendance.
Impossible sortie de crise
Serbes et Kosovars doivent justement se retrouver pour la troisième fois, ce mardi, pour tenter de trouver une issue à cette inextricable crise. Mais ces pourparlers sous l’égide de la Troïka (Union européenne, Etats-Unis et Russie) n’ont désormais que très peu, voire aucune chance d’aboutir. La Serbie refuse toujours d’accorder l’indépendance au Kosovo, qu’elle considère comme « sa » province ; le berceau de sa culture et de son histoire. A l’opposé, la majorité albanophone du Kosovo exige l’indépendance pure et simple.
Dans une interview au quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, Hashim Thaçi, le futur Premier ministre a martelé qu’aucune des propositions avancées par la Serbie « ne tient la route ». Belgrade avait mis sur la table la possibilité de créer une fédération ou une confédération. Par ailleurs, Hashim Thaçi le répète : « Nous ne pouvons attendre que tous les Etats soient prêts à nous reconnaître », rappelant ainsi que l’indépendance serait déclarée, quoi qu’en pensent le voisin serbe, et la Russie, son traditionnel protecteur. Ce lundi Moscou mettait d’ailleurs en garde les dirigeants albanais du Kosovo, les appelant à éviter « toute action qui pourrait déstabiliser la région ». Allié de Belgrade, la Russie s’oppose au sein du Conseil de sécurité de l’ONU à ce que le Kosovo obtienne l’indépendance, et à la reconnaître, si tel était le cas.
Prudence européenne
C’est sur l'épineuse question de la reconnaissance de la souveraineté kosovare qu’ont planché, ce lundi, les diplomates européens. Car l’Union européenne s’inquiète des velléités d’indépendance affirmées du futur Premier ministre kosovar. Ce lundi, le ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt, a appelé les dirigeants kosovars à la prudence, estimant que « Hashim Thaçi doit comprendre qu’il y a une différence entre être un homme politique d’opposition et être un Premier ministre responsable ».
Les Etats-Unis sont d’ores et déjà prêts à reconnaître l’indépendance unilatérale, mais l’Union européenne demeure divisée. Ses Etats membres sont certes majoritairement en faveur d’un plan de l’ONU qui accorderait au Kosovo une indépendance sous surveillance internationale, comme le préconise le rapport Maathi Atisaari. Mais certains pays, comme l’Espagne et l’Allemagne notamment, hésitent encore. Ils redoutent les conséquences, pour toute la région, d’une reconnaissance de l’indépendance du Kosovo. Il existe, par exemple, de fortes velléités séparatistes chez les albanophones de Macédoine. Par ailleurs, la minorité serbe de Bosnie s’agite depuis plusieurs mois, soutenue par Belgrade. Par conséquent, une déclaration d’indépendance, suivie de la reconnaissance par la communauté internationale, pourrait enflammer de nouveau les Balkans.
Négocier « jusqu’à la toute dernière minute »
De nombreux pays européens, pour être en faveur de l’indépendance, n’en soulignent pas moins que la forme doit être respectée. « Le Kosovo devrait obtenir son indépendance, (mais) ce ne doit pas être une déclaration unilatérale. Elle doit être coordonnée avec la communauté internationale », a souhaité Jim Murphy, le ministre britannique des Affaires européennes, en ajoutant : « C’est un défi européen ».
Prudents, les chefs de la diplomatie européenne souhaitent que les négociations continuent jusqu’au 10 décembre prochain : « Je pense que nous devons attendre jusqu’à la toute dernière minute », estime le ministre portugais des Affaires étrangères, Luis Amado, dont le pays préside actuellement l’Union européenne.
En réalité les pourparlers entre Serbes et Kosovars vont également permettre à l’Union européenne de gagner du temps pour essayer de convaincre les Kosovars de contenir leur impatience. Un délai qui permettra également aux différentes chancelleries d’affiner leur réaction à une éventuelle déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo.