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Liban

La semaine de la dernière chance

par Farida Ayari

Article publié le 19/11/2007 Dernière mise à jour le 19/11/2007 à 17:47 TU

Saad Hariri (g) et Nabih Berri (d).(Photo : AFP)

Saad Hariri (g) et Nabih Berri (d).
(Photo : AFP)

Le Liban est entré dans une semaine décisive avant l’expiration, vendredi 23 novembre, du mandat du président de la République, Emile Lahoud,  dont la succession n’a toujours pas fait l’objet d’un compromis entre les différents leaders politiques. Et cela, en dépit de nombreuses pressions internationales. Côté français, Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères est au Liban, pour la sixième fois, au moment où l’on parle du report de la séance parlementaire élective prévue le 21 novembre au 23 novembre.

A Beyrouth, ce 19 novembre, Bernard Kouchner reconnaît que la « situation est beaucoup plus compliquée » que prévu et se déclare « moins optimiste ». Il y a une dizaine de jours, Monseigneur Nasrallah Sfeïr, patriarche de l’Eglise maronite, la plus importante église du Liban- et la communauté à laquelle revient le poste présidentiel en vertu du Pacte national (non écrit) de 1943, promu par la France, alors puissance mandataire sortante - avait refusé d’entrer dans le jeu des noms et renvoyé à leur responsabilité les protagonistes libanais de la querelle de succession présidentielle. Mais, le week-end dernier, il a fini par céder aux pressions de la communauté internationale et a livré une liste de six candidats potentiels à la magistrature suprême. (Voir encadré ci-dessous).

Il revient maintenant aux politiciens libanais de s’entendre sur un candidat, en particulier au chef de file de la majorité, Saad Hariri, et, pour l’opposition, au président du Parlement et chef du parti chiite Amal, Nabih Berri. Mais, alors que le compte à rebours a commencé, la situation paraît inextricablement bloquée.

Division dans le camp chrétien

Le blocage ne résulte pas tant de la division entre majorité et opposition, mais d’une cassure dans le camp chrétien depuis que le général Michel Aoun, le chef du Courant patriotique libre (CPL) qui avait raflé 70 % de l’électorat chrétien aux élections législatives de mai 2005, a conclu un document d’entente mutuelle en février 2006, avec le parti chiite islamiste Hezbollah. Cette alliance politique avec les représentants de la plus importante communauté libanaise - les chiites installés dans le sud du pays, dans le sud de la capitale et dans la vallée de la Bekaa (Baalbeck)- a permis à leurs adversaires d’assimiler les « aounistes » aux pro-syriens. Or, dans le paysage politique libanais actuel, s’il est un homme qui s’est élevé contre la présence syrienne au Liban, jusqu’à les combattre par le feu en 1988, c’est bien le général Aoun, alors éphémère Premier ministre du Liban.

Fort de sa légitimité électorale, le général Michel Aoun estime qu’il est le candidat le mieux placé à la succession d’Emile Lahoud. Ses partisans arguent que, fort du document d’entente mutuelle signé avec le Hezbollah, Michel Aoun est le seul homme politique capable de convaincre le parti chiite de baisser les armes et de dissoudre sa milice à l’aune d’une stratégie de défense nationale élaborée par toute les parties dans le cadre d’un dialogue national. Dialogue prévu par le Courant patriotique libre dans la feuille de route de sortie de crise, qui a été présentée le 28 juillet 2007 à Bernard Kouchner.

Le camp adverse, la majorité parlementaire forte de 68 députés sur 127, estime que le président de la République doit être issu de ses rangs. Le report de la séance parlementaire élective à l’extrême limite du mandat d’Emile Lahoud, pourrait l’inciter à passer en force, et à élire un président à la majorité simple. Cette éventualité est rejetée par l’opposition en vertu de l’article 49 de la Constitution qui stipule que le président de la République doit, au premier tour, recueillir les deux tiers des suffrages des parlementaires. Dans le cas contraire, l’opposition menace de désigner son propre président, son propre gouvernement et de consacrer la division du Liban.

Les enjeux régionaux

« Le drame du Liban, ce sont ses frontières : Israël et la Syrie » estime un observateur libanais, « deux pays qui se font la guerre par procuration sur le dos du Liban » poursuit-il.

L’apparition du Hezbollah sur la scène politique libanaise, dans les années 80, est, en effet, concomitante avec l’occupation du sud de Liban par l’armée israélienne. Le mouvement chiite, armé par la Syrie et l’Iran, se lance alors dans une résistance qu’il saura transformer en victoire politique.

A l’époque, la Syrie occupe le Liban avec la bénédiction de la communauté internationale (Etats-Unis, Arabie Saoudite et Ligue arabe, parrains des accords de Taëf qui mettent fin à la guerre civile 1975- 1990). Damas encourage les actions du Hezbollah contre l’armée israélienne. Redoutant la confrontation directe avec Israël, après la désastreuse guerre de Kippour de 1973, le pouvoir syrien, qui revendique le plateau du Golan annexé en juin 1967 au cours de la guerre des six jours, a trouvé le moyen de déstabiliser l’Etat hébreu sans être en première ligne.

Le retrait syrien du Liban, exigé par la résolution 1559 de septembre 2004 est effectif depuis avril 2005, après l’assassinat en février de l’ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri. Il n’a pourtant pas modéré les ardeurs du Hezbollah. En juillet 2006, l’enlèvement de deux soldats israéliens à la frontière libano-israélienne, coûtera au Liban une réaction israélienne très destructrice. Elle a fait près de 1 300 victimes et détruit les infrastructures du pays. Contrainte et forcée de quitter le Liban qu’elle considère comme son prolongement naturel et stratégique vers la Méditerranée, la Syrie craint l’avènement au Liban d’un régime pro-occidental et donc pro-israélien selon la grille de lecture syrienne. Damas redoute l’éradication de son principal allié, le Hezbollah dont Israël et les Etats-Unis veulent, au contraire, la disparition. Pour la Syrie, seule la restitution par Israël du plateau du Golan pourrait compenser la perte du Liban.

Sous la pression internationale, et notamment celle de la France, la Syrie a récemment écrit au Conseil de sécurité de l’ONU qu’elle était prête à établir des relations diplomatiques avec le Liban et à définir ses frontières. A cet effet, Damas a reconnu que les hameaux de Chebaâ, berceau des sources du Jourdain et du lac de Tibériade, occupés également par Israël depuis 1967, étaient libanais.

L’occupation des hameaux de Chebaâ est le principal argument du Hezbollah pour ne pas désarmer sa milice aux termes de la résolution 1559. Dans ce contexte, le sort du Liban est plus que jamais lié au règlement du conflit israélo-arabe.

Liste de candidats établie par Monseigneur Nasrallah Sfeir, patriarche de l’Eglise maronite

Candidats de la majorité parlementaire :

Boutros Harb, député, 63 ans. Avocat, il est membre du Parlement depuis 1972. Ministre des Travaux publics et de l’Education (1979-1980) et ministre de l’Education (1990-1992).

Nassib Lahoud, 62 ans. Il est le cousin d’Emile Lahoud, président de la République sortant.

Proche de la maison royale d’Arabie Saoudite, sa belle-sœur est l’une des épouses du roi Abdallah. Ingénieur et homme d’affaires, Nassib Lahoud a créé le Parti du renouveau démocratique en 2000. En 1990-1991, il fut ambassadeur du Liban aux Etats-Unis, puis député entre 1991 et 2005.

Candidat de l’opposition :

Michel Aoun, 72 ans. Député et chef du Courant patriotique libre. Commandant en chef de l’armée de 1984 à 1988, il fut nommé Premier ministre par le président Amine Gemayel au cours de la crise politique de 1988. Après l’échec de sa guerre de libération contre l’armée syrienne, il s’exila en France en 1991. Michel Aoun rentre au Liban en mai 2005 et son parti remporte 22 sièges aux élections législatives.

Candidats indépendants :

Robert Ghanem, 65 ans. Avocat et député depuis 1992. Il fut ministre de l’Education et des Sports entre juin 1995 et novembre 1996. Allié, un temps avec la coalition au pouvoir, il prit ses distances il y a plusieurs mois.

Michel Edde, 79 ans. Ancien ministre dans divers portefeuilles entre 1966 et 1998. Il est le principal actionnaire du quotidien de langue française « L’Orient-le Jour ».

Michel Khoury, 84 ans, ancien gouverneur de la Banque centrale et fils de l’ancien président de la République, Béchara El Khoury, l’un des hommes qui avait conclu le Pacte national en 1943.

Selon « L’Orient-le Jour », Saad Hariri et Nabih Berri auraient retenu en lice les trois candidats indépendants.