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Asie du Sud-Est

Asean : la Birmanie impose sa loi

par Nicolas Vescovacci

Article publié le 20/11/2007 Dernière mise à jour le 20/11/2007 à 12:17 TU

Quarante ans après sa création, l'Asean se dote d'un cadre institutionnel. Les 10 pays de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est qui tiennent sommet à Singapour ont signé, mardi, une charte commune. Le document habilitera à terme l'Asean à signer des traités internationaux. Les signataires s'engagent à « renforcer la démocratie et à protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales ». Autrement, dit le texte reste très prudent et très vague. La Birmanie n'est absolument pas menacée. C'est même le pays des généraux qui sort renforcé de sa première épreuve diplomatique depuis la répression du mois de septembre.

Les dirigeants de l'Asean réunis à Singapour le 20 novembre 2007.(Photo : Reuters)
Les dirigeants de l'Asean réunis à Singapour le 20 novembre 2007.
(Photo : Reuters)

Epargnée, soutenue, couverte... Depuis que la Birmanie a intégré l'Asean en 1997, le pays n'a jamais souffert de véritables critiques de la part de l'association. L'organisation a eu beau faire part de sa « révulsion » après la répression de septembre dernier, la Birmanie n'a jamais été condamnée par l'Asean, sachant tirer partie des divisions au sein de la grande famille des pays d'Asie sud Sud-Est afin d'imposer son point de vue : « Ce qui se passe en Birmanie relève des affaires intérieures de mon pays », a encore une fois expliqué Thein Sein, le nouveau Premier ministre birman depuis Singapour où se tient le 13ème sommet de l'Asean.

Fort de ses soutiens, la délégation birmane s'est permise d'entrée de jeu de faire capoter, lundi soir, une réunion pendant laquelle Ibrahim Gambari, l'émissaire de l'ONU pour la Birmanie, devait faire le point sur ses récentes médiations dans le pays.

Yong Chanthalangsy, porte-parole du ministère laotien des Affaires étrangères

Propos recueillis par Alain Renon

«On constate des progrès réalisés par le Myanmar (la Birmanie, selon la dénomination de la junte); il faut laisser à ce pays la chance d'avancer vers la démocratie.»

L'incident est symptomatique et d'autant plus fâcheux que M. Gambari devait s'exprimer à l'invitation de l'hôte du sommet.

Mais au dernier moment, le Premier ministre de Singapour a dû se ranger aux arguments de son homologue birman : « Le Premier ministre Thein Sein a argué que M. Gambari ne devait référer qu'au Conseil de sécurité des Nations unies et non à l'Asean ou au sommet de l'Asie de l'Est ». Ibrahim Gambari a exprimé sa déception. « J'étais venu faire le point, forcément je suis déçu », a déclaré le diplomate nigérian.

Régler le problème « en famille »

Depuis plusieurs jours, l'Asean est sommée d'agir, notamment par les Etats-Unis et l'Union Européenne. Mais l'organisation est incapable de dépasser ses divisions internes : d'un côté les Philippines qui jugent que la situation birmane menace la sécurité régionale ; de l'autre le Laos ou le Vietnam qui souhaitent respecter scrupuleusement la sacro-sainte loi de la non ingérence de peur de créer un précédent.

Très jalouse de ses prérogatives régionales, l'Asean se dit persuadée de pouvoir régler le problème « en famille ». »La Birmanie est un membre de l'Asean. Aucune famille ne souhaite voir l'un de ses membres malade. Même si nous ne sommes pas toujours d'accord avec lui », rappelait récemment Lee Hsien Loong, le chef du gouvernement singapourien.

Dans ce contexte, la moindre mesure coercitive est impensable. L'Asean continue d'affirmer que l'expulsion de la Birmanie de son organisation ne résoudrait aucun problème. Que toute sanction ne ferait qu'aggraver la situation économique et sociale désastreuse qu'endurent les vingt-sept millions de Birmans.

De fait, l'Asean jette un voile de respectabilité sur un pays qui n'a jamais hésité à recourir à la violence contre sa propre population. Devant ses pairs asiatiques, la Birmanie est restée maîtresse du jeu.