Législatives en Australie
Un électeur «Greens»
Au Tribunal, Roger de Robillard porte la perruque et la robe noire des « barrister-at-law. » Il s’agit dans le système anglo-saxon, des avocats qui plaident devant la cour, autant dire une très belle carrière pour ce juriste, mauricien d’origine, qui contemple aujourd’hui l’opéra et la baie de Sydney depuis son luxueux appartement du centre-ville. Roger de Robillard a réussit dans ce pays, mais il n’oublie pas la modestie de ses origines. C’était il y a trente ans. Ses parents devaient choisir entre l’Europe et l’Australie, ce sera finalement l’Australie. Voilà peut-être aussi pourquoi cet avocat est l’un des plus fervents défenseurs des « Greens », le parti des Verts à Sydney.
(Photo : Stéphane Lagarde/RFI)
RFI : Pourquoi les questions d’environnement ont-elles pris une telle place dans la campagne électorale en Australie ?
Roger de Robillard : En fait, on peut même parler de révolution. Elle a été déclenchée par le rapport des experts des Nations unies qui ont mis les points sur les « i » de l’Australie. Parmi les grands pays, nous sommes les seuls avec les Etats-Unis à n’avoir pas ratifié le protocole de Kyoto et les experts ont dit que cela ne pouvait plus durer. Cela signifiait que le Premier ministre, John Howard, ne pouvait plus continuer à ignorer ces problèmes, ce que disaient d’ailleurs les « Greens » depuis longtemps. Et puis autre déclencheur, cette fois lié aux nombreux dérèglements climatiques de ces dernières années : il y a eu une sécheresse extraordinaire, il y a eu de nombreux incendies, ce qui a suscité une vive inquiétude chez les « farmers ». Or ces fermiers australiens sont à la base de la coalition qui gouverne ce pays depuis 11 ans. L’environnement est devenu un problème réel pour les gens en Australie.
RFI : Cela veut-il dire que l’électorat rural va voter pour les travaillistes ?
RdR : C’est un peu plus compliqué mais c’est vrai qu’il y a un basculement. Devant la popularité soudaine de son rival travailliste, John Howard a annoncé l’année dernière un grand plan pour réanimer le « Murray River ». Il s’agit d’un système de rivières qui commence dans le Queensland au Nord, passe par le New-South-West, Victoria et descend jusqu’au Sud dans le South-West. Or ce système de rivières est complètement desséché, à cause d’abus et notamment d’une quantité trop importante d’eau utilisée par les paysans pour cultiver leur terre. Alors, comme il était en difficulté politique, Howard a proposé de relancer le système en rachetant aux fermiers leur droit d’irrigation. Il faut bien comprendre que toute cette eau traverse quatre territoires, et que jusqu’alors les paysans avaient le droit, pour une somme modique, de se servir au passage. Le programme formulé par le Premier ministre s’inscrit donc dans un cadre fédéral. Mais comme d’habitude en Australie, certains Etats ont dit oui quand d’autres ont dit non, et en 12 mois rien n’a avancé.
RFI : Et c’est cela qui explique la passion des Australiens pour ces questions ?
RdR : Oui, les gens sont conscients qu’il y a un manque d’eau et c’est nouveau. Car si avec des phénomènes comme El Nino, de nombreux pays en ont pris en conscience, ici on n’y pensait pas. Désormais, même à Sydney il y a une sécheresse. Les réserves d’eau ne sont qu’à 30 %. Il a fallu descendre les pompes plus bas dans les réservoirs pour trouver l’eau nécessaire à la ville. John Howard a proposé l’alternative de la désalinisation. Ils ont même commencé à construire la première usine. Ce procédé coûte une fortune alors que les Verts suggéraient de leur coté tout un système de recyclage des eaux de pluies, notamment.
RFI : Les Australiens ont pourtant, dit-on, le « trou » de la couche d’Ozone au dessus de leur tête…
RdR : Nous sommes effectivement au sud de l’Antarctique, là où selon les scientifiques l’ozone se concentre le plus. Donc effectivement, c’est juste au-dessus de l’Australie et nous sommes donc les plus exposés. En même temps, les Australiens sont aussi depuis longtemps concernés par ces questions. C’est un Australien qui le premier à eu idée de ces « clean up Australia », jour de grands ménage où se bousculent des milliers de volontaires pour nettoyer le pays. Et aujourd’hui, l’idée a été reprise dans le monde entier.
RFI : Soleil et vents contre le nucléaire, c’est aussi le credo des Verts…
RdR : Le plus comique, c’est que quand les libéraux se montrent favorables aux centrales, les travaillistes leur répondent : oui mais où ? Dans quel Etat ? Et à chaque fois, le gouvernement fait route arrière. Au fond, ce qui est ridicule, c’est qu’ici nous avons tellement de soleil qu’il serait idiot de ne pas s’en servir. Mais non, le gouvernement continue de préférer le nucléaire au solaire. Voilà pourquoi je pense que les petits partis comme les Verts sont très utiles au Sénat. Je crois que seuls les petits partis ont une vision de long terme et ne laisse pas tout décider en fonction des intérêts des grandes fortunes économiques. Pour éviter que les lois passent sans discussions comme c’était le cas ces dernières années, les Verts ont décidé de s’allier aux travaillistes. C’était juste après que Kevin Rudd soit sortit de ce que les médias ont appelés le« moi aussi », en début de campagne. A chaque fois qu’Howard faisait une proposition, Rudd dégainait la sienne en disant « moi aussi ». Et puis un jour, il a dit non. Et c’était justement sur une question très importante pour l’environnement, puisqu’il a promis qu’une fois élu il ratifierait le protocole de Kyoto.
Propos recueillis par Stéphane Lagarde
Article publié le 22/11/2007 Dernière mise à jour le 22/11/2007 à 14:45 TU