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France/Entretien

«On n'a pas tiré les leçons des émeutes de 2005»

Article publié le 26/11/2007 Dernière mise à jour le 26/11/2007 à 15:21 TU

La police a sécurisé la ville de Villiers-le-Bel, où se sont déroulées des échauffourées entre des jeunes et la police.(Photo : Reuters)

La police a sécurisé la ville de Villiers-le-Bel, où se sont déroulées des échauffourées entre des jeunes et la police.
(Photo : Reuters)

Après le décès, dimanche, à Villiers-le-Bel, en banlieue nord de Paris, de deux jeunes percutés en moto par une voiture de police, deux sociologues, Laurent Mucchielli et Marwan Mohammed, analysent dans un entretien à RFI, pourquoi ce qui est au départ un dramatique accident, dégénère si facilement en afrontements avec les forces de l'ordre. Les sociologues Laurent Mucchielli et Marwan Mohammed sont les auteurs de l'ouvrage Les bandes de jeunes, des Blousons noirs à nos jours, publié aux éditions La Découverte.

RFI : Aujourd’hui, le patron du Parti socialiste, François Hollande, dénonce une crise sociale toujours aussi profonde, deux ans après les émeutes provoquées là-aussi par la mort de deux jeunes gens. A Villiers-le-Bel, c'est la gravité des faits, pointée du doigt par des témoins, à savoir la fuite des policiers qui a sans doute provoqué cette violence ?

Laurent Muchielli.(Photo : DR)

Laurent Mucchielli : Comme d’habitude… Au départ, c’est la mort de jeunes et puis, je dirais qu’il y a peut-être un facteur supplémentaire qui sont les conditions de la mort. Il y a l’accident en lui-même bien sûr, et puis ensuite, il y a le fait que les policiers s’enfuient sans porter assistance, qui en rajoutent dans le caractère scandaleux du point de vue des habitants, bien sûr…

RFI : Est-ce qu’on peut parler de redite par rapport à ce qui s'est passé en octobre 2005 ?

Laurent Mucchielli : Bon, il faut quand même rappeler que depuis qu’il y a des émeutes, elles sont plus de 9 fois sur 10 déclenchées à la suite de la mort de jeune d’un quartier en relation avec une opération de police, sous des modes très divers… mais, c’est quand même le point de départ. C’est la caractéristique des émeutes françaises en particulier, c’est que c’est quand même un peu toujours la même histoire au début. Cela dit, la comparaison avec 2005, la spécificité de novembre 2005, c’est le caractère national.

RFI : Parce que ça c’est étendu un peu partout ?

Laurent Mucchielli : Oui, l’émeute a toujours ce déclenchement-là, mais dans un quartier à la fois… Cependant, pour les évènements de Villiers-le-Bel, là, il est trop tôt pour en parler. Mais, ce qui est sûr c’est que la communication des pouvoirs publics sur ce qui se passe a été un des facteurs de l’aggravation des émeutes en novembre 2005.

RFI : Il y avait eu mensonge en fait ou en tout cas omission ?

Laurent Mucchielli : Voilà… il y a mensonge, il y a systématiquement volonté de dire « mais non, la police n’y est pour rien. Ces jeunes se sont tués tout seuls comme des idiots », c’est précisément ce qu’il ne faut pas dire si on ne veut évidemment pas en rajouter dans l’humiliation et mettre les gens deux fois plus en colère. De ce point de vue-là, on peut craindre malheureusement que les leçons n’aient pas été tirées.

RFI : Alors  justement, je parlais à votre collègue Marwan Mohammed, vous-même vous revenez de plusieurs quartiers dans le Val-de-Marne... On en parle beaucoup de ce drame ?

Marwan Mohammed.(Photo : DR)

Marwan Mohammed : Oui, oui... on discute beaucoup sur ces questions-là. On sent une émotion qui est palpable, une identification primaire, si je peux employer cette expression, par rapport à ce qui se passe à Villiers-le-Bel, comme par rapport à ce qui c’était passé à Clichy-sous-Bois. Et il faut savoir que depuis 2005, si on veut parler de 2005, il y a des éléments qui ont été mis en avant sur les conflits, sur les réactions par rapport à ces types d’événements, sur l’affrontement direct qui se met en place entre les jeunes et la police. Et ça montre bien à quel point, la situation reste figée d’un point de vue institutionnel en tout cas… il n’y a rien qui bouge et on voit très bien que les leçons ne sont pas prises en compte.

RFI : Côté policier, est-ce qu’il n'y a pas justement un dysfonctionnement au sein de la police, peut-être au niveau de la formation, c’est-à-dire comment appréhender effectivement la violence des jeunes qui éclate soudainement dans une cité ?

Marwan Mohammed : Je pense que ça dépasse largement les modalités de maintien de l’ordre. On n’est pas seulement dans ces modalités, on est aussi dans l’image de la police chez une grande partie de la population, notamment en ce qui concerne la médiocrité des relations entre les jeunes et les forces de l’ordre. Et sur ce face-à-face qui s’entretient en permanence de manière négative, de manière conflictuelle, et qui ne s’inverse pas, c’est-à-dire que ce n’est pas pris en compte cette question-là. On retombe sur les mêmes schémas, les mêmes types de réactions et il ne faut pas s’en étonner.

Et puis, ce qui est intéressant, en tout cas pour le moment dans les propos des jeunes, ce qui met les gens en colère tout de suite, ce n’est pas tant l’accident en lui-même, parce que sur cela personne n’a d’éléments concrets, on a des hypothèses qui sont un peu rapidement avancées, à mon avis, par l’IGPN (inspection générale de la police nationale) qui innocentent, d’après le journal Le Monde, les policiers. On n’en est pas là, sur la vérité objective de ce qui s’est passé… mais c’est sûr, les conduites juste après l’accident, sur la fuite, sur le fait de laisser deux jeunes mourants… On ne sait pas en effet s’ils sont morts tout de suite, s’ils sont morts quelque temps après et ne pas leur porter secours… Je pense que c’est ça d’abord qui a outré une grande partie de la population, en tout cas c’est comme ça qu’ils l'expriment.

RFI : On peut parler, plus largement, de véritable échec de la politique de la ville ? Il y a un vrai problème effectivement entre ces jeunes des quartiers, des cités sensibles et les forces de police. D’un point de vue social, rien n’a bougé ?

Marwan Mohammed : D’un point de vue social, ça se dégrade, c’est vrai. Mais je ne sais pas pourquoi on dit tout le temps, les rapports médiocres entre la police et les jeunes et la politique de la ville. Ce n’est pas le problème. Je pense qu’il faut arrêter de raisonner comme ça, de remettre en question la politique de la ville parce qu’il y a des affrontements et qu’il y a une mauvaise relation entre les jeunes et la police.

Laurent Mucchielli : En l’occurrence, c’est la politique de sécurité qui est concernée ici. C’est la façon dont on forme les policiers, c’est la doctrine qu’on leur donne, ce sont les façons qu’ils ont d’intervenir dans les quartiers dans une situation encore une fois qui est très difficile pour eux bien entendu, comme pour tous les acteurs institutionnels de première ligne, on pourrait dire. Mais, c’est eux qui sont en cause, ce n’est pas la politique de la ville, c’est la politique de la sécurité.

Entretien réalisé par Catherine Rolland

Marie-Thérèse de Givry

Procureur de Pontoise

« Cet accident de la circulation a eu lieu entre un véhicule de police, qui circulait normalement, qui ne poursuivait personne... une mini-moto est arrivée sur sa gauche, montée par deux mineurs dont on déplore la mort aujourd'hui ».

26/11/2007

Michèle Alliot-Marie

Ministre de l'Intérieur

« La situation est tendue et certains peuvent essayer d'utiliser cette situation pour créer des incidents ».

26/11/2007

Stéphane Le Foll

Directeur de cabinet de François Hollande

«Nous condamnons de manière claire toutes les violences... Ce qui s'est passé traduit un malaise qui dure dans les banlieues et traduit surtout, le fait que ce gouvernement et le précédent n'ont rien fait depuis les émeutes de 2005 ».

26/11/2007

Nadine Morano

Porte-parole de l'UMP

« C'est un accident, il faut faire la lumière...une enquête est en cours. Que ça se passe en banlieues ou ailleurs un accident c'est toujours dramatique, il faut savoir garder son sang-froid ».

26/11/2007