Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Afrique du Sud

Jacob Zuma, nouveau président de l'ANC ?

par Valérie Hirsch

Article publié le 27/11/2007 Dernière mise à jour le 27/11/2007 à 15:07 TU

Jacob Zuma, le leader zoulou.(Photo : Valérie Hirsch)

Jacob Zuma, le leader zoulou.
(Photo : Valérie Hirsch)

Le leader zoulou controversé a recueilli deux-tiers des voix des délégués de l’ANC, lors de primaires organisées pour l’élection du nouveau président du parti, après d'intenses débats tenus à huis clos. C'est donc un nouveau revers pour le président Thabo Mbeki dans la course à la tête de l'ANC.

Sauf surprise de dernière minute, Jacob Zuma devrait être élu président de l’ANC, lors du congrès du parti à Polokwane, du 16 au 20 décembre. Le président sortant, Thabo Mbeki, espérait être reconduit dans ses fonctions (qu’il occupe depuis dix ans) et garder ainsi un contrôle sur la vie politique après 2009, quand il ne sera plus chef de l’Etat. La Constitution lui interdit, en effet, de briguer un troisième mandat à la tête du pays.

Mais tous ces beaux plans semblent déjoués par l’ascension extraodinaire de l’enfant terrible de la politique sud-africaine, Jacob Zuma. Cet homme de 65 ans – comme Mbeki – a été au centre de multiples controverses. Il a été accusé de corruption dans une affaire liée à un énorme contrat d’achats d’armement, pour laquelle il risque d’être inculpé à nouveau. Il a également été jugé dans une affaire de viol et acquitté en mai 2006 au terme d’un procès qui avait fait les choux gras de la presse, notamment lorsqu’il avait declaré qu’il pensait se prémunir du sida, en prenant une douche !

Il y a deux ans, alors qu’il avait été limogé par Mbeki de la vice-présidence du pays, personne n’aurait pu prédire que Zuma parviendrait à rebondir de manière aussi spectaculaire. Le leader zoulou a, en effet, reçu l’investiture de près de deux tiers des délégués de l’ANC, lors de primaires organisées dans chaque province, ainsi qu’au sein de la Ligue des jeunes et de la Ligue des femmes de l’ANC. On savait que cet homme controversé bénéficiait du soutien des Zoulous (son ethnie) et de la base du parti. Mais personne ne s’attendait à un tel score. Contre toute attente, ce polygamiste traditionaliste (il considère ainsi qu’une minijupe est une invitation à des relations sexuelles) a même remporté, lundi soir, la majorité du vote au sein de la Ligue des femmes de l’ANC. La stratégie de Mbeki, qui a proposé qu’une femme lui succède comme chef de l’Etat en 2009, a fait long feu.

Contrairement à Mbeki, Zuma est charismatique

Les commentateurs politiques estiment que Zuma a, en grande partie, bénéficié d’un vote de rejet contre Mbeki. Le premier s’est, en tout cas, beaucoup moins démarqué du second par ses idées – qui restent floues, notamment du fait que les candidats à la présidence de l’ANC n’ont pas le droit de faire campagne - que par son style. Zuma est apparu comme un homme charismatique, un homme d’ouverture et de dialogue, toutes qualités qui manquent à Mbeki. C’est la principale raison pour laquelle il jouit du soutien du parti communiste et du syndicat Cosatu (étroitement lies à l’ANC, au sein de « l’alliance au pouvoir »), qui ont repris à leur compte la thèse selon laquelle les déboires judiciaires de Zuma avaient été orchestrés par le chef de l’Etat. « Les militants ordinaires de l’ANC sont autant dégoutés par le style politique opaque et manipulateur de Mbeki que le sont les partenaires de l’alliance », estime le journal Business Day.

Soutenu par la gauche de l’ANC, Zuma s’est efforcé ces derniers temps de rassurer les milieux d’affaires, qui s’inquiètent aussi de son manque d’éducation (il n’a pas terminé l’école) et de son populisme (il a ainsi proposé un référendum pour rétablir la peine de mort). Un pari qui semble en passe d’être gagné : le rand n’a pas bougé, malgré l’avance prise par Zuma.

L'arrivée d'un outsider est toujours possible

Bien des scénarios sont encore possibles, d’autant plus que les 4 500 participants au congrès de l’ANC voteront à bulletin secret pour le candidat de leur choix. Ils peuvent même proposer un outsider à la dernière minute, s’il a le soutien de 25 % des délégués. Certains estiment, comme le journal The Star, que Mbeki devrait se désister : « Ce serait le jour le plus triste si Mbeki devait laisser comme souvenir celui d’un president diviseur, voulant le pouvoir à tout prix, amère et solitaire ». D’autres évoquent l’hypothèse, très incertaine toutefois, d’un candidat de compromis. Deux anciens dirigeants de l’ANC devenus de prospères hommes d’affaires, Tokyo Sexwale (ouvertement candidat) et Cyril Ramaphosa (que Mandela aurait aimé comme successeur, à la place de Mbeki, qui lui fut imposé) sont en lice, pour cette échéance ou la suivante.

Si Zuma est élu, le climat politique ne sera pas pour autant éclairci. La cohabitation avec Thabo Mbeki, qui restera en principe chef d’Etat jusqu’en 2009, sera tendue. L’ANC va sans doute continuer à s’entre-déchirer, d’autant plus que Zuma pourrait être entravé dans ses ambitions présidentielles par une nouvelle inculpation. Le feuilleton de la bataille pour le pouvoir est donc loin d’être terminé.