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Bolivie

Grève générale pour contrer Morales

Six des neuf provinces boliviennes ont entamé deux jours de grève générale à partir de ce mercredi pour protester contre la réforme constitutionnelle voulue par le président socialiste Evo Morales. Les gouverneurs de ces provinces veulent ainsi paralyser l’activité économique dans les zones les plus riches du pays pour protester contre la réforme constitutionnelle voulue par le président Morales. Après les affrontements à Sucre, qui ont fait quatre morts et des centaines de blessés le week-end dernier, cet appel à cesser le travail constitue une nouvelle étape dans le bras de fer entre l’opposition conservatrice et le socialiste Evo Morales.


 

 

Le président bolivien Evo Morales veut faire passer en force sa nouvelle Constitution ce qui a provoqué des manifestations à Sucre, dans le sud-est du pays.  

		(Photo : Reuters)
Le président bolivien Evo Morales veut faire passer en force sa nouvelle Constitution ce qui a provoqué des manifestations à Sucre, dans le sud-est du pays.
(Photo : Reuters)

 

Donner plus de pouvoir politique à la majorité indienne pauvre en Bolivie : voilà le cœur du programme d’Evo Morales, dont la réforme constitutionnelle devait être la pièce maîtresse. Mais en un an et demi, le projet du président socialiste n’a fait finalement que creuser d’avantage les divisions régionales et ethniques dans le pays.

L’approbation du texte de la réforme constitutionnelle par les députés du Mouvement vers le socialisme (MAS), la formation politique du président Morales, samedi dernier dans un lycée militaire de Sucre, a provoqué de graves violences, secouant la capitale officielle durant trois jours.

 

L’Assemblée constituante – l’histoire d’un échec

Depuis sa création en juillet 2006, l’Assemblée constituante n’a pas adopté un seul article de la nouvelle Constitution, censée – selon Evo Morales - « refonder le pays ». Principale pomme de discorde entre les 138 députés du MAS et les 117 de l’opposition: le déménagement du Parlement et de la présidence de la République de La Paz, leur actuel siège, à Sucre, la capitale officielle. Le refus du président Morales devant cette exigence des conservateurs a provoqué de nombreuses manifestations. Les heurts ont été si violents qu’ils ont obligé la Constituante, au mois d’août, à interrompre ses travaux. Ils auraient dû reprendre à la mi-novembre, mais de nouvelles divergences entre les partisans d’Evo Morales et ceux de l’opposition ont contrecarré le calendrier. Pourtant le temps presse : les débats de la Constituante devraient se terminer le 14 décembre prochain. Le président Morales a donc décidé de passer en force. Le projet de la réforme constitutionnelle a finalement été approuvé par ses partisans samedi dernier. Les députés de l’opposition avaient refusé de siéger et ont qualifié ce vote d’illégal. Car le MAS ne dispose pas de la majorité des deux tiers, pourtant nécessaire pour adopter tout amendement à la Constitution.       

 

Face aux affrontements à Sucre le week-end dernier et l’indignation de l’opposition libérale et conservatrice, Evo Morales a souligné que la nouvelle charte suprême, longue de 408 articles, faisait partie de la « révolution démocratique » en Bolivie.

La Constitution réformée instituerait un Etat unitaire, plurinational et laïc. Par ailleurs, elle interdirait la privatisation des ressources naturelles du pays, considérées comme stratégiques.

« Une Constitution maculée de sang »

Les adversaires du président Morales - l’ensemble de l’opposition nationale ainsi que les leaders de plusieurs provinces et les associations patronales - ont immédiatement dénoncé cette Constitution « maculée de sang », « née en ignorant la moitié du pays ». Selon Jorge Quiroga, fer de lance de l’opposition conservateur et ancien président de la Bolivie, cette réforme a pour seul but « qu’Evo Morales, le sang sur les mains, se perpétue au pouvoir, en suivant le très mauvais exemple de Hugo Chavez ». Et il était visiblement pas le seul à faire le lien entre le tonitruant président vénézuélien et son « socialisme du XXIe siècle » et le chef d’Etat bolivien : lundi soir, les murs de Sucre étaient couverts de graffitis «  Chavez ordonne, Evo obéit ».

L’opposition hésite sur la stratégie

Après les violences des derniers jours, l’opposition semble hésiter sur la stratégie à suivre. La semaine dernière déjà, quatre gouverneurs de province avaient appelé la population à la « désobéissance civile » contre le gouvernement socialiste. Ce lundi, ils sont six, dont celui de Santa Cruz, la province la plus riche du pays, à appeler à la grève générale de 48 heures à partir de mercredi. Désormais, seul trois des neuf provinces boliviennes soutiennent encore la politique du président. La population de Sucre, une ville qui compte 350 000 habitants, et ses dirigeants se sont également joints aux gouverneurs hostiles à Evo Morales.

Mais ce dernier n’est pas non plus sans soutien : le chef d’Etat mobilise actuellement sa base politique, planteurs de cocas, ouvriers et paysans pauvres de l'Altiplano. Les « ponchos rouges », groupe extrémiste aymara, se dit disposé à marcher sur Sucre. Vendredi dernier, ses membres ont même sacrifié deux chiens par pendaison en signe de déclaration de guerre à « l'oligarchie riche et blanche ».

La situation explosive en Bolivie suscite désormais l’inquiétude de la communauté internationale. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a fait part lundi de sa préoccupation. « En vue de renforcer la démocratie et le respect des droits de l'homme en Bolivie, le secrétaire général exhorte tous les acteurs politiques et sociaux à garder le calme, à s'abstenir de recourir à la violence, et à chercher un consensus sur les questions  urgentes qui affectent le peuple bolivien » a-t-il déclaré dans un communiqué.



par Stefanie  Schüler

Article publié le 27/11/2007 Dernière mise à jour le 27/11/2007 à 17:33 TU