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Zimbabwe

Le grenier est vide

par Cyril Bensimon

Article publié le 03/12/2007 Dernière mise à jour le 03/12/2007 à 13:08 TU

Quatrième volet de notre série consacrée au Zimbabwe. Autrefois considéré comme le grenier à blé de l’Afrique australe, ce pays connaît depuis 7 ans une grave crise agricole. La faute à une réforme agraire qui prévoyait de redistribuer les terres de quelques 5000 paysans blancs à des paysans noirs. Problème, si les nouveaux détenteurs des terres sont noirs, ils sont bien rarement paysans. Cyril Bensimon s’est rendu sur place il y a quelques semaines.

 

Une ancienne ferme.(Photo : Cyril Bensimon/RFI)

Une ancienne ferme.
(Photo : Cyril Bensimon/RFI)

La terre est encore aride mais les nuages qui se forment au dessus de la savane indiquent que les premières pluies vont bientôt arroser les plantations. Une fin de saison sèche qui ne semble pas suffisante pour réconforter Martin. « Même s’il pleut en abondance, cela ne changera rien » affirme ce père de famille. « Les terres appartiennent désormais à des proches du pouvoir. Des fermiers cellulaires comme on les appelle. Ils passent des ordres au téléphone depuis Harare et ne viennent que les fins de semaines profiter des belles maisons récupérées aux blancs. » Martin comme l’immense majorité de ses compatriotes considère que la redistribution des terres aux noirs était justifiée mais qu’elle a été faite en dépit du bon sens. « Une petite poignée de gens ne peut occuper les deux tiers des terres les plus fertiles mais encore faut-il que ceux qui bénéficient de cette mesure aient des compétences agricoles » poursuit-il d’une voix calme.

Depuis l’an 2000, et l’imposition par la force de la réforme agraire par Robert Mugabe, ce sont en effet des ministres, des ambassadeurs, des patrons d’entreprises publiques ou des vétérans de la guerre d’indépendance qui ont pris la possession des champs. Pas les paysans. La conséquence est visible un peu partout dans le pays. Sur le bord des routes, on aperçoit ça et là des fermes brûlées et nombre de parcelles sont laissées en friche. Quelques ouvriers agricoles continuent à gratter la terre mais l’un d’eux rencontré à Chegutu, une petite ville située à une centaine de kilomètres d’Harare, concède que cette année encore il sera difficile d’avoir une récolte digne de ce nom. La faute, selon lui, aux coupures d’électricité récurrentes qui empêchent l’arrosage automatique des plantations. « Les nouveaux propriétaires préfèrent l’argent facile. Plutôt que cultiver, ils revendent au marché noir l’essence qu’ils achètent à un prix subventionné par le gouvernement » explique un homme d’affaire.

Ferme sur la route d'Harare.(Photo : Cyril Bensimon/RFI)

Ferme sur la route d'Harare.
(Photo : Cyril Bensimon/RFI)

Il y a quelques années, le Zimbabwe exportait ses céréales, ses fruits ou son tabac. Aujourd’hui, la malnutrition est devenue une réalité pour bon nombre d’enfants. Malgré la catastrophe agricole, le pouvoir ne semble pas décidé à mettre un terme à son utilisation politique de la question de la terre. A l’entrée de la petite ville de Chegutu, une banderole surplombe la route Robert Mugabe. On peut y lire « pas de réelle indépendance sans indépendance économique. Continuez la lutte Monsieur le Président. »