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Zimbabwe

L'économie de la dépression

par Cyril Bensimon

Article publié le 03/12/2007 Dernière mise à jour le 05/01/2008 à 00:31 TU

Dernier volet de notre série consacrée au Zimbabwe. Dans ce pays qui bat des records en matière d’inflation - plus de 10 000% annuels selon les dernières estimations - on ne compte plus qu’en millions et la débrouille est devenue la règle pour l’essentiel de la population. Cyril Bensimon s’est rendu sur place il y a quelques semaines. Il nous raconte le quotidien des Zimbabwéens plongés au milieu d’une économie devenue irrationnelle.

 

File d'attente devant une banque.(Photo : Cyril Bensimon/RFI)

File d'attente devant une banque.
(Photo : Cyril Bensimon/RFI)

« Nous sommes devenus une nation de voleurs. Il n’y a finalement que de petits et de grands criminels. » Herman est un jeune cadre qui ne manque ni d’arguments, ni de détails pour dénoncer le marasme dans lequel se trouve plongé son pays. « La pénurie de carburants et de devises permet à certains de s’enrichir. Par exemple, des proches du pouvoir achètent au taux officiel des dollars américains à la banque centrale et les échangent au marché noir trente fois plus cher. Pour le reste, tout le monde se débrouille comme il peut. »

Les fléaux de la récession et de l’hyperinflation ont en effet généré des vocations forcées. Changeurs d’argent au carrefour, trafiquants d’essence entreposant des centaines de litres dans la cour de leur maison, revendeurs de temps à perdre faisant la queue pour des plus riches.

Epicerie vide sur la route de Bulawayo.(Photo : Cyril Bensimon/RFI)

Epicerie vide sur la route de Bulawayo.
(Photo : Cyril Bensimon/RFI)

« Prenez une caissière de supermarché, poursuit Herman, son salaire mensuel est au maximum de huit millions de dollars zimbabwéens, moins de dix dollars américains au marché noir. Pour aller travailler, elle dépense chaque jour plus d’un million et demi dans les transports collectifs. Dix kilos de riz valent 17 millions de dollars. C’est impossible pour elle de s’en sortir. » Wendy, une secrétaire de 26 ans, explique qu’elle ne pourrait survivre sans les colis de nourriture que lui envoient ses cinq frères et sœurs partis s’installer dans les pays voisins. « On a appris à se serrer la ceinture, dit-elle, mais chaque jour c’est de pire en pire. » La solidarité de la diaspora est en effet devenue un moyen de subsistance pour bon nombre de Zimbabwéens mais au niveau local la crise économique a ébranlé les fondations traditionnelles de la famille étendue. « Aujourd’hui, je n’ai plus les moyens d’inviter à manger mes oncles, mes tantes ou mes cousins » déplore Martin, un chauffeur de taxi.

S’exiler comme des millions d’autres, tous ne sont pas prêts à le faire. Ou pas à n’importe quel prix. La Zambie, le Botswana ou le Mozambique sont souvent considérés comme trop peu développés. L’Afrique du sud est, elle, jugée trop violente. Les sept années d’effondrement continu de l’économie n’ont pas encore effacé des mémoires le souvenir d’un Zimbabwe prospère. La volonté de contester le régime de Robert Mugabe semble en revanche diminuer de jour en jour. « Chacun a trop à faire avec le quotidien » explique Herman.

L'équivalent de 15 euros au marché noir.(Photo : Cyril Bensimon/RFI)

L'équivalent de 15 euros au marché noir.
(Photo : Cyril Bensimon/RFI)