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France/Allemagne

Une relation conflictuelle

par Valérie Lainé

Article publié le 06/12/2007 Dernière mise à jour le 07/12/2007 à 09:00 TU

Le président français Nicolas Sarkozy (G) accueille la chancelière allemande Angela Merkel au palais de l'Elysée, ce jeudi 6 décembre 2007, pour participer à un sommet informel franco-allemand, le 32e du genre.(Photo : AFP)

Le président français Nicolas Sarkozy (G) accueille la chancelière allemande Angela Merkel au palais de l'Elysée, ce jeudi 6 décembre 2007, pour participer à un sommet informel franco-allemand, le 32e du genre.
(Photo : AFP)

Angela Merkel rendait visite ce jeudi à Paris à Nicolas Sarkozy pour des entretiens réguliers entre les deux dirigeants. La France et l’Allemagne sont en Europe les deux pays dont les relations sont les plus approfondies sur le plan économique comme sur le terrain politique. Une proximité qui n’exclut cependant pas les divergences d’approche qui se sont multipliées ces derniers mois entre la chancelière allemande et le président français. A l’exception notable d’une fructueuse coopération qui a permis de trouver un accord sur le traité réformant les institutions de l’Union européenne, lequel devrait mettre fin au blocage de l’Europe initié par le non français au référendum de mai 2005.

Le jour même de son investiture à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy choisit de se rendre quelques heures à Berlin pour y affirmer en compagnie de la chancelière, qu’il embrasse ostensiblement devant les caméras, sa volonté de trouver une solution à la panne dans laquelle la France a plongé l’Union européenne en votant non au projet de Constitution. L’Allemagne, qui a ratifié le texte, veut en préserver l’essentiel. La France propose d’en faire une version simplifiée. Ce grand écart apparent va en quelques mois disparaître. Et c’est bien la quasi-totalité des dispositions novatrices de la Constitution qui se retrouve dans le traité de Lisbonne que les 27 chefs d’Etat et de gouvernement vont signer dans la capitale portugaise le 13 décembre prochain.

Le succès est celui, partagé, d’Angela Merkel qui préside alors l’Union et de Nicolas Sarkozy qui sillonne les pays européens pour trouver des terrains d’entente avant de jouer les médiateurs lors du sommet de Bruxelles qui accouche en juin dernier du difficile compromis notamment avec la Pologne. Toujours sur le terrain européen, les deux dirigeants partagent le même refus de voir la Turquie adhérer de façon pleine et entière à l’Union, préférant à cette perspective celle d’une association. Enfin ils se retrouvent sur une ligne assez proche concernant la relation avec les Etats-Unis qu’ils souhaitent l’un et l’autre moins conflictuelle que celle qui prévalait au temps de Jacques Chirac et de Gerhard Schröder.

Désaccords politiques

On ne peut en dire autant en ce qui concerne la façon dont les dirigeants français et allemand considèrent la Russie de Vladimir Poutine. A l’issue du vote qui donne dimanche 2 décembre la victoire au parti du président russe, Nicolas Sarkozy appelle son homologue pour le féliciter de sa victoire. Deux jours plus tard, le secrétaire d’Etat français chargé du Commerce extérieur, en visite à Moscou, loue même « la clarté des résultats qui ouvre une période de stabilité importante pour les acteurs économiques ». Le discours et la tonalité sont tout autre à Berlin. « La Russie n’est pas une démocratie » assène Angela Merkel, tandis que son porte-parole détaille « si l’on prend en compte nos critères et nos normes, ce n’étaient pas des élections libres, équitables et démocratiques » et à propos du score de 64% obtenu par Russie Unie « ce résultat n’est pas surprenant au vu des considérables limitations apportées aux droits des partis d’opposition et des militants des droits de l’homme, à la liberté d’opinion et de presse ». Ce divorce dans le discours marque une véritable différence d’approche politique car sur le plan économique les deux pays ont en partage une même volonté de conquête pour le marché russe et une dépendance identique à l’égard de l’approvisionnement énergétique.

Le projet du président français de lancer une Union méditerranéenne ne suscite pas non plus l’enthousiasme de la chancelière. Angela Merkel se dit « sceptique » face à cette idée d’une coopération entre les pays des rives nord et sud de la mer Méditerranée, alors qu’un processus, dit de Barcelone, existe déjà, incluant l’ensemble des 27 pays membres de l’Union et leurs partenaires du nord de l’Afrique et du Moyen-Orient. Le projet français pourrait même « conduire à une scission au sein de l’Union » selon Angela Merkel. Le gouvernement allemand craint que l’idée française ne provoque une concurrence mal venue avec la coopération déjà existante qui prévoit des aides financières dans le cadre de la politique de voisinage.

Divergences économiques

La mésentente franco-allemande est encore plus ancrée en ce qui concerne la gestion des comptes publics et de la monnaie européenne. Nicolas Sarkozy ne manque pas une occasion de critiquer le fonctionnement de la banque centrale européenne tant en ce qui concerne la récente crise financière que la gestion trop isolée des taux d’intérêt. Des critiques rejetées par la partie allemande qui exhorte à ne pas remettre en cause l’indépendance de la BCE et juge « appropriée » selon le ministre des Finances, la politique suivie par l’institution monétaire européenne.

La critique allemande porte également sur la gestion par la France de ses propres comptes publics assujettis à un objectif d’équilibre comme ceux de tous les pays membres de la zone euro. Le gouvernement français vient en effet de revoir à la baisse ses objectifs de réduction de la dette et du déficit qui ne renoueraient avec l’équilibre qu’en 2012. Tandis que même la cession de 2,5% du capital d’EDF ne servirait pas à alléger la dette mais à financer un plan pour les universités françaises.

Enfin, sur un plan bilatéral, à peine le dossier d’EADS est-il refermé par de nouvelles nominations respectant le sacro-saint équilibre des pouvoirs entre Français et Allemands, celui d’Areva NP menace de tendre à nouveau les relations entre les deux pays. Le leader mondial de construction des centrales nucléaires est aujourd’hui codétenu à 66% par le Français Areva et à 34% par l’Allemand Siemens. Et alors que l’Elysée semble vouloir tâter le terrain pour un rachat des parts allemandes, afin de constituer un champion français de l’énergie en arguant notamment que l’Allemagne a choisi d’abandonner l’énergie nucléaire à l’horizon 2020, la chancelière souhaite poursuivre la coopération entre les deux entreprises.

A ces divergences de fond s’ajoutent enfin des différences de style entre un homme impétueux, qui se fait photographier aux côtés de personnalités du spectacle ou des affaires, n’hésite pas à rendre publique sa vie matrimoniale et est passé maître dans l’art de mettre en scène ses succès, même s’ils sont largement partagés justement avec les Allemands - qu’il s’agisse du traité européen ou de la libération des infirmières bulgares – et une femme discrète, toute en nuances, à l’époux presque inconnu et dont une photo récemment parue dans les journaux la montre poussant son caddy au supermarché.