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Cameroun

Corruption : Trente ans de prison pour un ancien ministre

Article publié le 14/12/2007 Dernière mise à jour le 14/12/2007 à 02:52 TU

Le port de Douala.( Photo : Ambassade de France au Cameroun )

Le port de Douala.
( Photo : Ambassade de France au Cameroun )

Le Cameroun continue son opération « mains propres » : quatre dirigeants du port de Douala, dont un ancien ministre, Alphonse Siyam Siwé, ont été condamnés à de lourdes peines de prison pour avoir détourné 38 milliards de francs CFA. Leurs biens seront confisqués et ils devront verser au port 13 milliards de dommages et intérêts.

Par notre correspondant à Yaounde, Emmanuel d'Abzac

Le verdict est donc finalement tombé, dans le procès du Port autonome de Douala : les principaux accusés sont reconnus coupables d’avoir détourné 38 milliards de FCFA. Ils vont devoir verser 13 milliards de dommages et intérêts et leurs biens sont confisqués. Des peines de prison ferme ont été prononcées, mais les condamnations sont finalement inférieures à ce qu’avait requis le Procureur du tribunal de grande instance de Douala, qui demandait la prison à vie pour les principaux accusés. Neuf autres personnes qui comparaissaient dans cette affaire ont été relaxées.

La peine la plus sévère, 3O ans de prison ferme, est prononcée contre Alphonse Siyam Siwé, directeur général du port de Douala pendant près de 7 ans. Il avait ensuite intégré le gouvernement fin 2004 en tant que ministre de l’Eau et de l’Energie. Limogé en février 2006, il avait été arrêté quelques jours plus tard. L’un de ses co-accusés, l’ex-député du parti présidentiel RDPC, Edouard Etondé Ekoto, écope de 15 ans de prison. Deux autres responsables du port sont également condamnés à de la prison ferme : 25 ans pour l’ancien directeur des infrastructures, François Marie Siéwé Nitcheu, et 10 ans pour Simon Pierre Ewodo Noah, un autre dirigeant. Les condamnés ont été transférés dans la nuit, sous haute surveillance, à la prison de Yaoundé.

L’avocat de Siyam Siwé, Maître Tchakouté Patié Charles, a immédiatement réagi à l’énoncé du verdict. Il estime que la peine est « injustifiée et démesurée » et confirme son intention de faire appel. A l’issue de sa plaidoirie de plusieurs heures, le mois dernier, il avait demandé la relaxe de son client.

Pour mémoire, le procès du Port autonome de Douala a débuté il y a près d’un an. C’est le troisième des quatre grands procès ouverts par la justice camerounaise dans le cadre de l’opération anti-corruption Epervier, lancée par le Premier ministre Ephraim Inoni sous la pression des bailleurs internationaux. Mais malgré ces efforts, le Cameroun figure toujours parmi les pays les plus corrompus au monde dans le classement de l’ONG Transparency International.

Un pillage très organisé

C’est grâce à la sagacité des agents du Contrôle supérieur de l’Etat que l’affaire du Port autonome de Douala (PAD) a éclaté. Menant une mission détaillée d’inspection du 14 juillet au 5 décembre 2003, ils publient, quelques mois plus tard, le résultat de leurs investigations. Ce qu’ils ont découvert est tout simplement hallucinant. Ces contrôleurs ont examiné à la loupe la gestion du PAD en remontant jusqu’à l’année 1999. Et ils réussissent à mettre au jour un système bien rodé de pillage systématique de cette entreprise publique en perte de vitesse. Tout est prétexte à l’enrichissement personnel de ses dirigeants dans des proportions qui dépassent l’entendement.

Il serait bien long d’en faire l’inventaire complet mais voici quelques exemples saisissants. Alors que le Port autonome enregistrait chaque année des pertes estimées à 5 milliards de francs CFA, ses dirigeants s’octroyaient de juteuses primes de résultat : 18 millions de francs en 2001 et 2002 pour son président. Pour la même période, le directeur général et son adjoint empochent pas moins de 7 millions et demi de CFA. Des dizaines d’autres millions sortent également des caisses sans la moindre pièce justificative. Les primes de carburant approchent les 100 millions, et des marchés publics pour l’achat de véhicules sont passés sans aucun appel d’offres. Bon nombre de ces véhicules sont d’ailleurs cédés pour le franc symbolique aux responsables du port lors de ventes aux enchères fictives. La gestion du parc immobilier n’est pas non plus épargnée, plusieurs immeubles ont tout simplement disparu. Aucune ligne budgétaire n’échappait à la voracité de ceux qui étaient chargés de veiller à la rentabilité de cette entreprise publique qui a aujourd’hui renoué avec les bénéfices.

A écouter

Adamou Ndam Njoya

Président de l'Union démocratique du Cameroun, dans l'opposition

« Appartenant à une même famille politique, et gérant la chose publique, les responsables se sentent dans l’impunité, c’est pourquoi nous nous battons pour une véritable démocratie... »

14/12/2007 par Emmanuel D'Abzac

Maître Martine Mbongo-Bwamé

Avocate d'Edouard Etonde Ekoto, condamné à 15 ans d'emprisonnement

«Je crie au scandale… Il n’a jamais perçu les sommes qu’on lui impute… Qui pilote cette affaire ? »

14/12/2007 par Carine Frenk