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Somalie

Mogadiscio, une ville coupée en deux

Article publié le 17/12/2007 Dernière mise à jour le 17/12/2007 à 20:32 TU

Depuis les affrontements intenses de début novembre, le gouvernement de transition contrôle seulement la partie sud de la ville, tandis qu’au nord, notamment autour du marché de Bakara, autrefois poumon économique de la ville, les troupes ne peuvent y pénétrer au risque d’être la cible d’attaques à la grenade ou de bombes télécommandées. Quasiment chaque jour, des attentats ont lieu contre le GFT ou les soldats éthiopiens, tandis que les autorités ne cessent d’affirmer que la situation est sous contrôle.

La partie sud dela ville, contrôlée par le GFT(Photo : Stéphanie Braquehais/RFI)

La partie sud dela ville, contrôlée par le GFT
(Photo : Stéphanie Braquehais/RFI)

Avec notre envoyée spéciale à Mogadiscio, Stéphanie Braquehais

« Nous arrivons,êtes-vous certains que la zone est sécurisée » ? Le maire-adjoint chargé de la sécurité à Mogadiscio, Abdifitah Ibrahim, dit « Shaawey », jeune homme de 25 ans, qui a remplacé son père mort il y a un an dans un véhicule explosant sur une bombe, passe quelques coups de téléphone avant d’autoriser l’escorte du gouvernement de transition à pénétrer dans les quartiers périphériques du marché de Bakara, vidé de ses habitants.

Les principaux hommes d’affaires ont quitté le pays, les petits commerçants se sont déplacés près de la zone du port, sécurisée par les troupes de l’AMISOM, la force de l’Union africaine. Bakara constitue un des principaux bastions des insurgés. Nous nous rendons dans les quartiers de Howl Wadaq et Bermuda. Dans cette zone, les miliciens de l’ancien chef de guerre, Mohamed Afrah Qanyare, font désormais office de forces régulières, avec des uniformes et un salaire de 100 dollars par mois, que la plupart tente d’améliorer en volant des téléphones portables et de l’argent collectés sur les civils qui se font fouiller à tous les check points.

Le feu vert est donné aux troupes du GFT (gouvernement fédéral de transition), mais les soldats semblent particulièrement nerveux, jetant des regards méfiants sur tous les passants. A chaque carrefour, le convoi klaxonne indéfiniment pour inciter les camions de transport public ou commerciaux à s’écarter du chemin en terre cabossé. La moindre seconde de trop passée sur place est une occasion offerte à n’importe qui d’attaquer. « Nous ne savons pas à qui nous avons affaire, admet Shawey. Des jeunes de 12 ans sont entraînés à lancer des grenades ou à poser des bombes par les insurgés. Il ne faut pas rester plus de 5 minutes sur place », prévient-il.

« Ç’est du RPG, ça c’est du mortier »

Nur Ahmed Abdallah, commandant de la zone de Bakara.(Photo : Stéphanie Braquehais/RFI)

Nur Ahmed Abdallah, commandant de la zone de Bakara.
(Photo : Stéphanie Braquehais/RFI)

Au poste de police du quartier Howl Wadaq, deux colonnes criblées d’impacts de balles signalent l’entrée du bâtiment dont les murs aux trous béants laissent entrevoir une cour jonchée de détritus. Le commandant de police, Nur Ahmed Abdallah, « Qongor » (qui signifie l’homme fort) porte un uniforme beige, légèrement entrouvert sur un tee shirt orange. Un képi, une kalachnikov sur l’épaule. Ancien militaire de l’armée de Siad Barré, il s’est fait amputer de la main droite au début des années 90, lorsqu’il combattait au sein de la milice du chef de guerre Farah Aideed, le tombeur de Siad Barré. Avec son moignon, il désigne les trous béants dans les murs. « Ca c’est du RPG, ça c’est du mortier. Et vous pouvez voir également des traces de balles un peu partout », récite-t-il avec indifférence.

Autour de la station de police, des femmes et des enfants sont assis dans la rue, sur des chaises, par terre sur des nattes, les femmes faisant bouillir de l’eau. « La journée, ils nous préparent du thé, et de la nourriture, mais la nuit, ils partent, car ils ont peur d’être trop près de nous », poursuit l’officier. « Vous ne pouvez pas dépasser cette limite, au-délà, c’est le marché de Bakara et nous ne pourrons pas garantir votre sécurité ». Au bout de quelques minutes, les soldats de l’escorte s’agitent, Nur Ahmed Abdallah fait signe qu’il est temps de partir, puis chuchote en montrant son moignon: « pensez-vous que vous pourriez me trouver une main à me faire greffer ? ».

Une patrouille du GFT(Photo : Stéphanie Braquehais)

Une patrouille du GFT
(Photo : Stéphanie Braquehais)

La semaine dernière, des affrontements ont eu lieu autour du poste de police, faisant une vingtaine de morts. En l’espace de quelques heures, les principaux hôpitaux de la ville ont reçu plus de 80 blessés. Des obus de mortier ont atterri sur plusieurs échoppes. Le gouvernement a aussitôt mis en cause les insurgés, tandis que certains habitants accusaient les soldats éthiopiens, qui se sont retirés du centre-ville le dimanche 9 décembre, de tirer depuis leurs bases du stade et de l’usine de spaghettis dans le nord-est de la ville.

Les Ethiopiens se montrent plus que discrets, de temps à autre un convoi surgit à fond de train sur une route et ne s’arrête pas. Sur la route d’Afgoye, certains sont même dissimulés derrière des broussailles, laissant les soldats du gouvernement bien visibles arrêter chaque véhicule. « Le gouvernement a estimé que la situation était sous contrôle et a demandé à l’armée éthiopienne de se retirer vers la périphérie pour laisser les commerçants poursuivre leur activité, affirme Shaawey. Le pire est passé, il n’y a plus de combats et nous viendrons bientôt à bout des mécontents ».