Article publié le 22/12/2007 Dernière mise à jour le 23/12/2007 à 03:28 TU
Derniers préparatifs des bureaux de vote, ce 22 décembre 2007, dans la province du Pattani, en Thaïlande à la veille des élections législatives.
(Photo : Reuters)
De notre correspondant à Bangkok, Arnaud Dubus
Ces élections apparaissent plutôt comme un nouveau rebondissement dans la longue crise politique qui avait débuté en janvier 2006, quand le Premier ministre de l’époque, Thaksin, avait été accusé de corruption et de manque d’éthique. « Toutes les causes du conflit sont encore présentes. Rien n’a été résolu. Et Thaksin (en exil à Londres depuis le coup d’Etat, ndlr) attend l’occasion de revenir en Thaïlande, ce qui sera une source majeure de confrontation », estime Danthong Breen, président de l’ONG thaïlandaise Union for Civil Liberties.
Le retour de Thaksin en Thaïlande est conditionné par une large victoire électorale du parti du Pouvoir du peuple (PPP) qui regroupe les politiciens qui lui sont restés fidèles. Le chef de ce parti, Samak Sundaravej, a déclaré sans ambages qu’il était « l’homme de paille de Thaksin » et que sa priorité serait de permettre à celui-ci de revenir en Thaïlande pour laver son honneur. C’est un clair défi lancé à la face des militaires, qui ont essayé, depuis le coup d’Etat de septembre 2006, d’annihiler toute influence de l’ancien chef de gouvernement dans la politique thaïlandaise.
Son ancien parti, qui avait dirigé pendant cinq ans le pays, a été dissout par la Cour constitutionnelle en mai dernier et l’ensemble des cadres du parti interdits d’activités politiques jusqu’en mai 2012. De multiples recours en justice pour corruption et abus de pouvoir ont été intentés contre Thaksin par des commissions mises en place par les militaires. La plus grande partie de la fortune de la famille Shinawatra entreposée dans des banques thaïlandaises a été gelée. « Les enjeux sont très élevés car s’il y a une résurgence politique des groupes pro-Thaksin, il pourrait y avoir des représailles contre ceux qui ont été impliqués dans le coup », indique Jon Ungphakorn, ancien sénateur.
Deux personnalités que tout oppose
Quelque soit le résultat des élections, il semble difficile pour Thaksin de redevenir Premier ministre à court terme. Deux personnalités que tout oppose s’affrontent pour le poste de chef de gouvernement : Samak Sundaravej, un ancien gouverneur de Bangkok à la tête Parti du pouvoir populaire, et Abhisit Vejjajiva, un fringuant quadragénaire qui dirige le Parti démocrate, principal parti d’opposition pendant le gouvernement de Thaksin. Samak, âgé de 72 ans, est un ultra-conservateur qui abhorre les médias et utilise volontiers un langage grossier. A une journaliste qui le pressaient récemment de questions, il a rétorqué : « Avec qui avez-vous couché la nuit dernière ? ».
Par contraste, Abhisit est le gendre parfait : éduqué à Eton et Oxford, il est aussi poli et raffiné que compétent. Une image qui séduit sans doute l’élite urbaine, mais son manque de charisme et son aspect aristocratique le désavantagent dans les campagnes où se trouve la majorité des électeurs, notamment dans le nord-est très pauvre du pays. « Abhisit a l’image d’un homme jeune, mais il ne semble pas avoir beaucoup d’énergie. Il lui manque aussi un certain radicalisme, nécessaire pour faire face à quelqu’un comme Thaksin », estime Jon Ungphakorn. Grâce aux programmes populistes mis en place par son gouvernement, Thaksin Shinawatra conserve une forte popularité dans le nord-est où est en jeu près d’un tiers des sièges du Parlement ainsi que dans le nord d’où il est originaire.
Selon les sondages, le Parti du pouvoir populaire, dirigé par Samak, devrait remporter le plus grand nombre de sièges mais pas suffisamment pour former un gouvernement à lui seul. Il devra donc essayer de s’allier avec d’autres partis pour former une coalition. S’il échoue, l’opportunité de former le nouveau gouvernement reviendra au Parti démocrate d’Abhisit. « Dans ce cas de figure, on peut compter sur Thaksin pour faire tout ce qu’il peut pour créer le désordre dans le pays », estime Kiatchai Pongpanich, éditorialiste au quotidien Matichon.
Sur le même sujet
« Déterminée à lutter contre la corruption, la junte au pouvoir a pris une série de mesures qui se sont révélées désastreuses pour le développement du pays. »
22/12/2007 par Mounia Daoudi