par Patrick Adam
Article publié le 26/12/2007 Dernière mise à jour le 26/12/2007 à 21:25 TU
Le président serbe Boris Tadic (à droite) et le Premier ministre Vijislav Kostunica (à gauche) au Parlement de Belgrade, le 26 décembre 2007.
(Photo: Reuters)
Farouchement opposée à une indépendance du Kosovo, la Serbie a toujours prévenu qu’elle prendrait des mesures de rétorsion à l’encontre des pays qui reconnaîtraient un Kosovo nouvellement souverain. Cette motion âprement négociée entre les partis du président et celui du Premier ministre rejette l’invitation de Bruxelles à se montrer plus flexible sur le dossier kosovar en contrepartie d’un rapprochement accéléré avec l’Union européenne.
Mieux vaut être seul que mal accompagné. A sa manière, la Serbie reprend l’adage à son compte et l’applique à ses relations avec l’Europe. En clair, Belgrade préfère prendre le risque d’un certain isolement plutôt que de céder aux pressions internationales. Un retournement de situation qui ne manque pas de sel, dans la mesure où, jusqu’à présent, la Serbie apparaissait comme le mauvais élève du rapprochement avec l’Union européenne. Sa collaboration plus que laborieuse avec la justice internationale lui a valu d’être souvent rappelée à l’ordre et la signature de l’accord de stabilité et d’association avait d’ailleurs été reportée.
Alors que le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pu que constater les divergences de vues quant au statut futur du Kosovo, les Européens ont confirmé l’envoi très prochainement d’une importante mission civile à Pristina. Un geste interprété à Belgrade comme un premier pas vers une reconnaissance européenne de l’indépendance de la province. Ce qui n’est qu’en partie vrai, dans la mesure où les Vingt-Sept restent divisés sur l’attitude à tenir. Si les membres de l’Union européenne affichent leur solidarité sur le Kosovo, ils ont en revanche admis qu’il n’y aurait pas unanimité des points de vue.
La Serbie entend imposer son tempo
« Les accords internationaux que la Serbie signe, y compris l’Accord de stabilisation et association avec l’UE, doivent tenir compte du maintien de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays », précise le texte débattu au Parlement et dont le contenu a été révélé par la presse. Le fameux accord avec l’Europe, l’ASA a été paraphé par la Serbie mais pas encore signé. D’où un certain empressement de la part de pays européens à prôner un rapprochement accéléré avec la Serbie d’autant que Bruxelles souhaite avant tout éviter de voir les électeurs serbes se draper dans leur orgueil national et porter à la présidence un autre que le chef d’Etat sortant, Boris Tadic, ouvertement pro-occidental, à l’occasion de l’élection présidentielle prévue le 20 janvier.
Désormais, Belgrade brouille les cartes et s’offre le luxe d’un pied de nez à la Commission de Bruxelles, sorte de « oui à l’Union européenne mais pas à n’importe quel prix. » Ainsi le Premier ministre Vojislav Kostunica a-t-il affirmé devant le Parlement que « si certains pays en viennent à penser qu’ils nous ont estropié avec l’indépendance unilatérale du Kosovo, la Serbie doit leur montrer que cette indépendance unilatérale n’est qu’une création fantoche qui doit disparaître ». De même, le texte condamne le plan européen d’envoyer au Kosovo une mission civile, et repousse sine die une éventuelle intégration à l’OTAN.
L’avenir toutefois n’apparaît pas totalement bouché. D’abord parce que le texte soumis aux députés reste suffisamment flou pour laisser la porte ouverte à différentes interprétations. Si l’on en croit le président Tadic, la motion ne remet pas en cause l’intégration européenne de son pays. D’ailleurs le Parti démocratique de Serbie (DSS) du Premier ministre aurait préféré que le rapprochement avec l’UE soit explicitement conditionné par une reconnaissance de sa souveraineté sur le Kosovo. Mais le contenu de la motion soumise aux députés a été longuement pesé et le texte est l’objet d’un compromis entre la formation du Premier ministre et celle du président. Une manière pour la Serbie de montrer que le Kosovo reste une priorité nationale et qu’elle ne se sent pas isolée même si elle sait ne pouvoir compter que sur le réel soutien de la Russie.